La France comptait 9 millions de pauvres en 2019, le pire à venir ?

Le taux de pauvreté est passé de 14,8% à 14,5% et les inégalités sont restées relativement stables entre 2018 et 2019 selon des chiffres provisoires dévoilées par l'Insee. La pandémie et la terrible récession qui frappent durement la France pourraient changer rapidement la situation sociale. Au ministère des Solidarités et de la Santé, les fortes inscriptions au RSA depuis le mois de septembre inquiètent particulièrement le ministre Olivier Véran.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

C'est une bonne nouvelle qui pourrait être de courte durée. Selon une estimation avancée de l'Insee rendue publique ce mercredi 18 novembre, le taux de pauvreté en 2019 diminuerait de 0,3 point en 2019 pour atteindre 14,5% de la population.  En 2018, ce ratio avait atteint un pic à 14,8% avec une hausse importante par rapport à 2017 de 0,7 point alors que ce taux s'était stabilisé autour de 14% depuis 2014 après avoir grimpé en flèche à la suite des crises de 2008 et 2012. Au total, 9,1 millions de personnes étaient en situation de pauvreté avant l'arrivée de la pandémie sur le territoire français.

Du côté des inégalités, les indicateurs communiqués par l'organisme public illustrent une légère inflexion mais là encore la propagation du virus dans la population pourrait avoir des effets dévastateurs. "Ces indicateurs sont à prendre avec prudence mais ils montrent une dynamique positive. Cette estimation montre que la pauvreté a baissé et les inégalités ont légèrement diminué. Ce concept de pauvreté monétaire ne prend pas en compte toutes les situations. Ce taux de pauvreté donne une indication. Il ne faut pas occulter l'année 2020" explique-t-on dans l'entourage du ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

La hausse des primes "gilets jaunes" a fait baisser la pauvreté

Entre 2018 et 2019, les statisticiens de l'institut public ont compté environ 210.000 pauvres en moins avec un seuil de pauvreté fixé à 60% du seuil de revenu médian. Ce niveau, même s'il peut être vu comme une bonne nouvelle, est loin d'être glorieux. En effet, d'après des séries longues communiquées par l'organisme en charge de la statistique publique, le ratio de 2019 (hormis 2018) a retrouvé celui de 1996. Pour expliquer cette baisse entre 2018 et 2019, les experts indiquent que la mise en place de la prime "gilets jaunes" en décembre 2018 a permis à de nombreux actifs de sortir de la pauvreté monétaire.

Un mois après le début des nombreuses mobilisations autour des ronds-points, le président de la République Emmanuel Macron avait annoncé un arsenal de mesures de l'ordre de 10 milliards d'euros pour tenter d'apaiser la colère sociale qui grandissait. Parmi ces mesures, le chef de l'Etat avait déclaré que les entreprises pouvaient verser une prime d'un montant plafonné à 1.000 euros exonérée de prélèvements fiscaux et sociaux. Cette enveloppe visait tous les salaires en deça de trois SMIC. Ces primes ont principalement profité aux classes moyennes actives et catégories supérieures situées "entre le 3e et le 9e déciles de niveaux de vie, où la part des personnes salariées est plus forte que parmi les plus modestes". "La revalorisation de la prime d'activité a permis aux bénéficiaires d'augmenter leur revenu plus vite que le revenu médian. Et son taux de recours a augmenté" a indiqué le ministère de la Santé lors d'une réunion avec des journalistes.

> Lire aussi : Smic, CSG, heures supp : une opération déminage à 10 milliards pour Macron

En revanche, ces primes exonérées ont eu des répercussions défavorables en termes de cotisations chômage et donc d'amortisseur en cas de perte d'emploi ou de licenciement. Dans une récente note de blog de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l'économiste et maître de conférence à Paris 1, Muriel Pucci-Porte, rappelait que "lorsqu'un travailleur perd son emploi, il perd à la fois son salaire et sa prime d'activité mais le montant d'allocation chômage perçu ne dépend que du seul salaire. Ainsi, à l'inverse des autres prestations sociales qui limitent la baisse des revenus disponibles en période de crise, la prime d'activité est pro-cyclique : les sommes versées diminuent lorsque le chômage augmente". Dans le contexte de la récession actuelle qui devrait durer plus longtemps que prévu, les salariés qui perdent leur emploi et ont touché cette prime auraient donc un filet de protection moins important qu'avec une hausse de salaire.

D'autres mesures comme la poursuite de la baisse de la taxe d'habitation qui bénéficient surtout aux catégories intermédiaires ont contribué à faire baisser le niveau de pauvreté. Il reste que ces dispositifs visent surtout des actifs et les classes moyennes. En outre, de nombreuses mesures décidées par le gouvernement et qui peuvent affecter le pouvoir d'achat des plus modestes ne sont pas prises en compte dans les enquêtes sur les revenus fiscaux et sociaux de l'Insee comme la hausse de la fiscalité sur le tabac qui touchent avant tout les catégories les plus modestes. Pour les plus pauvres, le risque de basculer dans une extrême pauvreté avec la pandémie a considérablement augmenté. Sur ce sujet, les associations d'aides aux plus précaires et les organisations en charge de l'aide alimentaire tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs mois.

