Loi immigration : derrière la censure du Conseil constitutionnel, une victoire mitigée pour Macron

Le Conseil constitutionnel a censuré 32 cavaliers législatifs totalement ou partiellement dans le décrié texte de loi sur l'immigration sur un total de 86. Et trois autres articles sur le fond. Après cette décision, Emmanuel Macron pourrait promulguer environ 60% des articles. Mais il s'expose à de nombreux risques de contentieux. Plusieurs opposants et associations ont déjà prévu de saisir de nouveau la juridiction.
Grégoire Normand
Le Conseil constitutionnel a retoqué la loi asile et immigration.
Le Conseil constitutionnel a retoqué la loi asile et immigration. (Crédits : Reuters)

La sentence est enfin tombée. Après un mois d'âpres débats et de pourparlers, le Conseil constitutionnel a annoncé une large censure du projet de loi sur l'immigration adopté fin décembre au Sénat. Sans surprise, les Sages ont rejeté dans leur décision les articles défendus par la droite et l'extrême droite cherchant à durcir le ton sur l'immigration. Au total, 40% des articles du texte ont été censurés. Pour rappel, le Conseil avait été saisi sur 49 articles sur 86. « Il s'agit de la plus longue décision de l'histoire du Conseil », selon un spécialiste de la Constitution.

Marqué par les mobilisations contre les retraites, le ministère de l'Intérieur avait mobilisé un grand nombre de forces de l'ordre à l'extérieur du bâtiment. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a immédiatement réagi.

« Fidèle à sa jurisprudence, le Conseil censure une trentaine d'articles de la loi immigration. Il valide le projet de loi initial du gouvernement qui peut désormais expulser les délinquants, régulariser les travailleurs et mettre en oeuvre les procédures simplifiées », s'est félicité le président de la Commission des Lois Sacha Houlié à l'Assemblée.

Devant la façade de l'institution, place du Palais Royal à Paris, des opposants au texte, encadrés par des dizaines de cars de CRS, sont venus battre le pavé en dénonçant une loi « portant gravement atteinte aux droits des personnes exilées »Plusieurs associations, collectifs de défense pour les travailleurs sans papiers, ONG et syndicats ont tous rapidement demandé au chef de l'Etat le retrait du texte dans un appel« Même censuré de quelques dispositions jugées anticonstitutionnelles, ce texte, le plus hostile aux personnes étrangères depuis 1945, ne fera qu'aggraver la précarité de dizaines de milliers de personnes ». Le Parti socialiste (PS) a également réclamé le retrait de la loi dans un communiqué. Mais le souvenir du feu vert du Conseil constitutionnel pour la réforme des retraites au printemps a laissé un goût amer chez les opposants.

Lire aussiLoi immigration : « Le gouvernement a tiré contre son camp » (Thierry Pech, Terra Nova)

Une avalanche de cavaliers législatifs

Le projet de loi adopté au Parlement avant les fêtes avait provoqué un séisme politique majeur poussant le ministre de la Santé Aurélien Rousseau à la démission. Dans les rangs de la Macronie, plusieurs députés avaient exprimé ouvertement leur opposition à ce texte largement amendé par la droite et l'extrême droite. Un mois après cette crise, les Sages de la rue Montpensier ont finalement retoqué 32 cavaliers législatifs. « Le projet de loi initial comportait 27 articles, et au final, il comportait 86 articles. Le risque de cavalier était d'ampleur », explique un juriste. Pour rappel, un cavalier législatif désigne un article qui n'a pas de lien, « même indirect », avec la copie initiale de l'exécutif.

Parmi les mesures les plus controversées, a été censuré le durcissement de l'accès aux prestations sociales - allocations familiales, aides au logement - que le législateur voulait conditionner à une durée de résidence allant jusqu'à cinq ans. Censurées aussi les restrictions au regroupement familial, qui ne sera pas soumis à la maîtrise de la langue française ni à une vérification de ressources par les maires. « Beaucoup d'articles n'avaient pas trait avec l'immigration. Il y a un enjeu de cohérence du débat parlementaire », souligne un constitutionnaliste. Toutes ces dispositions ont toutefois été censurées pour des motifs de procédure, ce qui ne préjuge pas de leur conformité à la Constitution et n'empêche donc pas qu'elles soient reprises dans un autre texte.

