Malgré le rebond de la croissance en 2021, le déficit commercial plonge à un niveau inconnu

Le solde de la balance commerciale de la France a enregistré une chute vertigineuse de 20 milliards d'euros en 2021 pour s'établir à 85 milliards d'euros. La facture énergétique a considérablement creusé le déficit tricolore l'année dernière. Le coup de frein du commerce mondial prévu en 2022 et le prolongement des pressions inflationnistes pourraient encore enfoncer le déficit de la France.
Grégoire Normand
Le déficit commercial de la France a enregistré un plongeon record alors que le rebond du commerce mondial a été supérieur à 9% selon les chiffres de l'OCDE, du FMI et de la Banque mondiale.
Le déficit commercial de la France a enregistré un plongeon record alors que le rebond du commerce mondial a été supérieur à 9% selon les chiffres de l'OCDE, du FMI et de la Banque mondiale. (Crédits : Reuters)

"Je ne suis pas complètement satisfait de la situation économique française. Nous avons bâti de bonnes bases avec les réformes de 2017 sur le Code du travail, la loi Pacte, mais il reste des chantiers importants. La balance extérieure n'a cessé de se dégrader depuis 20 ans", avait déjà prévenu Bruno Le Maire lors d'une réunion avec des journalistes à la fin du mois d'août dernier.

Alors que la croissance économique de 2021 a été revue récemment à la hausse (+7%) -sans toutefois rattraper le niveau dee 2019- et que les créations d'emplois (+648.200) ont battu des sommets l'année dernière, ce creusement abyssal de la balance commerciale assombrit le tableau pour l'exécutif à seulement quelques semaines du premier tour de l'élection présidentielle.

Après plus de deux années de pandémie, les indicateurs du commerce extérieur sont toujours au rouge. Lors d'un point presse ce mardi, le ministre en charge des échanges commerciaux et de l'attractivité, Franck Riester, a dévoilé les chiffres du pire déficit commercial de l'histoire de l'économie tricolore.

« Le déficit commercial a atteint 84,7 milliards d'euros en 2021, son plus bas historique », a déclaré le membre de l'exécutif devant les journalistes.

Le précédent record datait de 2011, à 75 milliards d'euros, au lendemain de la grave crise de 2008.

En revanche, la contribution du commerce extérieur au produit intérieur brut (PIB) est légèrement positive, à 0,2 point. S'agissant des perspectives en 2022, "l'OMC [Organisation mondiale du commerce] table sur un léger ralentissement des échanges mondiaux. Nous avons bon espoir que le commerce extérieur contribue positivement à la croissance", a déclaré Franck Riester sans avancer de chiffres précis. Déjà en 2020, le commerce extérieur tricolore avait enregistré une chute spectaculaire dans le sillage de la fermeture des frontières et des mesures drastiques de confinement dans un grand nombre de pays.

Lire aussi 7 mnLe commerce extérieur enregistre son pire déficit depuis 2012

La fièvre des prix plombe le déficit

Le premier facteur qui explique une telle chute est la hausse plus rapide des importations (+18,8%, 585 milliards d'euros) que celle des exportations (17%, 500 milliards). La flambée des prix de l'énergie et des matières premières l'année dernière dans le contexte du rebond économique a considérablement alourdi la facture énergétique et fait grimper le montant des importations en valeur. "Les prix de l'énergie, qui ont grimpé toute l'année, ont grevé le résultat de 2021", a expliqué Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l'Insee, lors d'un point presse. Hors énergie et matériel militaire, le déficit s'établit à 8,4 milliards d'euros, contre 20 milliards au total.

Il y a un impact sectoriel de la crise sur certains secteurs exportateurs comme l'aéronautique, le tourisme. Du côté des importations, elles ont été plus dynamiques en raison notamment de la reprise de la consommation des ménages et de l'investissement des entreprises.

Julien Pouget

La persistance des pressions inflationnistes et les vives tensions géopolitiques en Ukraine "pourraient continuer de peser sur la balance commerciale" de l'économie tricolore à court terme, a rappelé le ministre interrogé par La Tribune.

Dépendance de la France aux énergies fossiles

Cette situation rappelle que, si le gouvernement ne cesse de mettre en avant ses efforts en faveur de la décarbonation du modèle économique hexagonal, la France reste extrêmement dépendante des énergies fossiles provenant de l'étranger.

Dans le détail, les exportations de matériel aéronautique et d'automobiles restent bien en deçà de leur niveau d'avant-crise. Sur l'automobile, la pénurie de semi-conducteurs et les difficultés d'approvisionnement ont plombé les exportations des constructeurs hexagonaux. "L'aéronautique est le secteur accusant la plus faible dynamique de rattrapage, son solde demeurant nettement inférieur à son niveau record de 2019 (30,8 milliards d'euros)", explique l'exécutif.

