Malgré une croissance en berne, l'Unédic table sur un excédent financier en 2022

L'Unédic table sur un excédent de 2,5 milliards d'euros en 2022 qui permettra au régime d'assurance chômage d'entamer le remboursement de sa dette colossale. L'organisme paritaire prévoit un taux de chômage à 7,3% de la population active d'ici la fin de l'année 2022 contre 7,4% à la fin 2021.
Grégoire Normand
La diminution du nombre de demandeurs d'emploi et les nouvelles règles d'assurance chômage appliquées depuis fin 2021 "contribueraient à diminuer les dépenses d'indemnisation" qui passeraient de 49,4 à 40 milliards, selon le communiqué de l'organisme paritaire.

Ce sont des chiffres à prendre avec des pincettes. Après deux longues années de pandémie, les comptes de l'Unédic, l'organisme en charge du régime de l'assurance-chômage, seraient positifs en 2022 avec un excédent de 2,5 milliards d'euros et 3,1 milliards en 2023« Le redressement des comptes de 2020 à 2022 est lié à la fin des mesures d'urgence et au rebond conjoncturel en 2021 », a déclaré Christophe Valentie, directeur général de l'Unédic, lors d'un point presse ce mercredi 8 juin. Après quatorze années de déficits cumulés, l'organisation paritaire retrouve des couleurs mais la guerre en Ukraine pourrait changer la donne.

En effet, la croissance du PIB a reculé de 0,2% au premier trimestre et la plupart des instituts de prévision ont fortement dégradé leurs chiffres de croissance pour l'année 2022. De son côté, l'Unédic table sur une croissance de 2,4% en 2022 contre 3,8% en février dernier avant la guerre. L'inflation pourrait grimper quant à elle à 4,5% en 2022 avant de retomber à 2,3% en 2023.

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61,1 milliards, la dette colossale de l'Unédic

Le solde financier de l'Unédic n'avait pas connu d'excédent depuis la crise de 2008. Malgré cette embellie, la dette a explosé à un niveau record en 2021, à 63,6 milliards d'euros, contre 36,8 milliards en 2019, et pourrait revenir à 61,1 milliards d'euros en 2022. Il faut dire que la mise sous cloche de l'économie française pendant la pandémie et le recours massif au chômage partiel ont plombé les comptes de l'Unédic, même si une partie importante (deux tiers) des indemnités était prise en charge par l'Etat.

Rien que pour l'activité partielle, les dépenses sont estimées à 11,8 milliards d'euros. « Les années 2020 et 2021 ont généré à elles seules 26,8 milliards d'euros de dette supplémentaire, du fait du financement des mesures Covid et du ralentissement économique », indique l'organisme paritaire. Les statisticiens prévoient une baisse de la dette de l'Unédic de près de 10 milliards d'euros d'ici la fin de l'année 2024. Elle pourrait s'établir à 53,7 milliards d'euros.

S'agissant du financement de la dette, les représentants de l'Unédic n'ont pas montré de signe d'inquiétude, malgré le resserrement de la politique monétaire de la banque centrale européenne (BCE). « Les grosses émissions de dette sont intervenues à un moment où les taux étaient bas », a souligné Jean-Eudes Tesson, vice-président de l'Unédic devant les journalistes.

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Un chômage à 7,3% d'ici la fin de l'année 2022 et 7,2% d'ici fin 2023

Le nombre de chômeurs a poursuivi sa décrue à la fin de l'année 2021 pour s'établir à 6,2 millions (-160.000 par rapport à fin 2020). Résultat, le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) s'est établi à 7,4% de la population active, mais il resterait stable cette année.

L'Unédic table sur un chômage à 7,3% d'ici la fin de l'année 2022, 7,2% d'ici la fin de l'année 2023 et 7% d'ici la fin de l'année 2024. Sur ce point, l'objectif du « plein emploi » annoncé par Emmanuel Macron, lors de la campagne présidentielle, pourrait être difficile à atteindre lors des premières années de mandat, compte tenu des nombreux aléas conjoncturels.

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Une baisse du nombre de chômeurs indemnisés

L'autre résultat important des dernières prévisions financières de l'Unédic est la baisse du nombre de chômeurs indemnisés. En effet, il pourrait passer de 3 millions en 2020 à 2,4 millions en 2022. « Cette réduction importante s'expliquerait d'une part par la bonne tenue des créations nettes d'emplois observées en début d'année 2022 et d'autre part par les effets des changements réglementaires intervenus en fin d'année 2021 », indiquent les experts. L'embellie sur le marché du travail, suite au fort rebond en grande partie mécanique de l'économie en 2021, a permis à des milliers de chômeurs de sortir de l'assurance chômage et de contribuer au financement de ce système assurantiel via les cotisations.

A cela s'ajoutent les effets de la réforme contestée de l'assurance chômage entrée en vigueur à la fin de l'année 2021. Pour l'heure, l'Unédic n'a pas encore fait de travaux sur les premières répercussions de cette mesure. Elle s'appuie sur la dernière étude d'impact datant de juillet 2021, bien avant l'entrée en guerre de la Russie en Ukraine.

Pour rappel, cette réforme prévoit un durcissement des conditions d'accès à l'assurance chômage avec un allongement de la durée de cotisation pour les chômeurs, la dégressivité des indemnités et un nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR). Interrogée sur ce sujet sensible de l'évaluation, la présidente de l'Unédic, Patricia Ferrand, a assuré que des travaux étaient programmés. « C'est dans la feuille de route de l'Unédic», a-t-elle affirmé. « L'Etat avait annoncé un comité de suivi de la réforme. Pour l'instant, aucun résultat n'a été communiqué », a-t-elle ajouté.

Des négociations paritaires attendues à l'automne

Les syndicats et les organisations patronales vont devoir s'atteler à des négociations paritaires sensibles d'ici l'automne pour redéfinir les règles de l'assurance-chômage. De son côté, le gouvernement doit envoyer une lettre de cadrage aux partenaires sociaux au mois de juin pour préciser ses objectifs en matière d'indemnisation des chômeurs. Dans le contexte de la guerre en Ukraine et du coup de frein de l'activité, les échanges à venir pourraient être tendus si la conjoncture économique ne s'améliore pas.

Dans son programme, Emmanuel Macron avait évoqué un changement des règles d'indemnisation en modulant le dispositif de l'assurance chômage en fonction de la conjoncture. En d'autres termes, plus la situation de l'emploi est dégradée, et plus l'assurance chômage est généreuse. En revanche, elle l'est moins quand le marché du travail est porteur afin d'inciter les demandeurs d'emploi à prendre les postes proposés.

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Grégoire Normand
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