Législatives : ces investitures « Ensemble » qui ne passent pas chez les marcheurs historiques

POLITISCOPE. La « renaissance » de la majorité présidentielle ne se fait pas en marche avant. Entre les historiques qui renoncent, ceux que l'on fait rentrer dans le rang et ceux qui sont très (trop ?) droitiers, le centre de gravité de la Macronie ressemble à une boussole qui a perdu le nord. Et les Français ne se mobilisent guère face à un président qui ne fait pas campagne, au risque de ne pas avoir de majorité absolue.
(Crédits : Reuters)

En macronie, on adore le marketing et donc créer des « marques ». Après « en Marche » et « La République en Marche » on est donc passé pour le second mandat d'Emmanuel Macron à « Renaissance » pour le parti présidentiel et à « Ensemble » pour la future majorité présidentielle. En bon banquier d'affaire, Emmanuel Macron a donc décidé de fusionner LREM, Agir et Territoires de Progrès dans un seul futur groupe à l'Assemblée.

Sur le papier, tout est ordonné. Cette « renaissance » ne s'est pourtant pas déroulée sans heurts. Car en macronie, s'il y a bien quelque chose qui ne change pas, c'est la méthode employée : « L'affaire fut rondement menée entre Emmanuel Macron, Alexis Kohler, et les trois autres chapeaux à plume », ironise Jacques Sisteron, cette source off de la macronie qui a décidé de raccrocher les crampons quelques mois avant 2022. Par chapeaux à plume, entendre Richard Ferrand, François Bayrou et Édouard Philippe. « Entre eux, ils se sont partagés le territoire », ajoute mon interlocuteur. « Résultat, il y a un vrai bazar sur les investitures ». Et comme à gauche avec la NUPES, les candidatures dissidentes à la majorité présidentielle se sont multipliées. Les dernières investitures Ensemble avaient pourtant été annoncées seulement 72 heures avant la clôture des inscriptions en préfecture...

C'est qu'on assiste à un véritable désenchantement chez les marcheurs historiques. En 2017, ces derniers étaient principalement issus de la social démocratie, du centre ou du centre droit. Cinq ans plus tard, l'alchimiste Macron est décidément passé à droite. L'axe de gravité des investitures Ensemble penche donc vers la droite, et parfois même vers la droite dure. En Charente Maritime, c'est le sentiment de Marie-Noëlle Groch, « marcheuse » de la première heure, devenue déléguée départementale de Territoires de Progrès. Cette adjointe au maire à Breuillet a longtemps assuré l'animation des comités Royan Atlantique du parti présidentiel. Avec son binôme, Christian Gerin, elle a finalement décidé de se « mettre en congé de LREM ». Ces deux marcheurs historiques dénoncent dans la presse locale une « gestion très opaque et verticale de LREM », des « choix politiques de plus en plus droitiers » et « la procédure de désignation des candidats sans prise en compte de l'avis ni consultation des militants sur le terrain ».

Marie-Noëlle Groch se présente dans la 5e circonscription de la Charente maritime, avec le soutien du PRG (Parti Radical de Gauche), face au député LR sortant Didier Quentin et à Christophe Plassard, investi majorité présidentielle et issu du parti Horizons d'Édouard Philippe, dont il a mis les photos sur ses affiches de campagne (et non les photos du président...). « En somme un candidat de droite face un candidat de droite, sans compter le RN et Reconquête. De l'autre côté de l'échiquier, on trouve une candidate PS sous investiture NUPES. Il y a donc une vraie place pour une candidature social démocrate », assure un soutien de Groch.

Si Emmanuel Macron continue tranquillement sa non campagne (comme lors du premier tour de la présidentielle), les signes de fébrilité parmi ses soutiens se multiplient. C'est ainsi que Marie-Noëlle Groch, pourtant démissionnaire d'En Marche, a reçu ce mail du « pôle juridique de la campagne des législatives de la majorité présidentielle » : « Nous tenons à vous rappeler que vous ne pouvez en aucune manière vous prévaloir d'un quelconque soutien du Président de la République ou des partis constituant la majorité présidentielle dans vos prises de parole ou sur les documents (textes et photographies) que vous publiez ou éditez (...) En cas de non-respect de cette demande, nous nous réservons le droit d'engager toute procédure judiciaire aux fins de la protection de nos marques et logos ainsi qu'une procédure disciplinaire en vue de votre exclusion du parti dont vous êtes membre ».

Groch n'est pas la seule marcheuse historique à avoir jeté l'éponge. C'est le cas aussi de plusieurs jeunes députés LREM, issus pour beaucoup des rangs des Jeunes avec Macron, ce groupe de soutien à Emmanuel Macron lancé dès 2015 quand ce dernier n'était que ministre de l'économie. Parmi les « démissionnaires », on trouve Pierre Person, élu député de Paris en 2017 ou Mickaël Nogal, qui avait été élu député de Haute-Garonne. Le chiraquien Hugues Renson, pourtant vice président de l'Assemblée Nationale durant la dernière législature, ne se représente pas non plus. Pour le remplacer sur sa circonscription, Emmanuel Macron a choisi son ancien conseiller David Amiel, un très proche d'Ismaël Emelien. Tout un symbole. « Finalement, ce sont les gens de 2017 les plus indépendants d'esprit qui, après cinq ans d'aventure macronienne, ont décidé d'arrêter, leur déception l'a emporté. Il ne reste plus que les groupies, les courtisans et les apparatchiks », cingle Jacques Sisteron.

