Pour éviter la grogne des Français face à la flambée des prix de l'énergie, le gouvernement va "bloquer les prix du gaz" jusqu'en avril et limiter la hausse du prix de l'électricité à 4% en février prochain alors que les prix devaient progresser de 10 à 12% à ce moment-là. C'est ce qu'a annoncé ce jeudi Jean Castex sur TF1. Si ce "bouclier tarifaire" s'avérait insuffisant, le chèque énergie sera revalorisé. D'une valeur moyenne de 150 euros, ce dispositif qui s'adresse à 6 millions de bénéficiaires, avait déjà augmenté de 100 euros en septembre. Jean Castex envisage aussi de baisser les taxes si besoin.
Lissage des tarifs
Ce blocage des prix du gaz intervient alors que les prix réglementés, qui ont déjà bondi de 57% depuis le début de l'année, devraient augmenter à nouveau de 10% en novembre, puis de 20% en décembre et "peut-être encore au début 2022". Mais les experts anticipant une "dégringolade" des prix à partir d'avril, le gouvernement a décidé de lisser les tarifs.
"La chute sera plus lente car nous répercuterons la hausse d'aujourd'hui sur la moindre chute d'après. Le tout c'est que les consommateurs de gaz, il n'y ait pas cette hausse extrêmement forte qui est prévue", a déclaré Jean Castex.
Autrement dit, la chute habituelle et attendue des prix du gaz au printemps sera ensuite répercutée seulement en partie sur les consommateurs, afin de récupérer les sommes que les opérateurs auront payées en plus pendant l'hiver sans pouvoir les facturer aux consommateurs. Résultat : le prix du gaz va augmenter comme prévu ce vendredi de 12,6% mais cette hausse sera "la dernière", a assuré le chef du gouvernement, en rappelant qu'elle avait été anticipée par la hausse du chèque énergie pour six millions de bénéficiaires.
Concernant l'électricité, dont le prix doit augmenter de 10à 12% en février, Jean Castex compte limiter la hausse à 4% en diminuant une taxe qui pèse sur l'électricité.
Des opérateurs contre le lissage des prix
Des mesures qui risquent de faire grincer des dents certains fournisseurs d'énergie. Plus tôt dans la journée en effet, l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode), qui regroupe des fournisseurs alternatifs aux opérateurs historiques EDF et Engie, TotalEnergies, Vattenfall,Enercoop..., se disait "défavorable à tout lissage des tarifs de l'énergie car il viendrait fausser les conditions sur le marché concurrentiel et fragiliserait encore davantage la situation des fournisseurs".
L'Anode prône au contraire "une réduction de la fiscalité" ou une baisse temporaire des tarifs d'utilisation des réseaux. Elle réclame également une "augmentation du plafond de l'ARENH" (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), le mécanisme par lequel EDF est contraint de vendre une partie de sa production nucléaire à bas prix à ses concurrents. Cela "ferait bénéficier l'ensemble des consommateurs de la rente nucléaire plutôt que de laisser EDF en tirer seul le bénéfice", estime l'Anode.
Intervenant après une chute en 2020 liée à la récession due à l'épidémie deCovid-19, le bond actuel des tarifs s'explique par une conjonction de raisons : stocks bas, forte demande avec la reprise économique, absence volontaire ou non de la Norvège et de la Russie d'augmentation de leurs livraisons, spéculation sur les matières premières...
Objectif : calmer la grogne
Au-delà de l'enjeu social, l'exécutif cherche à désamorcer les risques d'un mouvement de protestation rappelant les "gilets jaunes" qui s'était cristallisé à l'automne 2018 autour de l'augmentation du prix des carburants automobiles. Or, Emmanuel Macron compte faire en partie campagne, s'il se représente, en se présentant comme le défenseur du pouvoir d'achat des Français qui, malgré la crise du Covid-19, a été globalement préservé en 2020 (+0,4%selon l'Insee). Sur ce sujet, Jean Castex a assuré qu'il devrait progresser de 1,5% à 2% cette année.
La flambée des prix de l'énergie frappe toute l'Europe. Le président du Conseil européen Charles Michel a d'ailleurs inscrit le sujet à l'ordre du jour de la prochaine réunion des chefs d'État et de gouvernement de l'UE les 21 et 22 octobre.
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LES MESURES PRISES AILLEURS EN EUROPE
Royaume-Uni : des aides ciblées. L'envolée des prix du gaz et l'augmentation prévue vendredi des prix de l'électricité au Royaume-Uni (+12%) surviennent en même temps qu'une diminution des minima sociaux et la fin des mesures de soutien à l'emploi pour faire face à la crise. Face au mécontentement, le gouvernement a annoncé jeudi un fond de 500 millions de livres destiné aux municipalités pour des aides ciblées afin d'aider les plus précaires à payer leurs factures d'énergie, notamment de chauffage, mais aussi à couvrir des dépenses d'alimentation et d'habillement. Les associations de lutte contre la pauvreté dénoncent des mesures"insuffisantes" et une "tentative de dernière minute".
Espagne : limitation des bénéfices. L'Espagne, plus dépendante du gaz pour sa production d'électricité que ses voisins européens comme la France, a agi dès juillet avec une baisse temporaire de la TVA sur l'électricité décidée par le gouvernement de gauche de Pedro Sánchez pour faire baisser la facture des consommateurs les plus modestes. Mais cette baisse a déjà en partie été absorbée par l'envolée des prix et le gouvernement a présenté une seconde salve de mesures mi-septembre, dont une baisse temporaire de l'impôt spécial sur l'électricité et une limitation des bénéfices extraordinaires engrangés par les compagnies d'électricité grâce aux prix élevés.
Italie : des exonérations pour les précaires. L'Italie a annoncé la semaine dernière une enveloppe de trois milliards d'euros, avec l'élimination sur la facture de ce qui est appelé "coûts d'infrastructure" pour le gaz au dernier trimestre. Quelque 2,6 millions de personnes bénéficiant d'ores et déjà d'un"bonus social" ne subiront pas la hausse des prix du gaz. Pour les autres, la TVA sera abaissée à 5%. L'enveloppe permettra par ailleurs d'exonérer les plus précaires de la hausse sur leur facture d'électricité.
Pologne : des compensations. Le gouvernement polonais prépare des mesures de compensation pour les foyers dont les dépenses liées à l'énergie sont supérieures ou égales à 10% de leurs revenus, soit 6% des foyers polonais.
Allemagne et Belgique : pas encore de mesures. En Allemagne, où les prix ont grimpé de 14% sur un an en septembre, une porte-parole du ministère de l'Économie a indiqué que le gouvernement surveillait de près la situation, mais qu'"aucune mesure" décompensation n'était à l'ordre du jour.Dans d'autres pays comme la Belgique, la hausse des prix n'a pas encore été répercutée sur les consommateurs.
(avec AFP)