Le budget 2022 promet d'âpres batailles parlementaires. Deux mois après sa présentation à Bercy, le dernier budget du quinquennat d'Emmanuel Macron (PLF 2022) actuellement en débat au Parlement provoque l'ire des oppositions. A droite, Véronique Louwagie (LR) a fustigé une "flambée des dépenses électoralistes", "totalement irresponsable". A gauche, la socialiste Christine Pires Beaune a pointé un "record" de "149 amendements du gouvernement pour compléter les trous" d'un budget aux allures de "parcours de golf".
A cinq mois de l'élection présidentielle, la méthode du gouvernement est sous le feu des critiques. Au Sénat, la droite a récemment retoqué l'indemnité inflation annoncé par le Premier ministre Jean Castex il y a plusieurs semaines dans le cadre de l'examen du dernier projet de loi de finances rectificatif pour 2021 (PLFR 2021). De son côté, le porte-parole de l'Elysée Gabriel Attal a pourtant assuré que sur "l'indemnité inflation", le gouvernement aura "le dernier mot". Dans ce bras de fer, la majorité parlementaire peine à se faire entendre.
Un plan d'investissement France 2030 et des chèques par décret
L'annonce en grande pompe à l'Elysée du plan d'investissement de 34 milliards d'euros au début du mois d'octobre par le chef de l'Etat a hérissé les élus de l'opposition dans les rangs de l'Assemblée nationale et du Sénat. La méthode par voie d'amendement a été particulièrement critiquée par une bonne partie des parlementaires. Pour rappel, les ministres en charge de l'Economie et du budget, Bruno Le Maire et Olivier Dussopt n'avaient pas présenté les détails du plan d'investissement en septembre ni à la presse, ni au haut conseil des finances publiques (HCFP) alors que sa présentation était prévue initialement pendant "la première quinzaine de septembre" comme l'ont rappelé plusieurs sources à La Tribune.
A l'époque, les magistrats financiers de la Cour des comptes n'avaient pas pu rendre d'avis "pleinement éclairé" jugeant le texte "incomplet". Depuis, l'exécutif a revu sa copie et a apporté des précisions sur sa feuille de route mais la multiplication des chèques pour lutter contre la hausse du coût de la vie continue d'exaspérer, surtout dans un contexte de campagne électorale. Entre la présentation du projet de budget et la fin de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale, 11,8 milliards de dépenses supplémentaires ont été ajoutées, pour porter la prévision de déficit à 5% du PIB en 2022.
Budget 2022 : des mesures pérennes favorables aux ménages les plus aisés
Les prochaines séances parlementaires pourraient encore faire l'objet de vifs débats. Sur l'ensemble du texte de loi, beaucoup de mesures exceptionnelles ont été annoncées à la dernière minute en plein marathon budgétaire. En revanche, certaines mesures pérennes moins retentissantes risquent d'avoir des conséquences importantes sur les écarts de niveau de vie. Dans une évaluation du budget 2022 présentée cette semaine, les économistes de l'institut des politiques publiques (IPP) et du Cepremap ont montré les effets redistributifs des différentes mesures socio-fiscales pour 2022. "Sur le budget 2022, les mesures pérennes jouent surtout en haut de la distribution avec le dégrèvement de la taxe d'habitation. Les aides exceptionnelles jouent plutôt en faveur du bas de la distribution" a résumé l'économiste de l'IPP Chloé Lallemand lors d'un point presse.
En outre, il apparaît que le dégrèvement de la taxe d'habitation en 2022, puis sa suppression en 2023, a surtout augmenté le niveau de niveau de vie de 20% des ménages les plus aisés. Soit une hausse bien supérieure à la plupart des autres catégories de population. Malgré toutes les mesures exceptionnelles qui n'ont pas vocation à se poursuivre, les inégalités entre le bas et le sommet de la population française devraient s'accroître. En effet, à ces mesures pérennes s'ajoutent la transformation de l'impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Sur l'ensemble du quinquennat, "il y a des hausses de niveaux de vie sur presque pour tous les centièmes, sauf les cinq premiers centiles" a ajouté Paul Dutronc-Postel économiste à l'IPP.
Le ministre de l'Economie se fait remonter les bretelles par la droite
Lors d'une audition au Sénat mercredi dernier, la présidente de la Commission des affaires économiques Sophie Primas (LR) n'a pas hésité à envoyer des tacles au ministre de l'Economie Bruno Le Maire. "Je tiens à vous remercier de bien vouloir consacrer du temps à cette chambre qui vous voit si peu. ll est vrai que dans votre dernier livre 'Un éternel soleil', on peut lire que, nous sénateurs, nous sommes trop nombreux à vous contrôler et à vous interroger. Le pouvoir parlementaire devrait être limité en matière budgétaire à de simples observations et à une approbation sans droit d'amendement [...] Vous comprenez que cette attaque du bicamérisme soit fraîchement accueillie dans ces assemblées" a critiqué l'élue.
L'ex-membre de l'UMP et des Républicains a répondu que "les sénateurs étaient utiles. Le sénat est un bon sismographe de la société française [...] Ma conviction profonde est qu'il faut rééquilibrer le partage des responsabilités entre le Sénat et l'Assemblée nationale et revoir notre procédure législative".
Ce n'est pas la première fois que des poids lourds de la majorité critiquent la chambre haute. Dans son programme de 2017, Emmanuel Macron avait proposé de réduire d'un tiers le nombre de sénateurs. Dans la dernière ligne droite de la présidentielle, cette proposition pourrait à nouveau faire des vagues.