Après la vague des délocalisations des emplois industriels, place aux délocalisations des métiers de service ? Si la tendance existe déjà, le Covid pourrait bien l'accélérer. C'est l'avertissement lancé par les DRH de l'ANDRH. « Si les emplois sont désormais 100% télétravaillables, pourquoi ne pas les domicilier dans des pays où les coûts sociaux sont moindres ? », interroge Benoit Serre, le vice-président national délégué de l'association. En effet, les entreprises peuvent être tentées de recourir à des compétences moins onéreuses à l'étranger. En Asie, Afrique ou moins loin de nous en Europe de l'Est. Certains groupes automobiles ou bancaires, sans le dire, se sont d'ailleurs lancés dans les premiers chiffrages.
Les cols blancs, les grands perdants
Les cols blancs de l'Hexagone seraient alors les grands perdants de la crise Covid : leurs tâches et missions seraient transférées à des milliers de kilomètres de leur lieu d'implantation. Les postes concernés sont les comptables, les ingénieurs, les fonctions support, les développeurs web, les data scientists, les designeurs, les gestionnaires de paie, des RH ... De nombreux métiers - et donc des milliers d'emplois- pourraient ainsi disparaître de l'Hexagone d'ici à quelques mois.
« Jusqu'alors ces travailleurs qualifiés ont plutôt été protégés par les effets de la mondialisation. Ils en ont même plutôt profité à plein, confie un cadre du Syntec, la fédération patronale... ils pourraient bientôt prendre un retour de boomerang ! »
Alors que pendant la crise, ils ont également été plutôt épargnés, au regard d'autres professions de première et seconde ligne obligées de se rendre sur les sites, voilà qu'ils seraient moins bien lotis. D'autant plus que pendant cette crise, les entreprises se sont dotées d'outils collaboratifs qui permettent la gestion des équipes à distance. Sans compter, les barrières psychologiques qui sont tombées.
« Avant le Covid, en France, le présentiel était la norme. Les patrons et managers étaient réticents au télétravail. Aujourd'hui, beaucoup l'ont adopté », note l'Andrh.
Attention, donc, selon l'association à ne pas trop militer pour le télétravail à 100 % . Car si à court terme, les cadres y voient leur bonheur, à moyen et long terme, il y a le risque du chômage de masse. Et selon Benoît Serre de l'ANDRH, « il faut garder en tête l'exemple des call-center qui ont été massivement délocalisés dans les années 2000.
Des managers démunis
En attendant, les DRH sont occupés à gérer le retour sur les sites des cadres après des mois de confinement. Et faire revenir les salariés au bureau n'est pas une mince affaire. Selon une enquête menée par l'association, dévoilée ce mardi 19 octobre, 51% des répondants sont couverts par un accord de télétravail, mais 15 % estiment rencontrer des difficultés, et notamment une opposition des salariés pour la mise en œuvre.
Les raisons ? Les salariés veulent plus de jours de télétravail que ne le prévoit l'accord, et les DRH constatent des refus manifestes de revenir au bureau, de reprendre une vie de travail collective. Face à ces comportements, les managers sont souvent démunis. Surtout que le code du travail joue parfois contre eux.
En effet, si les entreprises peuvent imposer à un salarié son lieu de travail, elles ne peuvent pas décider de son lieu de résidence. Or, après les confinements, les DRH sont nombreux à être confrontés à des salariés qui ont déménagé, qui se sont éloignés parfois à des centaines de kilomètres.
Obligation de prendre à charge la moitié des frais de transport
Que faire quand un cadre qui travaille à Paris annonce qu'il vit désormais dans le sud ? « Il en a parfaitement le droit. Si son entreprise dispose d'un accord de télétravail comprenant par exemple deux jours de télétravail hebdomadaires, il peut faire les allers -retour », assure Benoît Serre.
Seul hic pour l'entreprise : si le salarié se déplace en transports collectifs entre son domicile et son lieu de travail - bus, métro, mais aussi train et avion-, l'employeur est tenu de prendre en charge jusqu'à 50 % des frais de transports.
Des budgets qui peuvent vite être conséquents et que les entreprises commencent à évaluer dans leurs comptes. Dans une période de pénurie de talents, difficile de mettre trop la pression à ces salariés que l'on ne souhaite pas perdre.... C'est sans compter, enfin, aussi sur le respect de la santé au travail. Un salarié qui fait de longs trajets est plus fatigué, et s'expose à un risque de burn-out plus important, jugent les professionnels des ressources humaines. Et de rappeler qu'ils sont responsables du bien-être de leurs équipes.
Pas de doute, le télétravail n'a pas que des avantages.