Succès de la politique de réindustrialisation pour les masques

En revanche, certains secteurs ont retrouvé des couleurs. "Certains biens sont en excédent comme les produits pharmaceutiques, les produits de luxe, l'agroalimentaire, les produits textiles. En 2021, la France a importé pour 900 millions d'euros de masques, contre 6 milliards d'euros en 2020: la politique de réindustrialisation et de chaînes de production de masques a payé", a déclaré Franck Riester. En 2020, l'absence de masques de protection sur le sol tricolore avait jeté une lumière crue sur la dépendance de la France aux pays asiatiques en matière de santé.

La balance des services retrouve des couleurs, en partie

Concernant les services, l'économie française affiche de meilleurs résultats. Selon les documents dévoilés par le ministre, les échanges de services ont connu un excédent record de 36,2 milliards d'euros. Ce sommet s'explique notamment par l'excédent dans les services de transport à hauteur de 14,2 milliards d'euros. "Il y a un net rebond du tourisme en seconde partie de l'année", a indiqué Franck Riester.

En revanche, la pandémie et les mesures prophylactiques n'ont pas permis au tourisme de retrouver son niveau d'avant-crise. Les exportations de services de voyages sont encore inférieures de 62% par rapport à 2019. L'économie française a traversé plusieurs vagues de contaminations l'année dernière, limitant les échanges touristiques internationaux. Malgré l'accélération de la vaccination en 2021, la pandémie risque de laisser de profonds stigmates pendant encore des années sur le tourisme en première ligne depuis le printemps 2020.

Lire aussi 5 mnOmicron: le tourisme mondial va faire un nouveau plongeon abyssal en 2021 (OMT)

Exportations: la France continue de perdre des parts de marché

Au final, la France a perdu des parts de marché à l'étranger. Selon les décomptes des douanes, l'appareil exportateur tricolore a perdu 0,3% de parts de marché dans les exportations mondiales depuis 2020.

Et ces parts de marché dans les exportations mondiales n'ont cessé de s'effondrer depuis 30 ans, passant d'environ 6,5% pour les biens et services en 1990 à 3,4% en 2021. Et le plongeon est encore plus impressionnant si l'on regarde uniquement les biens, c'est-à-dire les produits manufacturés: ils passent d'environ 6,3% à quelque 2,5% en 2021 sur la même période.

Alors que le mot réindustrialisation est sur la bouche de la plupart des candidats à la présidentielle, la pente pourrait bien être difficile à remonter pour le prochain gouvernement.

Lire aussi 9 mnRéindustrialisation : comment Macron veut en faire un thème de la campagne présidentielle

Grégoire Normand
Commentaires 25
à écrit le 10/02/2022 à 8:32
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Bah vous avez vu le niveau de nos propriétaires de capitaux et d'outils de production ? Faut pas s'attendre à des miracles hein, réveillez vous tous. C'est bien beau les pistons, les compromissions, la corruption, les petites magouilles entre soi mai...

à écrit le 09/02/2022 à 13:46
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Quand notre pays ne fabrique plus rien d'utile ,comment s'étonner que le déficit commercial devienne encore plus élevé?La dette nationale suit la même courbe, la faillite est à l'horizon .Volontairement ou non , la sortie de l'UE , de l'euro et de l...

à écrit le 09/02/2022 à 4:44
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La France premier contributeur a la dette des pays europeens. Quand les taux seront a 2% le noeud coulant pourra operer. C'est pour apres demain, vous etes mal, tres mal.

le 09/02/2022 à 8:39
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quand nos ministres pense en 1er que la mondialisation est un bien normal. c'est une haute trahison que ceux qui favorise ce commerce au detriment de la nation soit juge ceux qui vende ou ont vendu des entreprises a des etranger soit juge et ap...

le 09/02/2022 à 9:25
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@ludwig La mondialisation existe pour tout le monde et presque tout le monde se porte très bien dans la zone euro au niveau de commerce international et d'industrie. C'est la France le problème, son système ultra-social, anti-méritocratique, dirigis...

à écrit le 08/02/2022 à 21:12
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A défaut de démonstration explicite, certains commentaires tentent d'expliquer que l'immigration et assimilé constituent un facteur de progression du vigoureux dynamisme hexagonal, de nature à assurer (à défaut de garantir) la pérennité de son avenir...

à écrit le 08/02/2022 à 20:35
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Merci à l'oncle sam notre bon ami . Au moins une constance Française depuis des années . J'aime cette France dynamique booster par nos visionnaires . Lemaire ,Breton veulent nous projeter dans le 20 siècle ,nous allons faire de l'Internet grâce à...

