« Nous inventons le Medef du XXIe siècle » (Pascal Demurger, MAIF)

ENTRETIEN- Le directeur général de la Maif veut peser davantage avec Impact France, et doubler le nombre de ses adhérents.
Pascal Demurger

Pascal Demurger, 59 ans, est entré à la Maif (Mutuelle d'assurance des instituteurs de France) en 2002. Cet énarque en est le directeur général depuis 2009.

LA TRIBUNE DIMANCHE- Vous avez pris la coprésidence d'Impact France avec Julia Faure, fondatrice de Loom, il y a six mois. Quelle action souhaitez-vous mener à sa tête ?

PASCAL DEMURGER- C'est un mouvement qui rassemble des dirigeants et des entrepreneurs autour de l'impact écologique et social de leurs entreprises. Son programme est clair depuis sa création il y a quatre ans. Il est partagé par tous ceux qui l'ont rejoint, soit 15 000 entreprises aujourd'hui. Mon but est que ce mouvement puisse davantage peser dans le débat public. Ce qui suppose un flux de nouvelles adhésions, de grandes entreprises en particulier, pour que notre crédibilité augmente. Ma mission, c'est de donner à Impact France une voix encore plus forte. Car si on ne grandit pas, on ne change rien.

Quelles entreprises pourraient en devenir membres ?

Les marques d'intérêt se multiplient. De grands groupes comme la SNCF, Doctolib, L'Occitane, Nature & Découvertes, Crédit mutuel et Enedis nous ont déjà rejoints. Adecco pourrait les imiter bientôt. Je souhaite assez rapidement changer d'échelle. Multiplier par deux le nombre d'adhérents, notamment avec des grands groupes issus de tous les secteurs.

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Allez-vous créer un « Medef vert » ?

Quelque chose est en tout cas en train de se passer, qui redéfinit un peu le paysage de la représentation des entreprises. Le Medef est peut-être plus traditionnel qu'Impact France. Nous nous préoccupons de diversité et d'inclusion. Mais aussi, beaucoup, du partage de la valeur et de la croissance des inégalités. Elles se sont creusées ces dernières années. Y prêter attention est fondamental pour éviter de potentielles ruptures au sein de notre modèle social. Nous inventons le Medef du XXIe siècle.

Les propositions d'Impact France sont-elles réalistes ou utopiques ?

Cela fait quinze ans que je dirige un groupe de 10 000 salariés. Je possède donc, je pense, un certain sens des réalités... Impact France est un mouvement très concret, même si certaines de nos propositions ne sont pas reprises pour l'instant. Il est plus que jamais indispensable que les entreprises puissent concilier performance économique et engagement. Accroître leur compétitivité et leur attractivité en même temps que leur niveau d'engagement sociétal.

Quels sont vos critères pour accepter de nouvelles adhésions ?

L'entreprise doit bien sûr partager les principes de notre mouvement. De notre côté, la sincérité de leur trajectoire - actuelle et future - doit être clairement perçue. Sinon, elle n'a pas vocation à nous rejoindre.

Dialoguez-vous avec les pouvoirs publics ?

Il me semble que le gouvernement souhaite qu'Impact France soit un interlocuteur régulier et crédible sur les sujets essentiels à notre démarche, à commencer par la transition écologique. Le but consiste à obtenir des résultats concrets.

Par exemple ?

La mise en place au niveau mondial de normes extrafinancières, aux côtés des normes comptables et financières habituelles, permet de mesurer de façon précise les actions menées par les entreprises dans ces domaines. Ce cadre pourrait mettre fin aux accusations de « greenwashing », grâce à la transparence qu'il impose. Mais aussi devenir un préalable à une évolution des politiques publiques. Dans le domaine fiscal, comme dans ceux des marchés publics et des aides.

Pourquoi ?

Les entreprises jouent un rôle crucial pour assurer la transition écologique, puisque leurs activités représentent au moins la moitié des efforts nécessaires à consentir pour la réaliser. En matière d'émission de gaz à effet de serre notamment. Mais elles ne le feront que si elles y trouvent leur intérêt. D'où l'importance de créer des modulations « comportementales » au sein de la fiscalité, pour les y inciter. Et de réfléchir à conditionner certains marchés et aides publics en fonction des mesures de responsabilité sociale et environnementale détaillées lors des appels d'offres. Cela existe déjà dans le cadre social, comme en témoigne la conditionnalité des cotisations chômage selon les types de contrats de travail - CDI ou contrats de courte durée - privilégiés par l'entreprise. Rien n'empêche d'en imaginer d'équivalentes ailleurs.

Souhaitez-vous proposer des normes nouvelles ?

Dans nos propositions pour le projet de loi de finances 2024, il n'y a aucune norme supplémentaire. Aucune augmentation de charges ni d'impôts. Nous nous appuyons uniquement sur ce qui existe déjà. En ce qui concerne la CVAE - la cotisation sur la valeur ajoutée -, dont la disparition progressive est échelonnée sur quatre ans, nous proposons que les entreprises qui s'engagent activement dans la transition écologique soient privilégiées dans ce calendrier. Avec la présentation d'un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, ainsi que la trajectoire des futures réductions. Ce bilan est déjà obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés, mais 60 % d'entre elles ne le respectent pas. Celles qui s'y plient pourraient donc être favorisées. Autre idée, la conditionnalité des financements de Bpifrance, 67 milliards d'euros au total, à la présentation de ce bilan.

Que proposez-vous au sujet du partage de la valeur ?

Ces dernières années, les dividendes ont bien plus augmenté que les salaires. D'où un appauvrissement ressenti du côté des salariés et une concentration des patrimoines. L'impôt sur les sociétés, de 25 % aujourd'hui, pourrait en tenir compte, en étant moins élevé quand les résultats sont réinvestis dans l'entreprise, mais supérieurs pour ceux distribués sous forme de dividendes. Ce serait une étape symbolique : créer pour la première fois une conditionnalité dans la fiscalité des entreprises. ■

Commentaires 6
à écrit le 23/10/2023 à 9:50
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Le Medef du 21ième siècle ? Il serait temps : on est fin 2023 ! Toujours à la pointe du progrès, les patrons français.

à écrit le 22/10/2023 à 19:36
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.. Mais peut-être qu'essayer, de ne pas se passer son temps à se contempler le nombril ; et essayer de regarder autour de soi, pourrait constituer une avancée majeure. Parce que pour l'instant le MEDEF ressemble plutôt à un disque rayé qui repasse ...

à écrit le 22/10/2023 à 19:33
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.. Mais peut-être qu'essayer, de ne pas se passer son temps à se contempler le nombril ; et essayer de regarder autour de soi, pourrait constituer une avancée majeure. Parce que pour l'instant le MEDEF ressemble plutôt à un disque qui repasse toujo...

à écrit le 22/10/2023 à 10:03
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Ouais c'est bien faut y croire ! lol

à écrit le 22/10/2023 à 9:53
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le 22/10/2023 à 13:02
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