"Le confinement a un impact global sur les collectivités" Olivier Sichel, Banque des territoires

ENTRETIEN. Le directeur général de la Banque des territoires (Caisse des Dépôts), Olivier Sichel, observe, notamment, que le pouvoir politique régional se mobilise fortement, tourné vers la recherche de solutions.
César Armand
Le conseil régional du Grand Est nous a effectivement demandé de monter avec lui un fonds de solidarité, rejoint par des communes, des métropoles, des départements et d'autres régions qui nous ont adressé ce même genre de requêtes avec leurs propres modalités. Jamais je ne l'aurais imaginé il y a encore trois mois, témoigne Olivier Sichel, directeur général de la Banque des territoires.
"Le conseil régional du Grand Est nous a effectivement demandé de monter avec lui un fonds de solidarité, rejoint par des communes, des métropoles, des départements et d'autres régions qui nous ont adressé ce même genre de requêtes avec leurs propres modalités. Jamais je ne l'aurais imaginé il y a encore trois mois", témoigne Olivier Sichel, directeur général de la Banque des territoires. (Crédits : Jean-Marc Pettina-Caisse des Dépôts 2018)

LA TRIBUNE - Le gouvernement vient de charger le député Cazeneuve d'une mission sur les finances locales. Comment la Banque des territoires répond-elle aux collectivités en cette période de crise exceptionnelle ?

OLIVIER SICHEL - Nous voyons l'ampleur de l'interdépendance des territoires. Certains sont plus touchés que d'autres, ne serait-ce que d'un point de vue sanitaire, à l'image du Grand Est d'où des TGV sont partis pour la Nouvelle-Aquitaine, moins touchée.

Plus généralement, le confinement a eu un impact global sur les collectivités locales, plus ou moins marqué selon les spécificités de chacune. L'Occitanie est par exemple atteinte via son industrie aéronautique.

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J'observe, aussi, que le pouvoir politique régional se mobilise fortement, tourné vers la recherche de solutions avec la Banque des Territoires. Lorsque le prêt garanti par l'État est arrivé, beaucoup de petites entreprises de l'économie sociale et solidaire, de clubs sportifs ou de PME touristiques comme les pizzerias passaient au travers des mailles du filet.

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 Avez-vous par conséquent créé des programmes ex-nihilo et sur-mesure ?

Le conseil régional du Grand Est nous a effectivement demandé de monter avec lui un fonds de solidarité, rejoint par des communes, des métropoles, des départements et d'autres régions qui nous ont adressé ce même genre de requêtes avec leurs propres modalités. Jamais je ne l'aurais imaginé il y a encore trois mois.

Son président Jean Rottner nous a en outre demandé de l'accompagner pour créer une société d'économie mixte pour sourcer, importer, stocker et distribuer des tests. Après avoir souffert d'un manque de masques pour son personnel et de respirateurs pour ses hôpitaux, la région réfléchit à la logistique ainsi qu'à la chaîne de valeur de la production.

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Pour autant, les conseils régionaux alertent sur des « perspectives financières sombres » avec une moins-value fiscale estimée à 1 milliard d'euros en 2020 et jusqu'à 4 milliards en 2021. « Si rien n'est fait », disent-elles, le Covid-19 les mettra en « quasi-faillite » avec une capacité d'investissement « divisée par deux »...

Le coronavirus aura évidemment un impact sur leurs recettes fiscales, ne serait-ce que dans les outre-mer, dont l'octroi de mer peut représenter jusqu'à 31% des ressources. Cette crise les a contraints à s'engager dans des programmes de dépenses lourdes, mais nécessaires et légitimes.

Cependant, les régions, elles, demeurent robustes en raison de finances locales saines. Elles peuvent recourir à l'emprunt, que ce soit sur les marchés ou auprès de la Banque des Territoires en cas de faille du marché, avec nos prêts à très long-terme, sur 25, 30 voire 40 ans. D'ailleurs, elles ont fait appel à nous : en mars 2020, nous avons ainsi contractualisé 150 millions d'euros de prêts avec le secteur public local. C'est près de quatre fois plus qu'en mars 2019.