L'instauration de quotas migratoire retoquée

Lors de l'examen du texte, le collège des juges s'est également prononcé sur le fond de quelques articles. Parmi les points largement débattus, figure la fixation de quotas migratoires. Ces dispositions  prévoyaient que le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s'installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l'exception de l'asile, rappelle le Conseil.

Mais, finalement, les Sages ont également rejeté cet article. « Ce n'est pas à la loi de fixer l'ordre du jour des assemblées », explique un juriste. Les 9 membres du Conseil ont également rejeté l'article 38 sur le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie d'un étranger sans son consentement. « La loi doit exiger la possibilité de la présence d'un avocat et doit prévoir des garanties sur les libertés individuelles », précise un expert. Or les magistrats ont considéré que cet article pouvait porter atteinte à certains principes de la déclaration des droits de l'homme.

Une promulgation possible sous 15 jours mais des risques de contentieux

Après cette décision, le chef de l'Etat a immédiatement demandé au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin de « tout mettre en œuvre pour que la loi soit appliquée dans les meilleurs délais ». Deux options se dessinent au gouvernement. Soit le président de la République décide de promulguer le texte de loi sans les articles censurés, soit il décide de soumettre le texte amputé des décisions du conseil constitutionnel à délibération. Dans ce dernier cas, cette décision « pourrait à nouveau exposer le texte au risque de cavalier ». Actuellement, « 60% de la loi pourraient être promulguée par le président de la République », estime un haut fonctionnaire. « Mais seulement 10 d'entre eux ont fait l'objet de conformité. Cela signifie que les contentieux peuvent se poursuivre sur un grand nombre d'articles ». Le gouvernement Attal risque une nouvelle fois de tanguer.

Grégoire Normand
Commentaires 30
à écrit le 26/01/2024 à 12:12
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Ben !, mon vieux ! Les "réactionnaires" se lâchent, ici. Il semble qu'aucun n'ait souvenir de la 4e. Balayée par CdG et sa 5e; lequel n'était pas un démocrate à tous crins... mais "sauvé" par sa conscience d'homme d'Etat. La constitution a été viciée...

à écrit le 26/01/2024 à 10:23
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Tiens : Allemagne : un mouvement de gauche anti-immigration veut supplanter l'extrême droite. En lançant un nouveau mouvement de gauche anti-immigration, l'ancienne leader du parti Die Linke, Sahra Wagenknecht, espère couper l'herbe sous le pied d...

à écrit le 26/01/2024 à 9:44
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Juin 2024 arrive à grands pas

à écrit le 26/01/2024 à 8:52
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Brillant résultat de notre "Education Nationale": la majorité de nos parlementaires a fait des "sciences politiques"; il est reconnu la médiocrité de notre enseignement qui n'apprend ni à compter ni à lire ni à écrire. Pardon! Nos députés savent com...

le 26/01/2024 à 9:16
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pour commencer il y a une anomalie deux personnes au moins ont une condamnation de justice ce qui les rends impossible a cette fonction puis qui est legitime en france dans l'ordre le peuple puis les elus pas la justice qui n'a q'une delegation e...

le 26/01/2024 à 9:21
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continue a augmenter les taxes et a vous augmenter vos remuneration quand vous detruise des pans entier de l'economie du pays apres avoir detruit l'industrie vous broyer ce que la france a de plus profond dans sa culture profiter des dernier insta...

le 26/01/2024 à 12:31
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@Henry : pour faire une métaphore, les parlementaires sont un étudiant rédigeant une dissertation et le conseil constitutionnel le correcteur et là, l'étudiant a rendu une copie à moitié hors sujet, ce qui n'aurait pas été étonnant si les articles en...

à écrit le 26/01/2024 à 8:36
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Belle démonstration d'enfumage de nos dirigeants . Et la France dans tout ça?

à écrit le 26/01/2024 à 8:01
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Il est donc temps de réformer la Constitution. 70% des Français veulent limiter la constitution, et notre texte fondamental interdit toute régulation. Il faut donc le changer !

à écrit le 26/01/2024 à 7:22
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Et surtout comme à chaque fois une énième forte impression d'une loi bricolée, mal faite. Peut-être qu'il serait temps d'arrêter de payer Mc Kinsey non ? Encore ils bosseraient bien. Et pourquoi pas Goldman Sachs !? Quitte à prendre un conseil autant...

le 26/01/2024 à 8:00
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Le conseil constitutionnel est une instance politique. Censure de "cavaliers législatifs" qui concernent l'immigration dans une loi sur l'immigration. Les représentants du peuple souverain n'ont plus à se soumettre à cette clique de juges non élus. I...

