"Le risque est élevé que la croissance française déçoive à l'avenir"

[Un an de présidence Macron] Emmanuel Macron a profité d'une conjoncture très favorable sur le plan économique pour sa première année au pouvoir. Si les risques qui pèsent sur la croissance sont encore mesurés, la normalisation des politiques monétaires et le ralentissement chinois pourraient venir contrebalancer ces bons résultats, explique l'économiste de la Saxo Banque Christopher Dembik.
Grégoire Normand
"L’effet Macron tant attendu risque d’être contrebalancé par des facteurs conjoncturels et structurels, notamment la faiblesse du crédit impulsé dans la zone euro, alliée à la prévision d’un crédit impulsé français négatif et à un potentiel de croissance du PIB très faible (estimé à 1,25% par le Trésor français)", selon Christopher Dembik

Le quinquennat d'Emmanuel Macron a démarré dans de très bonnes conditions conjoncturelles. Avec une croissance à 2% en 2017, l'économie tricolore a connu une année très favorable à tel point que le gouvernement s'attribue parfois ces bonnes performances. Pourtant, la réalité est plus nuancée. Pour La Tribune, Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Banque et récipiendaire du prix du meilleur prévisionniste pour la France en 2015, revient sur les véritables raisons de ces bonnes performances économiques et les perspectives pour 2018.

LA TRIBUNE - Comment expliquez-vous les bonnes performances économiques de la France en 2017 ?

CHRISTOPHER DEMBIK - La dynamique de croissance en 2017 a peu à voir avec Emmanuel Macron. En réalité, au cours des dernières années, l'économie française a bénéficié d'une conjonction de facteurs favorables : une baisse concomitante de l'euro, des prix du pétrole et des taux d'intérêt, et une amélioration marquée de la croissance du crédit français (particulièrement des flux de nouveaux crédits qui servent d'indicateur avancé à la croissance du PIB). Le bond du crédit a précédé l'élection présidentielle de 2017 et provient directement de la politique monétaire accommodante de la BCE, mais aussi des réformes en faveur des entreprises mises en œuvre à partir de 2014 par François Hollande comme le Pacte de responsabilité et de solidarité de 2014 et les crédits à l'embauche qui ont soutenu l'investissement, donc favorisé le recours au crédit.

Y-a-t-il eu un "effet Macron" comme beaucoup de commentaires pourraient-le laisser penser ?

Il est objectivement beaucoup trop tôt pour évaluer les conséquences économiques et financières exactes des réformes prometteuses qui ont été engagées par le Président Macron. Si l'on considère le marché obligataire, un indicateur fiable du sentiment des investisseurs, l'effet Macron n'a donné aucun élan. De novembre 2016 au printemps 2017, les investisseurs japonais évitaient la France et privilégiaient les obligations allemandes en raison des incertitudes liées à l'élection présidentielle. Peu après, la situation est revenue à la normale. Les achats mensuels nets japonais (Allemagne moins France) sont même inférieurs à leur niveau sous la présidence de François Hollande. Aucun effet Macron n'est perceptible sur le marché obligataire.
Jusqu'à présent, ce que nous appelons "l'effet Macron" est surtout un très gros regain de confiance, particulièrement visible au niveau du moral des chefs d'entreprise, et une campagne de communication très bien menée pour attirer les investisseurs. Autant que je me souvienne, c'est la première fois que la France adhère officiellement et sans ambiguïté au capitalisme et à la mondialisation. Concrètement, des opportunités émergentes se présentent aux investisseurs étrangers : non seulement ce qu'on appelle la "FrenchTech", mais, avant tout, une vague de privatisations qui va toucher des entreprises à forte valeur ajoutée dans différents secteurs (aéroports, constructeurs automobiles, jeux de hasard, etc.) et l'introduction d'une fiscalité plus favorable aux investisseurs.

Quelles sont vos prévisions pour 2018 et 2019 en termes de croissance ?

Nous considérons que le pic d'accélération de la croissance a été atteint fin 2017-début 2018. On devrait à court terme encore évoluer proche de 2% mais le risque est élevé que la croissance française déçoive à l'avenir. D'après nos prévisions, "l'effet Macron" tant attendu risque d'être contrebalancé par des facteurs conjoncturels et structurels défavorables, notamment la normalisation de la politique monétaire des deux côtés de l'Atlantique, le ralentissement économique chinois qui est certainement plus prononcé que les chiffres officiels ne le laissent croire et surtout un niveau de croissance potentiel du PIB très faible, qui a été revu à la baisse par le Trésor à 1,25%.

