"N'ayez pas peur de recourir à la médiation des entreprises"

Dans un entretien accordé à La Tribune, Pierre Pelouzet, le médiateur des entreprises, insiste sur l'utilité de recourir aux services de la médiation lorsque des contentieux, tels que des retards de paiement, surviennent. Selon lui, le recours à la médiation ne coupe pas le lien entre le donneur d'ordre et son fournisseur. Mieux, dans la majorité des cas, les relations commerciales entre les deux parties s'intensifient.
Fabien Piliu
" Selon les témoignages que nous recueillons, les médiations débouchent dans la quasi-totalité des cas sur une poursuite du courant d'affaires entre les donneurs d'ordre et leurs clients. Dans 70% des cas, la médiation permet même de l'augmenter ".

La Tribune - En 2015, le PIB a progressé de 1,2%, soit 1 point de plus qu'en 2014. Cette reprise progressive de l'activité est-elle également palpable à la médiation des entreprises ?

Pierre Pelouzet - Nous ne disposons pas de statistiques fiables sur ce point. Le nombre de différends commerciaux présentés à la médiation n'est pas directement lié à la conjoncture, puisque nous nous efforçons de faire connaître notre service, ce qui augmente le flux des dossiers. Toutefois, à la lecture des dossiers de médiation que nous traitons au quotidien, la conjoncture semble s'améliorer, même dans des secteurs qui étaient encore récemment en difficulté comme l'automobile ou la construction. Pour transformer l'essai, il faut maintenant que la confiance revienne, et notamment la confiance client-fournisseur.

Combien de dossiers traitez-vous par mois ?

Environ une centaine par mois. Il y a cinq ans, nous en traitions une centaine par an.

Les équipes de la médiation ne sont-elles pas débordées ?

Non, grâce à notre réseau de 60 médiateurs dans toute la France, nous arrivons à tout traiter dans des délais courts. Je tiens d'ailleurs à féliciter nos médiateurs, pour certains retraités bénévoles, qui participent aux succès de la médiation. Mais nous pouvons faire plus, bien plus, pour aider les entreprises.

C'est-à-dire ?

Trop de chefs d'entreprises redoutent de recourir à la médiation. C'est dommage.

Pour quelles raisons rechignent-ils à frapper à votre porte ?

Par peur, je pense. Ils redoutent vraisemblablement de subir les foudres de leur donneur d'ordre indélicat.

N'ont-ils pas raison d'avoir peur, surtout si le donneur d'ordre en question est leur principal client ?

Je peux comprendre leur point de vue. Mais ils se trompent lourdement ! Selon les témoignages que nous recueillons, les médiations débouchent dans la quasi-totalité des cas sur une poursuite du courant d'affaires entre les donneurs d'ordre et leurs clients. Dans 70% des cas, la médiation permet même de l'augmenter.

Ces résultats peuvent apparaitre comme paradoxaux

Je vous l'accorde, et pourtant... Une fois la première étape passée, étape au cours de laquelle chacune des parties prenantes s'énerve, bande les muscles et avance sa bonne foi, le dialogue reprend ses droits. Les uns et les autres apprennent à se connaître, autrement que par voie électronique. De ce dialogue nait très souvent de nouvelles opportunités commerciales.

Egalement en charge de l'innovation, la médiation des entreprises labellise actuellement les cabinets de conseil en innovation qui garantissent notamment, sur le papier et moyennant rétribution, un accès sécurisé au crédit impôt recherche (CIR). Quels sont les premiers résultats de cette labellisation ?

Nous avons déjà labellisé 21 cabinets de conseil, et la liste va prochainement s'étoffer. Une quarantaine est inscrite sur notre liste d'attente. Je note qu'un certain nombre de sociétés refuse d'emblée d'être labellisé, ou font marche arrière une fois le processus enclenché.

Pour quelles raisons selon vous ?

Peut-être sommes-nous trop exigeants... Ceci étant dit, ils ont tort de refuser l'obstacle car de plus en plus d'entreprises souhaitent recourir à des cabinets labellisés par la médiation.

La médiation des entreprises s'est enrichie de la médiation des marchés publics. Pour une TPE-PME, est-il aisé de remporter un appel d'offres ?

Il y a encore des progrès à faire en matière de simplification pour que les marchés publics soient véritablement un levier de croissance pour les petites entreprises. Mais il y a des avancées. L'article 142 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics prévoit qu'en cas de différend concernant l'exécution des marchés publics, les acheteurs et les titulaires peuvent recourir au médiateur des entreprises ou aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics (CCRA) dans des conditions fixées par décret.

Celui-ci prévoit également que la saisine du médiateur des entreprises ou d'un comité consultatif de règlement amiable interrompt le cours des différentes prescriptions et les délais de recours contentieux jusqu'à la notification du constat de clôture de la médiation ou la notification de la décision prise par l'acheteur sur l'avis du comité. Grâce à cette disposition, si jamais la médiation échoue (25 % seulement des saisines), l'entreprise a l'assurance que ses délais de recours n'auront pas expiré durant le processus de médiation.

Fabien Piliu
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