La "contribution exceptionnelle" de 1,5 milliard d'euros annoncée jeudi soir laisse un goût amer aux complémentaires santé, déçues que le gouvernement fasse "le choix d'une hausse de la fiscalité" sans tenir compte de leurs propositions.
Contribution exceptionnelle: la facture a du mal à passer
Elles avaient beau s'y attendre, la facture a du mal à passer. Mutuelles, assurances et institutions de prévoyance savaient depuis juin que l'exécutif voulait "récupérer les montants qui n'ont pas été déboursés", du fait de la chute des dépenses de santé durant le confinement et de la prise en charge à 100% de certains actes (téléconsultations, tests de dépistage) par la Sécu.
Le principe d'une "contribution exceptionnelle" avait été acté début août, sans provoquer de levée de boucliers dans le secteur. Jusqu'à ce que les ministres de la Santé, Olivier Véran, et des Comptes publics, Olivier Dussopt, dévoilent leur arbitrage: une hausse de la taxe de solidarité additionnelle (TSA), prélevée sur les cotisations, à hauteur d'un milliard d'euros en 2021 et 500 millions en 2022.
Ne pas "demander aux Français un effort fiscal supplémentaire"
Malgré la promesse du Premier ministre Jean Castex de ne pas "demander aux Français un effort fiscal supplémentaire", la Mutualité française relève qu'"il s'agit bien d'un nouvel impôt". De fait, "les contrats d'assurance santé seront taxés à hauteur de 16,5%" l'an prochain, contre 13,27% actuellement, précise-t-elle dans un communiqué, sans pour autant agiter la menace d'une hausse de tarifs.
Elle déplore toutefois que ses "propositions alternatives à la fiscalité n'aient pas été retenues". Son président, Thierry Beaudet, explique avoir proposé de rembourser dans un premier temps "la part des dépenses avancée par l'Assurance maladie pendant la crise et qui reviennent aux mutuelles".
Le montant de la cagnotte fait débat
Un gage de bonne volonté "avant d'envisager une seconde contribution" sur la base d'un "bilan en toute transparence en 2021", ajoute-t-il.
Car le montant de la cagnotte fait débat: évaluée à 2,6 milliards d'euros par Bercy en août, elle est aujourd'hui estimée à 2,2 milliards, en raison d'un début de rattrapage des soins. Selon une source proche des discussions, "ce chiffre sera discuté jusqu'au bout".
La Fédération française de l'assurance (FFA) pointe d'ailleurs "une évaluation incomplète des effets de la crise" et fait part de son "incompréhension" face à des "charges" supplémentaires "qui pèseront au final sur les assurés, particuliers comme entreprises".
"Signal contraire aux objectifs du plan de relance" et "déception"
L'enjeu est particulièrement crucial pour les institutions de prévoyance, gérées par les syndicats et le patronat. Spécialisés dans les contrats d'entreprises, ces groupes ont été frappés de plein fouet par la crise sanitaire. Après avoir accordé des aides, des reports et des exonérations de cotisations à leurs clients "à hauteur de 1,3 milliard d'euros", elles redoutent les "conséquences de la crise économique" et se préparent à "des pertes liées aux faillites à venir", affirme leur fédération (CTIP). Plutôt qu'une "contribution indifférenciée", elle avait suggéré une mesure "basée sur la situation réelle de chaque organisme" et prenant en compte ces pertes de recettes.
Devant le fait accompli, le CTIP n'a pu qu'"exprimer sa déception". Son président, Djamel Souami (CFE-CGC), et son vice-président, Denis Laplane (Medef) considèrent néanmoins que le dispositif retenu par le gouvernement pourrait "adresser un signal contraire aux objectifs du plan de relance" présenté jeudi.
Un prélèvement au détriment des adhérents, selon la Mutualité
Si l'intérêt est évident pour les finances publiques, compte tenu du déficit abyssal de la Sécu (52 milliards attendus cette année, dont 31 milliards rien que pour la branche maladie), ce prélèvement "empêche de restituer aux adhérents les économies qui devraient leur revenir", observe par ailleurs la Mutualité.
Une analyse partagée par l'Unsa, pour qui "le bénéfice de cette taxe doit avant tout revenir aux assurés", en commençant par "financer la portabilité" des droits pour ceux qui seront "touchés par la faillite de leur entreprise" - jusqu'à 12 mois après la fin du contrat de travail.
Ce nouveau contentieux survient à quelques mois de l'entrée en vigueur de la résiliation "à tout moment" des complémentaires santé, prévue "au plus tard le 1er décembre", et de la dernière étape du "100% santé" (remboursement intégral de certaines lunettes, prothèses dentaires et audio prothèses) en janvier 2021. Deux réformes imposées par l'exécutif et que le secteur ne remet pas en cause, pour l'instant.