Loi immigration  : la CMP tourne au fiasco, reprise des négociations ce mardi

La commission mixte paritaire (CMP) qui doit décider du sort de la loi immigration, reprend ce mardi, à 10h30, après s'être interrompu dans la nuit, butant sur des désaccords de dernière minute entre l'exécutif et la droite qui font planer des nuages sur ce texte comme sur l'avenir du quinquennat d'Emmanuel Macron. Les négociations ont pâti d'un différend inattendu sur les allocations familiales.
Si les dernières dissensions sont surmontées, le texte de la CMP reviendra ce mardi devant chaque chambre, Sénat et Assemblée nationale.
Si les dernières dissensions sont surmontées, le texte de la CMP reviendra ce mardi devant chaque chambre, Sénat et Assemblée nationale. (Crédits : Reuters)

[Article publié le mardi 19 décembre 2023 à 7h17 et mis à jour à 14h30]

La Commission mixte paritaire (CMP) va jouer les prolongations ce mardi. Les quatorze députés et les sénateurs qui la composent ont été incapables de trouver cette nuit un compromis qui doit permettre de trouver une majorité à l'Assemblée nationale pour voter la loi immigration. Mais les choses semblent finalement évoluer ce mardi. En cas d'accord, le texte sera soumis au vote à 19h au Sénat et 21h30 à l'Assemblée.

Elisabeth Borne a promis ce jour devant le groupe des députés Renaissance, divisés sur le texte en débat sur l'immigration, de préserver les « valeurs du macronisme historique », selon plusieurs participants.

« Je me bats pour qu'on ne perde pas nos ancres. Les valeurs du macronisme historique je les porte et j'y veille dans mes discussions avec nos interlocuteurs. Il ne se passe pas une minute sans que je veille à ce que nos valeurs soient respectées », a déclaré la Première ministre, selon les mêmes sources.

« Qu'on distingue un individu par sa volonté de travailler, étudier etc..., et non sur le fait qu'il soit français ou étranger. Je défends pied à pied ces valeurs : je ne lâcherai rien », a-t-elle ajouté.

La locataire de Matignon a soumis l'idée de conditionner l'accès aux APL à cinq ans de présence sur le territoire pour les étrangers qui ne travaillent pas, et trois mois pour ceux qui travaillent. Une proposition que les ténors de la droite seraient prêts à accepter, selon plusieurs sources parlementaires LR. Selon le député Renaissance Ludovic Mendes, les étudiants, réfugiés et étrangers bénéficiant de la protection subsidiaire « ne sont pas concernés » par cette carence.

Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, lui, s'était dit confiant plus tôt dans la journée, dans le fait qu'un accord soit trouvé sur la loi immigration à l'issue de la commission parlementaire, avec un vote qui pourrait selon lui intervenir « en début de soirée ».

« Je pense qu'on va avoir un accord, je le souhaite, on fait tout pour » mais p« as à n'importe quel prix, pas dans n'importe quelles conditions » a-t-il ajouté sur France 2, expliquant que parmi les étrangers, « le gouvernement veut distinguer entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas ».

« C'est une ligne qui pour nous est très importante et on ne cèdera pas là dessus », a martelé le ministre de l'Intérieur. Ne pas avoir de texte serait un très mauvais signal pour l'ensemble de notre pays, a mis en garde le responsable, « selon qui on votera sans doute en fin de journée, en début de soirée ».

Un optimisme qui tranche avec les débuts laborieux de la recherche de compromis. Déjà freinée dès son démarrage à 17 heures par une suspension de 4 heures, cette CMP, que beaucoup pensaient voir se terminer dans la soirée, a finalement été arrêtée à minuit trente, et ne reprendra que mardi à 10h30, avec encore plusieurs dizaines d'articles à examiner. « On est en réunion depuis 17h et on n'a pas examiné une ligne », grinçait déjà le sénateur socialiste Patrick Kanner à l'heure du dîner. « Ils vont passer la nuit à discuter du bout de gras. Il faut arrêter le massacre, cette course mortifère à l'extrême droitisation », lançait Danièle Obono (LFI).