La multiplication des mouvements sociaux (grèves à la SNCF et chez Air France) pourrait-t-elle vraiment peser sur l'économie française ?

Les grèves vont avoir un impact sur l'activité, en grignotant quelques dizaines de points de hausse du PIB, mais l'effet négatif pourrait être atténué si ces mouvements sociaux s'atténuent rapidement, ce qui semble être le cas. La bonne nouvelle, c'est que la France se réforme, avec notamment la présentation du projet de loi Pacte dans les prochaines semaines au conseil des ministres, et qui va redonner une bouffée d'air frais à l'économie française. Dans le même temps, les corps intermédiaires peinent à mobiliser, ce qui semble indiquer qu'une majorité silencieuse est plutôt prompte à laisser sa chance au gouvernement.

Lire aussi : Coup de frein pour le PIB français au premier trimestre, qui retombe à 0,3%

Grégoire Normand
Commentaires 13
à écrit le 05/06/2018 à 14:45
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Ben alors je ne comprends pas ? Que font donc les premiers de cordée? Macron les a couverts d'or: ils sont certainement trop lourds maintenant pour faire monter la cordée! Comme quoi la théorie du ruissellement est une fumisterie!

à écrit le 13/05/2018 à 22:01
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Faudrait ptetre relire vos mémos : grèves =diZIEMEs de% de PIB Merci (et cela reste à confirmer car effets neutres sur la consommation !)

à écrit le 09/05/2018 à 22:43
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Autrement dit ça pourrait aller plus mal sauf si ça va mieux. Et réciproquement.

à écrit le 08/05/2018 à 18:43
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Beaucoup de facteurs ne peuvent que se détériorer: taux d'intérêts notamment, mais aussi prix de l'énergie qui est bien reparti à la hausse, de façon très spectaculaire. je crois qu'il n'est pas exclu que le brut remonte à 100 dollar le baril. Dès lo...

à écrit le 08/05/2018 à 12:12
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La croissance se délocalise avec le reste, tant que nous seront sur un point haut et qu'il nous faille régresser au niveau des autres pour être "compétitif"!

à écrit le 08/05/2018 à 2:28
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Le dumping fiscal imposé par nos concurrents européens mène à la mort du "modèle français". Pour contrecarrer cette défiscalisation européenne, l'Etat pratique le ruissellement, qu'il veuille ou non l'admettre. Président, j'exploiterais la position ...

à écrit le 08/05/2018 à 1:40
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Il y a aussi de belles déceptions : découragement à aller au travail (prix de l'essence et du gasoil en hausse, mise en circulation de radars embarqués par des sociétés privées dans les prochains mois), mesurettes décevantes (légère hausse du net qui...

à écrit le 07/05/2018 à 22:52
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La "croissance " est depuis un certain temps déjà, une chimère. Non seulement elle est quasi nulle, mais le peu qu'elle produit est accaparé (volé?) par ceux qui ont la possibilité de mettre la main dessus. Ces mêmes là, toujours prêts à désigner les...

à écrit le 07/05/2018 à 22:06
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Macron c'est surtout de la com.. Sa politique économique est celle de Prodi en Italie en 2005 (loi du travail etc) résultat 11 % de chômeurs, 1.1 % de croissance Donc la croissance en France va suivre celle de l'Italie

à écrit le 07/05/2018 à 18:58
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Il est vrai que les concurrents étrangers n'ont pas trop de mal à faire mieux que les Français qui passent plus de temps dans la rue à gesticuler et brailler que dans les bureaux et les ateliers à travailler. Parce que les 35 heures et son marasme n'...

le 13/05/2018 à 22:13
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Hello Mister Doom ! Retourne donc ds un pays « vraiment libéral » ou le capital est Réellement PRODUCTIF et où les forces de travail ne s’embarraSsent pas de ´minimum wages ´

à écrit le 07/05/2018 à 18:53
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Alors quand je lis "niveau de croissance potentiel", j’arrête de lire. En fait je crois que la maladie économique en France c'est le pessimisme et le concept de croissance potentielle ne sert qu'à l'alimenter.

le 08/05/2018 à 12:20
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On peut comprendre le pessimisme quand on subit des réformes décidé de l’extérieur et que l'on nous interdit l'adaptation en supprimant toute motivation!

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