Ensemble à droite toute ?

Pour ces marcheurs historiques, la pente droitière d'Emmanuel Macron est finalement devenu un obstacle irréversible. Pour ceux là, le « en même temps » est apparu trop souvent une chimère. Dans l'Hérault, sur la troisième circonscription, laissée vacante après les révélations sur l'utilisation dispendieuse des avances de frais de mandat de la députée Coralie Dubost, l'investiture par Ensemble de Laurence Cristol, transfuge LR, fait grincer des dents parmi les marcheurs locaux. Et pour cause, cette élu des Républicains fut filloniste avant de soutenir Laurent Wauquiez... « Elle a fait la Manif pour tous. Elle est contre la PMA. Elle est sur une droite très ferme, pas du centre », déplore un militant du coin.

Ironie du sort, pour éteindre l'incendie, c'est la Première ministre Elisabeth Borne, qui avait été pourtant préférée pour Matignon à l'ex LR Catherine Vautrin, accusée d'être pro manif pour tous par une bonne partie de la macronie, qui joue les pompiers de service en déclarant : « Laurence sera une députée à votre écoute et qui saura porter la voix l'Assemblée Nationale. Je sais son courage et sa volonté constante de travailler au service du collectif ».

Ah le « collectif » ! Dans certaines circonscriptions, on frôle l'ubuesque, et la guerre des droites n'est jamais loin. Dans la deuxième circonscription de la Marne, face à Aina Kuric, députée sortante majorité présidentielle, Ensemble a décidé d'investir Laure Miller, ex-LR, adoubée par la majorité présidentielle après avoir fait pourtant la campagne de Valérie Pécresse. Résultat, Kuric reçoit le soutien actif d'Édouard Philippe... guère étonnant quand on sait que Miller fut par le passé une proche collaboratrice de Nicolas Sarkozy.

Ensemble à droite toute ? « Dans l'Ain, c'est la même chose : un LR dur, proche des idées d'Éric Zemmour, et qui avait raté l'investiture LR a été investi par la majorité présidentielle au détriment du référent départemental LREM qui était candidat et qui a mouillé la chemise pour le mouvement depuis des années », se désespère un marcheur historique. Jacques Sisteron n'est guère optimiste pour Ensemble : « Sur le terrain, on assiste à un vrai rejet de Macron. Il n'y a personne dans les réunions. Avec cette non campagne et ces non candidats, on ne se dirige pas vers une majorité aussi large que le président l'aurait souhaité ». Autant dire qu'à une semaine du scrutin, le maître des horloges se retrouve dos au mur.

Marc Endeweld.

Commentaires 9
à écrit le 04/06/2022 à 22:07
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J'aime beaucoup votre titre: 'Ni NUPES ni SOUMIS". Génial !

à écrit le 04/06/2022 à 13:57
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. une France fracturée ! plus de la moitié des français ont voté pour le candidat président. mais ne l ont pas fait par adhésion à un projet loin de la à la vue du bilan ! mais uniquement par refus de voir le RN au pouvoir

à écrit le 04/06/2022 à 13:56
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. une France fracturée ! plus de la moitié des français ont voté pour le candidat président. mais ne l ont pas fait par adhésion à un projet loin de la à la vue du bilan ! mais uniquement par refus de voir le RN au pouvoir

à écrit le 04/06/2022 à 10:33
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Aussi brillant soit Macron il en reste pas moins un humain avec Des imperfections… comme les autres couleurs politiques il connaît les affres du «  parti »… la difficulté de federer tout le monde dans une caravane « patchouli » ça résonne l’l hist...

le 04/06/2022 à 14:26
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Il est vrai que, quand on a pas grand chose a dire sur Mr Melenchon, on reprend toujours la même stupidité comme référence! Ce n'est pas le cas pour ceux qui sont en place qui n'en disent jamais ;-) et n'en reçoivent aucun écho permanent!

à écrit le 04/06/2022 à 10:31
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Aussi brillant doit Macron il en reste pas moins un humain avé. Des imperfections… comme les autres couleurs politiques il connaît les affres du «  parti »… la difficulté de federer tout le monde dans une caravane « patchouli » t’épellera l histoire...

le 04/06/2022 à 14:16
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Vous nous décrivez un adolescent sans conviction, capricieux et donc perfectible a maturité, mais, comme tous les jeunes, pour l'instant, seul l'argent l'intéresse et source de pouvoir!

à écrit le 03/06/2022 à 16:47
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Que leurs avait on promis? Gloire et richesse... aux opportunistes? La déception est là, car rien n'a été fait!

le 04/06/2022 à 19:34
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Des gens qui ont mit 5 ans pour comprendre qu ils sont la 5 iemes roue du carosse et qui en ont redemander au presidentiels.. ils attendent quooi de Macron ? De la considerations ?

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