Un différend sur les allocations familiales

Alors qu'un accord se dessinait entre la droite et le camp présidentiel, les négociations ont pâti d'un différend inattendu sur les allocations familiales. La droite veut conditionner les prestations sociales à cinq ans de présence sur le territoire (30 mois pour ceux qui travaillent), y compris les aides personnalisées au logement (APL), que la majorité souhaite au contraire voir échapper à ces restrictions.

Le patron des députés Renaissance Sylvain Maillard, a reproché au parti de droite Les Républicains de ne « pas tenir » l'accord conclu avant la CMP.  La mesure devenue crispante au point de menacer le texte dans son intégralité a d'ores et déjà été repoussée à la fin des débats, le temps de trouver un nouvel accord. Une délégation de députés de la majorité chargés du projet de loi sur l'immigration a fait un passage rapide à Matignon lundi soir avant de retourner siéger. « Tous les sujets sont possibles sur les APL », a estimé le député Renaissance Guillaume Kasbarian, mais ces questions « ne se règlent pas à minuit la veille » d'un vote sur l'ensemble du texte.

« On sera extrêmement ferme sur le fait que les APL fassent partie du texte final », a promis le LR Pierre-Henri Dumont. Cette CMP est « une mascarade de démocratie », a fustigé la cheffe de file du groupe La France insoumise Mathilde Panot, appelant à l'unisson de plusieurs élus de gauche au retrait du texte. L'exécutif avait promis de le faire en cas d'échec de la CMP.

La CMP a validé plusieurs mesures introduites par la droite au Sénat

En attendant l'arrivée du fameux article sur les allocations, la CMP a validé plusieurs mesures introduites par la droite au Sénat :  des quotas d'immigration pluriannuels définis au Parlement, un délit de séjour irrégulier puni d'une amende, ou encore une restriction de l'accès aux tarifs réduits dans les transports pour les sans-papiers.

Dernier accord en date : les députés et sénateurs réunis ont adopté ce mardi un dispositif de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension plus restrictif que celui initialement prévu par le gouvernement, a appris l'AFP de sources parlementaires. Il s'agira d'un titre de séjour d'un an, délivrable « à titre exceptionnel », à condition d'avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée dans les secteurs concernés durant au moins 12 mois sur les 24 derniers. La mesure ne s'appliquera que jusqu'à fin 2026.

« La majorité a cédé sur toutes les lignes rouges et a dépassé les lignes bleu marine », a dénoncé devant les journalistes le président du groupe socialiste Boris Vallaud, membre de la CMP. « On se réjouit que ce texte reprenne un nombre considérable de propositions de Marine Le Pen », souligne au contraire la députée RN Edwige Diaz. « On s'abstiendra ou on votera contre » le projet de loi immigration, a indiqué mardi le président du RN, Jordan Bardella, en excluant un vote favorable, sauf « suppression des mesures qui visent à faciliter la régularisation d'immigrés clandestins »

Les principaux obstacles semblaient donc avoir été levés avant cette réunion de sept députés et sept sénateurs de tous bords censés rechercher l'ultime compromis. Ajoutant à la dramaturgie, la Première ministre Elisabeth Borne avait répondu in extremis à un ultimatum de la droite sur l'Aide médicale d'Etat, promettant par écrit « d'engager en début d'année 2024 » une réforme de ce dispositif qui permet aux étrangers sans papiers de bénéficier de soins médicaux.

Pour Emmanuel Macron, qui avait prôné vendredi « un compromis intelligent », c'est une étape cruciale de son second quinquennat. Pour décrocher un accord, il a dû entériner un net virage à droite au risque de désunir le camp présidentiel. La droite semble également avoir obtenu gain de cause sur les régularisations de travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, qui resteraient à la discrétion des préfets. Certains élus favorables au président avouent néanmoins compter sur le Conseil constitutionnel pour censurer plusieurs mesures très droitières, comme le resserrement du regroupement familial ou l'instauration de quotas migratoires annuels.