à écrit le 08/02/2022 à 18:10
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hahaha! ca etonne qui ? Montebourg Melenchon, la CGT et Larouturou? tous ceux qui ont envoye la france au tas s'etonnent que la france aille au tas........pour memoire la france a fait le choix de ne plus travailler, de mettre dehors le grand capital...

le 08/02/2022 à 20:43
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Difficile de vous contredire, encore plus dur de vous donner tort ! Et dans quelques semaine, sûr qu'on en redemande !

le 08/02/2022 à 21:54
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Et le MEDEF, qui voulait une France sans usine. Et la démolition de la recherche française et de l'enseignement français ? Et on croyait que démolir le droit du travail et supprimer l'impôt sur la fortune allait faire de nous le pays le plus compé...

à écrit le 08/02/2022 à 16:38
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Cest normal, vu que lon ne fabrique plus rien en france (meme si le gouvernement veut nous faire croire le contraire), plus il y aura de la croissance, plus il y a aura un deficit car qui dit croissance dit consommation, et qui dit consommation dit i...

à écrit le 08/02/2022 à 15:13
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Hors les 22 Md de hausse de la facture énergétique en2021 le déficit a baisser de 2 Md avec une hausse de 18% des exportations comme des importations…. Si les français ( des veaux comme disait CDG) avait acheté depuis 3 ans 5 millions de voiture comm...

le 08/02/2022 à 16:55
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Bien dit !

le 08/02/2022 à 19:50
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@Lachcor: Enfin une remarque réconfortante§

le 09/02/2022 à 7:54
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Votre Pigeot 208 est fabriqué en France ? Kenitra c'est bien au Maroc non ? Trnava c'est bien en Slovaquie non ? Je dis pas si vous aviez acheté une électrique mais mazout votre caisse vient pas de France.. 2008 pareil.. c'est ballot de pas être un v...

à écrit le 08/02/2022 à 14:56
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voir ce qu'écrivait Jacques Marseille dans le magazine Le Point du 05 mars 2009 : "les implantations d'entreprises à l'étranger ont réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 520 milliards d'Euros en 2004, alors que les exportations ne représentent qu...

le 08/02/2022 à 17:28
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Ce genre d'analyses superficielles que vous citéz ont contribué à nous rendre aveugles face à un problème tragique sur le long terme pour l'emploi de qualité et pour notre libérté. Par exemple l'affirmation " le déficit commercial est compensé par l...

à écrit le 08/02/2022 à 14:56
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Evidemment ! Dans une république bananière, on ne produit plus rien. On importe en faisant de la dette.. X2 merci Manu

à écrit le 08/02/2022 à 14:39
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"sans toutefois rattraper le niveau de 2019" ?!? on pouvait lire le 28 janvier dans l’autre quotidien économique français que l’économie dépasse de 0,9% son niveau d’avant crise. ce n’est pas "malgré le rebond de la croissance" mais "du fait notamm...

le 08/02/2022 à 15:10
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Lol, si la France est un moteur, alors c'est un moteur socialiste. L'investissement, les aides sociales, les rémunérations, ... sont financées en partie par le déficit, c'est à dire par l'Allemagne qui soutient la valeur de l'euro, pour le moment. ...

le 08/02/2022 à 17:34
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Un moteur alimenté par la dette qui s'arretera quand la France ne pourra plus augmenter sa dette (je ne parle meme pas de la reduire!). Le modèle français n'est pas un modèle puisque il n'est pas soutenable. La demonstration sera faite dans quelques ...

à écrit le 08/02/2022 à 14:37
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En clair et sans décodeur, la France vit à crédit aux dépends des autres pays, en particulier la Chine. Quand cette dernière va nous présenter la facture, ça va faire mal. Ca arrivera dans quelques années, quand il sera trop tard

à écrit le 08/02/2022 à 14:35
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Encore un excellent résultat de fin de mandat qui vient s’ajouter à l’explosion des déficits budgétaires

à écrit le 08/02/2022 à 14:32
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Si le bateau France était bien géré, il y aurait des excédents annuels, comme de nombreux pays européens arrivent à le faire. Mais ce n'est pas le cas, l'économie est sur-régulée et surtaxée, ce qui étouffe dans l'oeuf la plupart des initiatives. ...

le 08/02/2022 à 17:40
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Ce que vous dites est hélas vrai. Nous sommes plus proches de la Tunisie que de l'Allemagne au niveau des fondamentaux économiques et seul l'euro et notre capacité d'endettement basé sur l'euro et le soutient de la BCE (pas durable) nous permettent d...

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