La pénurie de main-d'œuvre pourrait peser sur la reprise économique

Le manque criant de personnel commence à peser dans l'hôtellerie, la restauration ou le bâtiment. Cette difficulté est même devenue le premier sujet de préoccupation des entreprises, devant celui de la pandémie, selon le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux. Cette pénurie de main-d'œuvre pourrait entraîner une hausse des salaires dans les secteurs concernés.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

Hôtels, restaurants, brasseries, BTP... la liste des établissements en manque de main-d'œuvre ne cesse de s'allonger. Près de 18 mois après le premier confinement, beaucoup d'entreprises peinent à recruter. Lors de l'université du Medef à l'hippodrome de Longchamp, le président de l'organisation patronale Geoffroy Roux de Bézieux a pointé cet obstacle.

"Je suis très frappé : tous les patrons que j'ai vus cet été, même avant l'été, leur sujet numéro un, ça n'est plus la pandémie, c'est le recrutementa-t-il déclaré.

Dans les récentes enquêtes de la Banque de France, la part des entreprises confrontées à ce type de difficultés ne cesse de croître depuis la fin du dernier confinement en avril pour passer de 37% en mai à 48% en juillet.

Interrogé récemment par La Tribune, le président de CCI France, Pierre Goguet, a également fait part de ces difficultés. "Pour certains secteurs, je pense que ces difficultés vont effectivement représenter un frein. Dans la restauration et l'hôtellerie par exemple, plusieurs établissements ont signalé qu'ils ne pouvaient pas accueillir tous les clients parce qu'ils n'ont pas les capacités de les recevoir correctement" a-t-il indiqué.

Une reprise limitée par l'offre

Alors que le gouvernement et l'Insee tablent toujours sur une croissance de 6% en 2021, cette pénurie de main-d'œuvre pourrait rendre la reprise moins solide pendant plusieurs trimestres" selon l'économiste chez ING, Charlotte de Montpellier, interrogée par La Tribune.

Lire aussi « Il faut des usines pour les technologies de demain » Pierre Goguet, CCI France

La reprise économique pourrait être limitée par l'offre dans les mois à venir. "Ce sont des difficultés assez inédites depuis le début de la pandémie. Au début, les entreprises étaient surtout confrontées à des problèmes de demande. Dorénavant, ce sont surtout des problème d'offre", affirme Charlotte de Montpellier. Selon elle, il y a une limitation de la production dans tous les secteurs. "Ces difficultés risquent de perdurer pendant les prochains trimestres", ajoute-t-elle.

Des hausses de salaires prévisibles mais sans effet majeur sur l'inflation

Parmi les pistes évoquées, la hausse des salaires permettrait d'attirer certains profils. "Vu les difficultés de recrutement", particulièrement fortes dans les services, dont la restauration et l'hôtellerie, et le bâtiment, "il y aura forcément des augmentations (de salaires) assez significatives l'année prochaine", a estimé Geoffroy Roux de Bézieux, alors que les négociations salariales se déroulent en général en début d'année.

Du côté du patronat, cette hausse des salaires doit "doit passer par des réductions de charges sans pour autant creuser les déficits des régimes sociaux", a déclaré le numéro deux du Medef, Patrick Martin.

"D'un point de vue théorique, les pénuries entraînent des hausses de salaires. Je pense qu'il va y avoir un effet sur les salaires, mais elles devraient être limitées. Les entreprises ne vont pas pouvoir répercuter les coûts sur les prix", a déclaré Charlotte de Montpellier.

La spécialiste ne s'attend pas à un effet majeur sur l'inflation. "Dans certains secteurs, des hausses de salaires peuvent survenir, mais les entreprise ne vont pas être obligées de faire des augmentations faramineuses."

Transformation du marché du travail

La pandémie a eu des répercussions immenses sur le marché du travail. Si le système d'activité partielle a permis de limiter les licenciements, cet amortisseur social n'a pas empêché d'importants mouvements de main-d'œuvre.

Ainsi, parfois, certains salariés en ont profité pour quitter leur emploi, changer de secteur ou se former à d'autres métiers. D'autres ont préféré ne pas revenir, surtout pour des métiers en horaires décalés dans la restauration par exemple ou dans des métiers précaires.

Enfin, certains ont tout simplement perdu leur emploi du jour au lendemain sans perspectives favorables avant de longs mois. C'est par exemple le cas de CDD qui n'ont pas vu leur contrat renouvelé dans des secteurs fermés administrativement ou des jobs étudiants.