Des inégalités en légère diminution

En 2019, l'Insee prévoit que l'indice de Gini diminuerait de 0,003 pour s'établir à 0,295 après une hausse de 0,009 point en 2018 à 0,298. Plus ce coefficient est proche de 0, plus les inégalités sont faibles et plus il est proche de 1 et plus les inégalités sont criantes. Si ces chiffres sont peu parlants, leur dynamique et leur mise en perspective permettent d'avoir une photographie plus juste. Même s'ils peuvent paraître favorables à première vue, ces résultats sont loin d'être miraculeux. Le niveau enregistré en 2019 retrouve ainsi celui de de 2009 au moment du pic de la crise avec une récession d'environ -2,9%. Surtout, l'indice de Gini n'avait pas connu d'aussi forte hausse entre 2017 et 2018 durant la dernière décennie (0,9 point, passant de 0,289 à 0,298) alors que la croissance et le cycle économique étaient bien plus propices à la réduction des inégalités et "la croissance inclusive" avancée par Emmanuel Macron.

Là encore, pour expliquer la légère diminution des inégalités en 2019, les statisticiens évoquent le rôle de la prime d'activité "qui à elle seule aurait un effet de - 0,002 sur l'indice de Gini". Ils indiquent que certains dispositifs ont contribué à réduire ces inégalités comme les revalorisations exceptionnelles de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du minimum vieillesse (Aspa).

A l'inverse, d'autres mesures peuvent creuser les écarts de richesse comme l'exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires qui avantagerait les 50 % les plus aisés, et dans une moindre mesure les sous-indexations de prestations (allocations logement, prestations familiales) qui affecteraient davantage les 50 % les plus modestes. La défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires d'abord mises en place sous le quinquennat Sarkozy "ont d'abord un effet sur les personnes qui ont un emploi, à temps complet et en emploi stable. Elles ne touchent pas les plus précaires qui sont par définition dans des emplois instables. Ces mesures ne sont pas anti-redistributives. Elles ont plus d'effets sur les classes moyennes. Le revenu médian a augmenté fortement en raison de ces mesures notamment" indique Bercy.

2020, année de l'appauvrissement ?

La propagation du virus en France et la mise sous cloche à deux reprises de l'économie ont des effets dévastateurs encore complexes à appréhender. Pour le taux de pauvreté, l'Insee met généralement près de deux ans pour sortir des chiffres relativement solides et celui délivré aujourd'hui pour 2019 demeure provisoire.  Il reste que les remontées de terrain vécues par les associations et les fortes hausses de demandes de RSA sont des signaux d'alerte relativement alarmants pour le gouvernement. La déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté, Marine Jeantet, a rappelé que "les chiffres de 2019 sont encore provisoires et rétrospectifs. Ils sont en décalage avec l'année 2020 que nous vivons avec la crise sanitaire et la crise sociale".

Pour l'entourage du ministre de la santé Olivier Veran, la dégradation de la situation sociale s'accélère. "Les chiffres de l'augmentation du RSA sont très inquiétants pour les mois de septembre et octobre. Un nombre important de personnes ne sortent plus du chômage à cause de la récession. Avant, beaucoup de personnes sortaient du chômage et trouvaient un emploi. Il y a des périodes de pics de demande du RSA. Ce sont des chiffres très inquiétants. Les bons chiffres de 2019  sortent dans une période où nous sommes très inquiets de la situation sociale de la France". Le cabinet du ministre de la Santé s'alarme particulièrement de l'arrivée de nouveaux publics comme de nombreux indépendants qui ne disposent pas toujours de filets de sécurité en cas d'arrêt brutal de l'activité.

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 19/11/2020 à 11:30
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Et en plus, ils veulent que l'on deviennent sale pour nous démoraliser progressivement ,confinement, masque toute la journée plus de vêtements,chaussures,maquillage,coiffeurs etc..c'est pas innocent.Un virus s'attaquant plus facilement aux gens affa...

à écrit le 19/11/2020 à 7:49
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Pas de problèmes. La situation reste sous contrôle. Nous restons toujours les champions du monde pour financer la misère. Nos apparatchiks progressistes islamo gauscistes immigrationnistes au pouvoir depuis 40 ans vont continuer de traire les génér...

le 19/11/2020 à 9:09
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Beaucoup de ressentiments mais aucune idée. Un procès d'intention aussi subjectif qu'improductif. Epuisant...

à écrit le 18/11/2020 à 21:00
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Presque 15% c'est énorme !!!!

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