Pour répondre aux question de La Tribune Dimanche, Sébastien Lecornu a choisi, vendredi, de s'installer dans l'ancien bureau qu'occupa à deux reprises le général de Gaulle au sein de l'hôtel de Brienne, qui abrite le ministère des Armées. La première fut quand il exerça brièvement les fonctions de sous-secrétaire d'État à la Guerre en 1940, la seconde à son retour de Londres, en 1944.
Le ministre de la Défense du gouvernement Attal, 37 ans, a-t-il fait ce choix pour marquer la gravité du moment ? Dimanche, au lendemain de l'attentat de Moscou revendiqué par l'État islamique au Khorasan (EI-K), la France a rehaussé le niveau du plan Vigipirate pour passer au stade « alerte attentat ». Aux 3.000 soldats mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle, 4.000 autres pourront désormais l'être, alors que le pays a déjoué en novembre 2022 un attentat que préparait ce groupe terroriste à Strasbourg. Dans la perspective des Jeux olympiques qui se dérouleront cet été, cette nouvelle donne du terrorisme est devenue une source d'inquiétude supplémentaire pour l'exécutif.
Sébastien Lecornu est aussi en première ligne sur un autre front : celui de la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Ces prochains jours, il s'apprête à entamer une tournée européenne pour mettre en application les différents chantiers arrêtés lors de la réunion de soutien à Kiev organisée à l'Élysée par Emmanuel Macron avec une vingtaine de dirigeants internationaux. Bientôt, il sera à Londres et en Norvège, alors que le chef de l'État avait semé le trouble chez certains de nos voisins en évoquant l'envoi de troupes sur le sol ukrainien. Dès mardi, le ministre des Armées s'entretiendra avec Antony Blinken, le secrétaire d'état américain en visite à Paris.
Rencontre avec Antony Blinken
Sur le plan intérieur, il met en pratique l'économie de guerre dans laquelle le pays a basculé du fait de Vladimir Poutine. Mardi, le ministre des Armées a ainsi commencé à mettre la pression sur les industriels, en rappelant que l'État leur avait passé des commandes d'un montant de 20 milliards d'euros, qu'il attendait maintenant de voir honorées. Dans La Tribune Dimanche, il passe un nouveau cap en exigeant de l'entreprise MBDA, via la Direction générale de l'armement (DGA), de produire à une cadence élevée et dans les meilleurs délais des missiles sol-air Aster. « J'exige la constitution de stocks pour produire des munitions », assène-t-il. Il y va non seulement de l'engagement de la France à soutenir l'Ukraine mais aussi de la nécessité de développer les capacités de production de notre industrie de la défense à l'export, condition nécessaire pour assurer l'indépendance militaire du pays.
Ces efforts diplomatiques et industriels doivent s'être concrétisés dans la perspective du prochain voyage d'Emmanuel Macron à Kiev, déjà reporté à deux reprises. À l'Élysée, on insiste sur la volonté du chef de l'État d'en faire le déplacement le plus utile possible pour le président Zelensky et le peuple ukrainien en s'y rendant avec le maximum d'avancées en poche. Aura-t-il lieu avant les élections européennes du 9 juin, sachant que le président a imposé cet hiver le dossier russo- ukrainien comme sujet de campagne ? Pour le camp macroniste, ce sera aussi l'occasion de plaider pour la mise en place d'une Europe de la défense plus intégrée et de se préparer ainsi à un retour possible de Trump aux affaires. Sur ce sujet, le gaulliste Sébastien Lecornu, convaincu que le continent européen ne peut plus déléguer sa sécurité à Washington, compte bien, ce printemps, faire campagne.