Le maire, star de la confiance dans un océan de défiance politique

Plébiscités par les citoyens, les élus locaux des petites villes et communes rurales souffrent d'un manque de reconnaissance de l'État, qui n'est pas que financier.
César Armand
Loin des grandes villes, la fonction fait moins rêver, et i ldevient nécessaire de susciter des vocations.
Loin des grandes villes, la fonction fait moins rêver, et i ldevient nécessaire de susciter des vocations. (Crédits : iStock)

À mi-chemin entre le début de la crise des « gilets jaunes » (mi-novembre 2018) et le premier tour des élections municipales (mars 2020), force est de constater que les Français continuent de croire aux élus locaux. Selon notre étude BVA, 60 % des sondés déclarent en effet faire confiance aux conseillers municipaux et aux maires. « La reconnaissance n'est pas toujours au rendez-vous », nuance Christophe Bouillon, le président (PS) de l'association des petites villes de France (APVF), qui représente 1200 communes de 2.500 à 25.000 habitants. « Il y a eu un moment d'élu-bashing qui a rejailli sur les élus locaux. La cote de confiance, qui était forte, a diminué. » Le président (ex-MoDem) de l'association des maires ruraux (AMRF) ne dit pas autre chose : « Cela fait trente ans que je suis maire, mais l'exercice du mandat en milieu rural reste compliqué », souligne Vanik Berberian, à la tête de 10.000 maires de communes de moins de 3.500 habitants.

« Nous avons besoin de réoxygéner et de réenchanter la fonction pour susciter des vocations parmi nos concitoyens. » Dans le même temps, 68 % du panel admet ne pas se fier au gouvernement pour poursuivre un dialogue régulier avec les citoyens dans la foulée du Grand débat national. Si, dans son discours non prononcé du 15 avril, Emmanuel Macron se disait « favorable à ce que les référendums d'initiative citoyenne puissent être organisés sur certains sujets d'intérêts locaux », il a été question, lors de sa conférence de presse du 25 avril, de « renforcer le droit de pétition locale ». Depuis 2004, en effet, la votation d'initiative citoyenne permet déjà à 20 % des électeurs d'une commune et à 10 % dans les autres collectivités de demander que soit inscrite à l'ordre du jour du conseil municipal, par exemple, la tenue d'une consultation sur un sujet relevant de sa compétence.

«Écouter plus souvent»

En revanche, l'exécutif n'a jamais été en faveur du référendum d'initiative citoyenne, le fameux RIC réclamé à cor et à cri par les chasubles fluo. Ces derniers auraient aimé « abroger des lois inappropriées ou injustes », proposer des textes en matière fiscale, ou encore « révoquer un élu ». Pourtant, dans sa « Lettre aux Français » datée du 12 janvier dernier, le président de la République écrivait qu'« une grande démocratie comme la France doit être en mesure d'écouter plus souvent la voix de ses citoyens ». C'est d'ailleurs ce qu'est venu confirmer un autre sondage, réalisé par OpinionWay pour Cap Collectif, la civic tech qui a accompagné le Grand débat national.

Il en ressort que 89 % des électeurs attendent d'être impliqués dans l'élaboration des programmes des candidats aux élections municipales, et que 83 % seraient prêts à donner leur avis lors de la campagne. Dans une moindre mesure, 77 % accepteraient de faire part de leurs idées si l'occasion leur en était donnée. En d'autres termes, le Grand débat doit continuer au niveau local dès le lendemain de l'élection du nouveau maire au printemps prochain. En attendant, le ministère des Collectivités territoriales prépare un projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, que le ministre Sébastien Lecornu devrait présenter le 17 juillet en Conseil des ministres. Le texte arrivera ensuite au Sénat fin septembre, pour une adoption définitive en commission mixte paritaire fin 2019 ou début 2020, juste avant le scrutin.

Lire aussi : En quoi les Français ont-ils encore confiance ?

« Après quatre-vingt-seize heures de débat entre le président et les maires, nous refaisons confiance aux élus locaux », explique-t-on au cabinet de Sébastien Lecornu. « La loi NOTRe avait cassé le lien. Nous, nous voulons leur donner au moins six ans de visibilité. » Il n'est toutefois pas question de contraindre les élus locaux à coconstruire l'action publique avec leurs administrés. « Nous ne voulons pas donner d'obligation aux maires, justifie cette même source, mais la participation citoyenne pourra faire l'objet d'une formation. » À la suite du vote du texte et d'une concertation avec les organismes de formation et les associations d'élus, le gouvernement ne pourra prendre des ordonnances que s'il y est habilité par le Parlement.

«Les missions ont changé»

Pour sa part, Vanik Berberian, président des maires ruraux, juge la question de la formation « indispensable » mais aurait aimé « davantage d'intérêt pour la fonction de secrétaire de mairie, dont les missions ont changé avec la dématérialisation ». « Il faut sans doute repenser le binôme qu'il constitue avec le maire à l'heure des mutations technologiques », estime le maire de Gargilesse-Dampierre (Indre). Le président des petites villes redoute, quant à lui, une disparition du droit individuel à la formation, qui existe depuis 2016. « Si un élu d'opposition veut une formation, il doit passer par le cabinet du maire, regrette Christophe Bouillon.

Qu'on sorte de ce système à l'ancienne ! » Afin de redonner le goût de l'engagement pour la chose publique, le gouvernement mise par ailleurs sur la revalorisation des indemnités des conseillers municipaux des 29000 communes inférieures ou égales à 3500 habitants. L'exécutif s'apprête en effet à fusionner les trois premières tranches pour que toutes ces villes soient logées à la même enseigne, mais l'État ne mettra pas en place de système de compensation. Ce qui fait bondir le rural Vanik Berberian :

« Nous sommes des agents de l'État ! Qu'il participe de manière plus importante à notre rétribution, c'est une mesure d'équité ! » En réalité, pour réconcilier les citoyens avec la vie politique et assurer un certain renouvellement, le gouvernement prévoit de « libérer du temps » pour les conseillers municipaux. Ces derniers pourront bénéficier de « crédits d'heure », c'est-à-dire de défraiements relatifs aux gardes d'enfants et à l'accompagnement de personnes âgées ou handicapées. « C'est précieux d'avoir des retraités qui sont disponibles, mais il nous faut plus de 30-50 ans », relève le président des petites villes Christophe Bouillon, 50 ans, et maire de Canteleu (Seine-Maritime) entre 2001 et 2014. Mais, pour attirer davantage de talents, encore faudra-t-il garantir aux élus locaux une retraite complémentaire qui ne soit pas payée par la commune après avoir été soumise au conseil municipal. Et valider les acquis de l'expérience d'un poste d'adjoint au budget ou à l'urbanisme qui pourraient servir à une future vie professionnelle.

César Armand
Commentaires 4
à écrit le 18/07/2019 à 8:25
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Qu'il paye cher en lui amputant des pouvoirs mais en lui imposant plus de devoirs. D'un côté un discours élogieux, de l'autre les coups de bâtons.

à écrit le 17/07/2019 à 9:30
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Cela donne l'impression que l'on va exploiter "un filon sain" pour manipuler les populations a leur profit, on ne voit pas d'autre raison d'en parler!

à écrit le 17/07/2019 à 8:27
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Si les maires inspirent plus confiance que les autres élus, pourquoi ne pas supprimer l'Assemblée Nationale pour ne conserver comme seule chambre législative que le Sénat, dont les élus le sont par les élus locaux, principalement les maires ?

à écrit le 17/07/2019 à 7:14
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Houla, j'ai cru que vous parliez de Nono

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