Pénuries préexistantes à la pandémie

Il reste que si "ce type de difficultés n'avait pas été anticipé par la plupart des économistes avant la crise", rappelle Charlotte de Montpellier, les pénuries de main-d'œuvre dans certains secteurs existaient bien avant la pandémie.

Plusieurs enquêtes menées auprès des entreprises faisaient régulièrement mention de ce problème d'appariement entre l'offre et la demande sur le marché du travail. La crise sanitaire a surtout amplifié ce phénomène déjà bien établi par les enquêtes.

Lire aussi La pénurie de main-d'œuvre atteint des sommets

Chômage et pénurie, un paradoxe économique

Même si le taux de chômage n'a pas flambé ces derniers mois, il reste à un niveau relativement élevé en France (autour de 8%) au regard d'autres États européens. Malgré ce fléau du chômage, un grand nombre d'entreprises en France France peinent toujours à trouver le profil le plus adapté.

Pour certains, ce paradoxe concernerait surtout la France, et le manque de flexibilité sur le marché du travail serait à l'origine de cette antinomie. En réalité, les mesures de libéralisation du marché du travail ont largement assouplit le Code du travail depuis l'entrée en vigueur des ordonnances Macron en 2017. "Ce paradoxe n'est pas propre à la France. Il peut concerner toutes les économies", indique Charlotte de Montpellier.

Aux yeux de plusieurs économistes, cette inadéquation peut s'expliquer par un problème de formation. "Les personnes sur le marché du travail ne correspondent pas forcément aux besoins des entreprises" ajoute-t-elle. "Le taux de chômage ne reflète pas forcément la dynamique des créations d'emplois", explique l'économiste.

"D'un point de vue économique, grâce aux formations, on peut réduire l'inadéquation. La formation est un élément crucial. Un des problèmes est que les politiques de formation sont structurelles, alors que la crise est surtout conjoncturelle."

Grégoire Normand
Commentaires 31
à écrit le 09/09/2021 à 21:55
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Le chiffre de pénurie est faux car certaines offres relayées par les agences d'intérim sur le site de pole emploi sont aussi comptées alors que c'est le même poste !!! multiples doublons ou triplons !!!

à écrit le 30/08/2021 à 9:15
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c'est pas étonnant qu'il y ait des pénuries de main d'oeuvre, le travail ne paie plus pour ces métiers si pénibles...... Ces trente dernières années, ce sont les actionnaires, les hauts cadres et les ingénieurs qui ont gagné de l'argent, pas les gens...

à écrit le 29/08/2021 à 19:24
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Parce que dans de nombreux secteurs on arrive aux limites de ce qu'une personne peut naturellement supporter 7 ou 8 heures par jour. Ma femme travaille en Clinique plus personne ne veut y travailler. La charge de travail augmente à chaque nouvelle di...

à écrit le 29/08/2021 à 0:56
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Très bonne nouvelle, le patrons obligés de payer le prix qui convient pour trouver du personnel, je pensais pas voir ça un jour de ma vie.

à écrit le 27/08/2021 à 18:45
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vous vous imaginez, vous, travailler sur les toits, sous la chaleur extrème, certains jours d'été et dans le froid l'hiver. L'été, il fait parfois tellement chaud qul'on se brûle les mains pour attraper les matériaux et que les ouvriers les plus âg...

le 28/08/2021 à 8:18
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Les employeurs exerçant une activité professionnelle dans le BTP ont pour obligation d'affilier leur entreprise à une caisse du réseau Congés Intempéries BTP agréée pour la circonscription territoriale dans laquelle elle a son siège social. Un régime...

le 29/08/2021 à 1:00
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C'est pourquoi je n'ai pas fait beaucoup de chantiers dans le bâtiment pourtant je gagnais le double de l'usine mais cabler des armoires sous la pluie le gel le vent pas mon truc.

à écrit le 27/08/2021 à 16:21
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Hôtellerie et restauration sont des secteurs fragilisés par les éventuelles décisions sanitaires gouvernementales; pour le bâtiment, c'est la pénurie des matières premières. La hausse des salaires n'y pourra pas grand chose.

à écrit le 27/08/2021 à 14:24
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L'etat a baisse la TVA dans la restauration,le prix des repas n'a pas baisse ils peuvent donc payer correctement les salaries voir aussi avec des amenagement d'horaires

à écrit le 27/08/2021 à 11:16
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L'économie, telle qu'elle a été décidée par les politichiens, est un biais économique : tout est fait pour contenir les salaires au détriment de la redistribution des richesses, telle que le prévoyait le capitalisme dans sa forme la plus pure. Avec u...