Plus généralement, nos grosses capacités financières, assises sur les recettes du livret A dont la collecte a été conséquente au moins de mars, peuvent être mises à disposition des collectivités. Nous n'avons pas de motifs d'inquiétudes pour les prochaines semaines car nous sommes prêts. Nous continuerons à apporter de l'ingénierie, des prêts, de l'investissement et de l'accompagnement aux collectivités.

Les urbains semblent vouloir s'installer dans les villes moyennes au lendemain du confinement. Quid de la continuité du programme Action Cœur de ville ou des Territoires d'industrie dans ces communes ?

Nous allons porter une grande attention aux commerces. Depuis le lancement du programme Action Cœur de ville il y a deux ans, nous les érigeons en élément-clé de la revitalisation des villes moyennes. C'est pourquoi nous resterons extrêmement vigilants sur leur reprise. D'ailleurs, des communes qui avaient déjà créé des foncières publiques pour devenir propriétaires, ont suspendu les loyers de ces commerçants pour leur donner un peu d'oxygène pendant la crise, à la différence des acteurs privés pour qui cela s'avère plus compliqué. Au sein de la Banque des Territoires, nos filiales CDC Habitat et Icade ont déjà décidé de suspendre pendant six mois les loyers des TPE qui ont dû fermer pour des raisons administratives.

Notre deuxième priorité reste le tourisme. Outre l'élaboration d'une contribution de sortie de crise avec l'État, j'ai décidé de confirmer à Poitiers notre investissement de 10 millions d'euros pour la création d'un deuxième parc du Futuroscope d'un budget total de 100 millions d'euros. Beaucoup auraient posé leur stylo, mais j'ai préféré être optimiste et choisir le long-terme.

S'agissant de Territoires d'industrie, les collectivités auront demain à cœur la volonté de retrouver des industries dans une logique de souveraineté agroalimentaire, logistique et sanitaire. À cet égard, la SEM que nous avons créée avec le Grand Est comporte un volet production de tests Covid-19 et de détecteurs de maladies virales en Alsace.

70 % de la commande publique passe en outre par les territoires...
Notre filiale dédiée au logement, CDC Habitat, a commandé aux promoteurs immobiliers 40.000 logements en vente en état futur d'achèvement pour soutenir les métiers du bâtiment et des travaux publics. Cela fait partie de notre raison d'être. Tant que les projets privés sont stoppés, le secteur du BTP est à l'arrêt alors qu'il nécessite d'immenses besoins de trésorerie. Et ça marche ! Nous avons déjà reçu 32.000 souscriptions tant des majors - Nexity, Altarea, Kaufman & Broad - que des acteurs régionaux.

Nous travaillons également sur les infrastructures pour maintenir l'ensemble des acteurs dans de bonnes conditions. Rien que les hôtels et les restaurants ont un besoin de cash et de trésorerie pour ne pas être asphyxiés.

Nous allons aussi leur apporter de l'investissement pour qu'elles soient capables d'adapter leurs équipements aux nouvelles conditions sanitaires. Le secteur travaille d'ailleurs à un label en ce sens.

Sans oublier tout le travail que nous menons sur le déploiement du très haut débit et la couverture en fibre de l'ensemble du territoire national. Nous avons financé un million de pass en 2019 et visons 1.200.000 en 2020, a minima parce que le télétravail va sans doute se généraliser.

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Quelles sont, enfin, vos priorités en matière de transition écologique et énergétique, en première ligne des programmes des candidats aux municipales ?

Nous voulons accélérer dans trois grandes directions, à commencer par la rénovation thermique des bâtiments. Nous la pratiquons déjà dans le logement social. Il nous faut continuer à la stimuler dans les établissements recevant du public, notamment les écoles, et les bâtiments privés (appartements et maisons), pour éviter les passoires thermiques.

Nous finançons par ailleurs des programmes d'assainissement via des Aqua prêts, dont l'enveloppe globale atteint déjà 400 millions d'euros pour des durées allant de 40 à 45 ans, voire de 50 ans. Enfin, nous misons sur le développement des véhicules électriques et logiquement sur le développement des bornes de recharge.

César Armand
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