
Laurent Berger, le chef de file de la CFDT, a en ce moment la tête des mauvais jours. Les sourcils sont froncés et l'oeil noir. Il faut dire qu'après sept journées d'action étalées ces deux derniers mois, la mobilisation sociale a tendance à faiblir. Certes, de nombreux secteurs comme le ramassage des ordures ou les transports restent perturbés, mais la plupart des Français, pourtant hostiles au projet du gouvernement de décaler de deux ans l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, ne croient pas au retrait du texte.
Une nouvelle journée de contestation est prévue ce mercredi 15 mars, jour de discussion de la commission mixte paritaire, avant le vote ou un passage en 49.3, probablement jeudi. L'intersyndicale reste unie dans son opposition à la réforme. Mais, elle ne parvient pas à se faire entendre du gouvernement, qui tente, coûte que coûte, d'éviter le 49.3.
Plus attentif aux demandes des élus Les Républicains, pour arracher leurs votes, qu'à celles des leaders syndicaux, l'exécutif a en effet préféré décliner la demande des organisations qui souhaitaient être reçues à l'Elysée.
« C'est un bras d'honneur à la démocratie sociale », a jugé le numéro un du syndicat réformiste ce week-end.
L'exécutif n'a pas non plus donné suite à la requête d'une consultation citoyenne sur cette réforme.
Le divorce consommé entre la CFDT et la présidence de la République
Ces silences et fins de non-recevoir exaspèrent autant qu'ils désespèrent Laurent Berger, devenu le leader incontesté du mouvement social.
« Mon téléphone n'a pas sonné... non, je n'ai eu aucun contact avec Emmanuel Macron ou Élisabeth Borne depuis plusieurs semaines », répond-t-il à La Tribune.
Aussi, le successeur de François Chérèque met-il le gouvernement en garde « sur un vice démocratique », ajoutant :
« Dans ce contexte, adopter cette réforme des retraites en passant par le 49.3 me paraît dangereux et incroyable. »
Il veut croire que « le match n'est pas fini ». Mais s'inquiète déjà du ressentiment, des conséquences, des cicatrices que laisseront dans le pays un tel conflit social, et l'issue politique qui en découlera.
Ces avertissements ne plaisent guère à l'exécutif qui, en coulisses, pointe du doigt la dureté du leader réformiste.
« Il est dans un corner et n'a rien gagné dans cette bataille, voila pourquoi il est aussi remonté », assure ainsi un conseiller ministériel, qui souligne « la colère exagérée du secrétaire général de la CFDT ».
Des propos qui, revenus aux oreilles de l'intéressé, ajoutent encore de l'huile sur le feu. Si la tension entre Emmanuel Macron et Laurent Berger a souvent été racontée, cette fois, il semble bien que le point de non retour soit atteint.
La CFDT participera aux débats sur la loi Plein emploi, mais...
À l'Élysée, on espère calmer le jeu assez rapidement, en proposant, tout de suite après la réforme des retraites, une loi « Travail », ou plutôt appelée « Plein Emploi », qui pourrait contenir des propositions chères à la CFDT comme la mise en place d'une banque des temps.
« On n'ira pas comme ça, comme si de rien n'était, discuter de mesurettes, de vagues éléments de réflexion... question d'amuser la galerie », préviennent déjà plusieurs représentants CFDT. « Il faudra un accord de méthode. » Reste que la CFDT demeurera fidèle à son ADN, et ne prévoit pas de pratiquer la politique de la chaise vide.
En attendant, Laurent Berger attend de voir quelle sera l'issue politique de ce texte qui passe en CMP (commission mixte paritaire) ce mercredi devant les 7 sénateurs et les 7 députés sélectionnés, et plus largement de la séquence politique de cette semaine.
Il a prévu de battre le pavé mercredi pour la 8e fois contre la réforme des retraites. Jeudi, il participera à une des initiatives organisées en région. Une fois le texte adopté, il a toujours expliqué qu'il ne contesterait pas la légitimité du vote démocratique. Il n'empêche, l'amertume est là.
« La question n'est pas de savoir si la CFDT a perdu ou non, elle a toujours été fidèle à ses convictions », assure son entourage. « Au niveau syndical, on a fait notre boulot. Maintenant, collectivement, quelle va être la suite, en terme de cohésion nationale, de rancoeur ? En la matière, la responsabilité de ce gouvernement sera très importante. »
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