à écrit le 27/08/2021 à 10:56
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"Cette pénurie de main-d'œuvre pourrait entraîner une hausse des salaires dans les secteurs concernés". bonne nouvelle pour ceux qui restent donc.

à écrit le 27/08/2021 à 9:30
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il y a une vraie quadrature du cercle ..: la pénurie de salariés-salaire bas peur du covid véhiculé par les clients etc...-appelle une augmentation des salaires pour attirer. mais cette augmentation est un coût supplémentaire qui sera répercuté sur l...

à écrit le 27/08/2021 à 9:18
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La question subsidiaire est : Pourquoi les gens ne veulent pas aller travailler en Hôtellerie/Restauration. Le préalable est de régler cette question. Après ça ira tout seul !

le 27/08/2021 à 9:54
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Le métier plébiscité par les jeunes c'est celui d'influenceur , où de coach sportif, voila la réalité !!!!

le 27/08/2021 à 9:59
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Parce que recevoir près de la moitié de son salaire au noir, c'est bien tant qu'on est jeune, lorsqu'on veut s'établir ou qu'on pense à la retraite, les conséquences du black vous font fuir.

le 27/08/2021 à 10:39
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c est sur que travailler 60 h par semaine pour 1200€/mois ca attire pas les foules payez mieux et surprise vous allez avoir des vocation pour devenir cuistot ou serveur ...

le 27/08/2021 à 13:47
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@calamars On peut rajouter community manager..........Vaut mieux en rire !

à écrit le 27/08/2021 à 8:46
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Augmentez les salaires ! Ou baissez par deux l'immobilier.

le 27/08/2021 à 10:01
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Les salaires sont très bons dans l’hôtellerie-restauration, si vous comptez les pourboires et les enveloppes en espèces reçus à la fin du mois.

le 27/08/2021 à 10:41
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les pourboires sont rare dans les restos francais, c ets pas comme aux US (en plus en theorie dans l addtion le service est compris) Quant au black, il faut pouvoir en faire. si vos clients payent tous par CB vous faire comment ?

le 27/08/2021 à 10:48
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@Harpagon : voulez-vous dire que pour etre correctement rémunéré dans l'hôtellerie-restauration, il faut être payé au black et frauder le fisc et la sécurité sociale ? Comment cela peut-il être toléré ?

le 27/08/2021 à 11:36
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La barbe.

le 27/08/2021 à 21:16
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Tsoin-tsoin.

à écrit le 27/08/2021 à 8:45
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Les entreprises n'ont qu'à augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail. La loi de l'offre et de la demande, c'est le credo du MEDEF, non ? De plus, c'est une honte que des gens qui travaillent si dur ne soient pas mieux payés.

le 27/08/2021 à 9:30
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Le problème génie c'est que pour augmenter les salaires il va falloir augmenter les prix. Pas sûr que ça plaise trop aux consommateurs

à écrit le 27/08/2021 à 8:22
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Qu'ils paient correctement, les personnels qualifies et experts dans leur domaine reviendront. CQFD.

à écrit le 27/08/2021 à 8:02
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Trop d'assistanat ou d'économie parallèle et traffics en tout genre, tout ce qui est utile n'est donc pas suffisamment pourvu en France, peut-etre regarder vers l'Asie qui semble largement mieux réussir.

le 27/08/2021 à 8:49
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"peut-etre regarder vers l'Asie qui semble largement mieux réussir" Chine = dictature, Corée du sud, 4ème pays dans le monde dans lequel on se suicide le plus, Japon = 30% des enfants garçons déscolarisés une pyramide démographique inversée telle...

le 27/08/2021 à 18:58
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Quand j'échange avec mes amis asiatiques ayant fait leurs études en France, ils n'ont pas vraiment cette vision chez eux, effectivement par contre ils sont obligés de travailler pour leur pays. Peut-être aller voir sur place serait utile ou plus sign...

le 28/08/2021 à 11:41
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Tu parles de combien de pourcentage de la population asiatique là ? A savoir ceux qui ont étudié en France ? :-) Réveillez vous les gars sans rire, le monde ne tourne pas autour de vos nombrils, prenez du recul dans vos analyses. Les chiffres sont là...

à écrit le 27/08/2021 à 7:42
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Il n'y a pas de "pénurie de main d'oeuvre", juste un marché du travail qui est équilibré. Est-ce que dans les périodes d'augmentation du chômage, on parle de "pénurie de l'emploi" ?

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