Si les dernières dissensions sont finalement surmontées, le texte de la CMP reviendra devant chaque chambre. Le vote du Sénat, prévu à 14h30, semble acquis, mais celui de l'Assemblée est beaucoup plus incertain en raison notamment des divisions du camp présidentiel.

Les négociations sur la réforme de la politique de l'UE se poursuivent

Élisabeth Borne, dont le gouvernement a survécu dans la soirée à une nouvelle motion de censure à l'Assemblée, était attendue mardi matin face aux députés Renaissance pour tenter de convaincre les récalcitrants de l'aile gauche. Les membres du groupe centriste Liot, jusqu'ici en soutien du gouvernement, risquent eux aussi de se diviser. Et même les LR, réputés peu disciplinés, pourraient compter dans leurs rangs des opposants autour du frondeur Aurélien Pradié.

Par ailleurs, les difficiles négociations sur la réforme de la politique migratoire européenne entre les eurodéputés et représentants des Etats membres vont se poursuivre ce mardi. L'UE connaît actuellement une hausse des arrivées irrégulières, ainsi que des demandes d'asile. Sur les onze premiers mois de l'année 2023, l'agence Frontex a enregistré plus de 355.000 traversées des frontières extérieures de l'UE, soit une hausse de 17%. Les demandes d'asile quant à elles pourraient atteindre plus d'un million d'ici la fin 2023, selon l'Agence de l'UE pour l'asile (EUAA).

 (Avec AFP)

Commentaires 10
à écrit le 19/12/2023 à 17:32
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A quand le mariage? Nous apportons la dot.

à écrit le 19/12/2023 à 17:31
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A quand le mariage? Nous apportons la dot.

à écrit le 19/12/2023 à 16:02
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je viens de lire à propos de CMP ,"Nous ne sommes pas dans une logique de préférence nationale", affirme le ministre du Travail Je n'en reviens, pas on vie dans quel pays ? Tout le concept même de république, de loi et de nation est fait autour de...

le 19/12/2023 à 17:17
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@bernard_do: L'argent n'a pas d'odeur.

à écrit le 19/12/2023 à 12:24
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Ne soyons pas égoïste, permettons à nos voisins européens d'être plus attirant que nous dans le domaine de la migration ! ;-)

à écrit le 19/12/2023 à 8:54
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que cherche les L R §§!!!! pour un parti que se veut de gouvernement il fait tout pour se saborder comme les socialistes dailleurs on entend toujours les 2 meme qui occupent les ecrans de tele (m retailleaux et sciotti ce ne sont pas les meilleurs)...

le 19/12/2023 à 11:55
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Les LR cherchent simplement qu’un accord restrictif soit possible alors que les macronistes sont incapables de regarder la réalité du flux migratoire

à écrit le 19/12/2023 à 8:22
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Les prestations sociales comme les allocations familiales ou les APL sont un non sens en France, elles ne font que nourrir la pauvreté, elles servent d'aspirateur pour les arrivants en France. Cette politique n'est pas tenable, elle n'est pas durable...

à écrit le 19/12/2023 à 7:55
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"comme sur l'avenir du quinquennat d'Emmanuel Macron" On a l'impression d'un éternel recommencement qui se déclenche tous les 6 mois médiatiquement en France mais en europe également. On nous conditionne à une société qui n'est pas la réalité, alors ...

le 19/12/2023 à 8:48
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a) à force de traiter Macron de président des riches, on va se retrouver avec une présidente des simplets : il faudra l'accepter, parce que c'est la démocratie. b) bien sûr, tous les politiciens qui ne gouvernent pas ont LA solution pour l'immigrati...

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