à écrit le 26/01/2024 à 6:35
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Un parlement pour quoi faire ?

le 26/01/2024 à 10:52
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@bob - Un Parlement pour travailler correctement, pas "saloper" le boulot à des fins purement politiciennes savoir faire des compromis au bénéfice de la collectivité et arrêter de critiquer les institutions qui leur ont permis d'exister, de s'expri...

le 26/01/2024 à 16:40
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@bob C'est simple des 49.3

à écrit le 26/01/2024 à 6:18
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Quelle mascarade de tous ces élus du gouvernement du Président. Il faut dire que nous avons laissé à de médiocre personnage le destin d'un ancien grand pays il y a longtemps longtemps. Une classe politique qui n'est plus au niveau de la France. La Fr...

à écrit le 26/01/2024 à 5:28
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Une parfaite démonstration que la France n'est depuis bien longtemps plus une démocratie.

le 26/01/2024 à 9:08
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@stephan - Vous préférez sans doute une démocratie à la Chinoise..Russe...iranienne...Coreene du Nord. La colère même légitime reste mauvaise conseillère d'autant qu'elle est largement manipulée par des intérêts financiers, politiques, geo politiqu...

le 26/01/2024 à 16:42
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@Valbel89 "Vous préférez sans doute une démocratie à la Chinoise..Russe...iranienne...Coreene du Nord" Tu as oublié le Danemark.

à écrit le 25/01/2024 à 23:48
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les traites de LR , ils savaient tres bien en votant le texte que le conseil constitutionnel éliminerait leurs propositions. Mais ils voulaient paraitre les défenseurs des français. et avec Macron , ils ont joué un jeu pervers. Les français les sanct...

le 26/01/2024 à 13:00
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C'est connu, la droite française y connait un rayon en matière de vengeance et de trahison, souvenez-vous de la présidentielle de 2017 où Fillon avait bien plus à craindre de son propre camp que du "cabinet noir" de Hollande qu'on cherche encore...

à écrit le 25/01/2024 à 23:47
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les traites de LR , ils savaient tres bien en votant le texte que le conseil constitutionnel éliminerait leurs propositions. Mais ils voulaient paraitre les défenseurs des français. et avec Macron , ils ont joué un jeu pervers. Les français les sanct...

à écrit le 25/01/2024 à 23:21
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Le conseil constitutionnel n'a pas jugé sur le fond mais sur la conformité à la Constitution. C'est son rôle et c'est tout. Quant aux propos de Jordan Bardella ou d'autres LR qui remettent en cause les décisions du conseil constitutionnel , ils por...

le 26/01/2024 à 10:11
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La démocratie c est le choix du peuple et pas 9 personnes en majorité choisies par la gauche, certains d’entre d’anciens ministres socialistes, et l’ état de droit c’est une belle arnaque pour nous imposer ce que la majorité des votants ne veux pas. ...

à écrit le 25/01/2024 à 23:19
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A force de mepriser le peuple ça va mal finir, il faut les virer vite...très vite

à écrit le 25/01/2024 à 23:19
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A force de mepriser le peuple ça va mal finir, il faut les virer vite...très vite

à écrit le 25/01/2024 à 23:19
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A force de mepriser le peuple ça va mal finir, il faut les virer vite...très vite

à écrit le 25/01/2024 à 22:10
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Une fausse loi sur l’immigration inefficace qui va ouvrir la voie pour l’arrivée du RN

à écrit le 25/01/2024 à 20:50
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fichtre! quelle victoire!!! toute la gauche se felicite que son futur electorat soit beni des dieux......toute la gauche, baveux, politiciens et autres se massent le ventre de bonheur, car ils votent des impots pour les autres , et qu'ils ne sont pas...

le 26/01/2024 à 11:39
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Sur le coup, c'est surtout les Ciotti et son entourage qui passent pour des triples buses et c'est probablement la fin des LR, Macron et Zemmour pouvant finir de les dépecer...

à écrit le 25/01/2024 à 19:48
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L'élite contre le Peuple. Pendant que les agriculteurs bloquent les routes, que la CGT rêve d'une "convergence des luttes", et on attend les autres catégories habituées à la grève. A quoi sert d'élire des députés s'ils sont censurés par des juges non...

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