La pandémie a mis un coup de projecteur sur les déboires de l'industrie pharmaceutique française. Dans la course planétaire aux vaccins, la France a jeté l'éponge face aux Etats-Unis, la Chine et le Royaume-Uni. Le géant de la pharmacie Sanofi a renoncé il y a quelques semaines à développer un vaccin contre le Covid utilisant la technologie de l'ARN messager. Au pays de Pasteur, cet échec n'a pas manqué de susciter de vives réactions à l'étranger.
Dans ce contexte, la crise sanitaire a montré que la France était à la traîne en matière de recherche et développement. La dernière étude importante de l'OCDE dévoilée la semaine dernière sur l'économie tricolore dresse un bilan particulièrement sévère des politiques publiques menées en matière d'innovation. "La France accuse un retard en matière d'investissement dans la R&D et de diffusion des technologies digitales par rapport aux pays les mieux placés de l'OCDE" expliquent les économistes.
"Les dépenses en recherche et développement ne donnent pas de résultats satisfaisants. Une meilleure efficacité passera par une meilleure évaluation" a déclaré le secrétaire général de l'OCDE arrivé à son poste en juin dernier, Mathias Cormann, lors d'un point presse en présence du ministre de l'Economie Bruno Le Maire jeudi dernier.
Une des principales explications avancée par l'institution internationale est la sous-représentation des secteurs de haute technologie dans l'économie tricolore.
Le soutien public le plus élevé des pays développés
La France est pourtant le pays de l'OCDE qui affiche le soutien public le plus important en matière d'innovation. Aussi bien pour les incitations fiscales que pour le financement public direct, l'Hexagone (0,4% du PIB) arrive largement en tête, loin devant la Grande-Bretagne (2ème ; 0,32% du PIB) ou la Corée du Sud (3ème ; 0,3% du PIB) si l'on rapporte l'ensemble de ces dépenses en pourcentage de la richesse produite. La moyenne des pays membres de l'OCDE est d'environ 0,2% du PIB. La France dépense environ le double de la moyenne des pays riches dans ce domaine.
Les aides en France s'effectuent principalement par le biais du crédit d'impôt recherche (CIR) plusieurs fois réformé depuis son entrée en vigueur il y a près de 40 ans et des exonérations de cotisations sociales à destination des jeunes pousses innovantes. "A cela s'ajoutent de nombreux dispositifs d'aides directes et la possibilité de réductions d'imposition sur les revenus liés à la propriété intellectuelle" précise l'OCDE. L'efficacité du crédit d'impôt recherche qui fait figure de pilier central de ces financements est régulièrement remise en cause par de nombreux économistes. Dernièrement, le Trésor rattaché à Bercy avait mis en avant le faible impact macroéconomique de cette niche fiscale évaluée à environ 6 milliards d'euros chaque année.
La France, 16ème sur 30
En dépit des efforts soulignés par les rapporteurs, la France se situe à la 16ème place sur 30 pays en matière d'investissement dans la recherche et développement (1,4% du PIB), loin derrière la Corée du Sud (3,7% du PIB) ou encore le Japon (2,56% du PIB). En Europe, la Suède occupe la première place du podium (2,4% du PIB) suivie de la Suisse, l'Autriche et l'Allemagne. Dans ces trois pays, l'investissement dans la recherche et développement frôle les 2,2% de la valeur ajoutée.
A l'opposé, l'Italie (22ème) et l'Espagne (26ème) font encore pire que la France. Ces résultats indiquent que la France est encore loin de remplir ses objectifs européens sur la recherche et développement. En effet, l'objectif fixé par la stratégie de Lisbonne au tournant des années 2000 était que chaque pays consacre 3% de son PIB à la R&D.
Les PME passent à côté des financements publics
L'un des points faible de l'économie tricolore est la maigre proportion des PME (à peine 20%) dans les financements publics directs et dans les allégements fiscaux. Alors que les petites et moyennes entreprises françaises représentent une très grande partie du tissu d'entreprises en France (95%), ces résultats montrent que ce sont surtout les grandes entreprises qui profitent de ces leviers.
Face à ce retard, les experts du château de la Muette, siège de l'OCDE à Paris, recommandent de "cibler davantage les efforts sur les jeunes et les petites et moyennes entreprises, qui tendent à être les plus innovantes. En effet, les travaux de l'OCDE montrent que l'effet des dispositifs d'aide fiscale à la R&D est en général plus fort pour les PME que pour les grandes entreprises".
Une faible diffusion des technologies du numérique dans les PME
L'autre résultat préoccupant de l'étude de l'OCDE est la faible diffusion des technologies dans les PME tricolores du tertiaire. Là encore, il existe un écart important entre les grands groupes et les petites entreprises. Pourtant, la France pourrait gagner en productivité alors que beaucoup d'économistes redoutent la perte de richesse produite par emploi en sortie de crise. "Dans les petites entreprises, le manque de formation de l'encadrement et des salariés et la méconnaissance des dispositifs d'accompagnement constituent des freins à l'adoption des technologies digitales" soulignent les rapporteurs.
La pandémie a certainement accéléré la mise en oeuvre d'outils numériques dans de nombreuses PME françaises. Beaucoup ont dû mettre en place des sites de ventes en ligne à la dernière minute, des outils numériques pour pouvoir poursuivre leur activité. Certaines PME et des indépendants ont alors exprimé leur désarroi face aux mastodontes de la vente en ligne déjà bien implantés. Si le gouvernement a dit vouloir mettre l'accent sur la numérisation de l'économie française dans son plan de relance, cet effort pourrait bien s'avérer insuffisant au regard du retard à combler.