La pandémie continue de faire trembler l'économie française près d'un an après l'arrivée du virus en Europe. Cette crise hors norme n'a cependant pas eu les mêmes effets sur l'ensemble des ménages. A partir de données bancaires inédites, le conseil d'analyse économique (CAE) indique dans une note rendue publique ce mercredi 27 janvier que si le revenu des ménages a globalement été préservé au regard de l'ampleur de la crise, le surcroît d'épargne accumulée concerne avant tout les Français au sommet de la pyramide. Ces travaux devraient alimenter les débats sur les politiques économiques et mesures fiscales à adopter pour relancer l'activité meurtrie par les différentes vagues épidémiques.
Un surcroît d'épargne chez les catégories supérieures
Les deux périodes de confinement en 2020 ont fait grimper le taux d'épargne des Français à des taux inédits supérieurs à 20%. Cet excès d'épargne peut s'expliquer en partie par une consommation "empêchée" par l'aggravation de la situation sanitaire et des mesures d'endiguement décidées par les autorités. Lors de son intervention au mois de mars 2020, le président de la République Emmanuel Macron avait annoncé la fermeture d'un grand nombre de secteurs jugés à l'époque "non essentiels". A cela s'ajoutait, un confinement strict d'une vaste proportion de la population française. Résultat, la part des revenus épargnée par les Français a décollé pendant ces huit semaines de mise sous cloche de l'économie. Dans leurs travaux les économistes Étienne Fize, Camille Landais et Chloé Lavest montrent que ce phénomène est loin de concerner l'ensemble des Français.
"Les ménages les moins aisés ont connu une évolution légèrement négative de leurs niveaux d'épargne brute par rapport à une situation pré‐Covid, ce qui n'est pas le cas pour les autres groupes. Les plus aisés notamment, même s'ils ont souffert de la baisse des cours boursiers au début de la crise, ont eu tendance à épargner de façon plus importante qu'en temps normal, du fait de la très forte chute de leur consommation."
Chute de la consommation dans les loisirs
L'un des facteurs qui peux expliquer ce surcroît d'épargne chez les plus riches est la chute abyssale de la consommation dans le domaine des loisirs. La pandémie a provoqué un effondrement des achats de services dans le contexte des fermetures administratives. Or, ces achats concernent avant tout les ménages les plus aisés. En effet, l'examen des données de cartes bancaires montrent que "la part de la consommation par cartes sur les secteurs de l'hôtellerie, agences de voyages, bars et restaurants ne représente que 9,1% pour les ménages du premier décile, 9,4 % en moyenne et 12,4 % dans les ménages du dernier décile" relève le centre de recherches. En revanche, la consommation des ménages les plus modestes a accéléré au moment de la levée des restrictions sanitaires par l'effet d'un rattrapage et leur plus forte propension à consommer.
Le danger d'une épargne de précaution pour la reprise
Si les ménages modestes ont accumulé peu d'épargne en 2020, ce n'est pas le cas des classes moyennes intermédiaires et supérieures. Certains économistes redoutent que l'épargne contrainte par une consommation empêchée se transforme en épargne de précaution. En effet, l'aggravation récente de la crise sanitaire et la multiplication des variants sur le territoire français et européen plongent une nouvelle fois les salariés et les entreprises dans un épais brouillard. La perspective d'un troisième confinement assombrit encore l'horizon économique même si la campagne vaccinale laisse entrevoir le bout du tunnel.
"la dégradation des anticipations des ménages, en particulier en matière d'emploi, suggère que les ménages peuvent chercher à accumuler une épargne de précaution pour faire face à des chocs futurs sur leurs revenus. L'effet combiné des restrictions sanitaires et de l'augmentation de l'épargne de précaution est susceptible d'affecter négativement la consommation" signalent les économistes dans leurs travaux.
La situation préoccupante des jeunes
Les économistes dressent un panorama particulièrement alarmant de la situation financière des jeunes entre 20 et 25 ans à partir des données bancaires du Crédit Mutuel. Si le revenu des ménages a été globalement protégé, celui des jeunes a subi un véritable décrochage de l'ordre de 5 à 10% depuis le mois d'août 2020. Les destructions de milliers d'emplois habituellement occupés par les jeunes actifs comme les jobs d'étudiants, les CDD, les contrats saisonniers ont précipité beaucoup d'entre eux dans une paupérisation préoccupante.
"Si la part de ménages « dans le rouge » a baissé pour l'ensemble de la population, la situation est moins favorable et plus volatile pour les étudiants et potentiellement inquiétante chez les jeunes actifs pour qui cette part est, depuis le mois de mai, souvent plus élevée en 2020 par rapport à 2019" notent les économistes.
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