« Le prix est le critère absolu du consommateur » (Thierry Cotillard, Les Mousquetaires)

Thierry Cotillard, président des Mousquetaires, deuxième groupe de grande distribution français, parie sur la croissance. Et lutte contre les hausses de prix.
Le numéro 1 des Mousquetaires le 4 septembre.
Le numéro 1 des Mousquetaires le 4 septembre. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE DIMANCHE- Demain, 61 anciens magasins Casino vont rouvrir leurs portes sous pavillon Intermarché ou Netto. Comment avez-vous organisé cette transformation ?

THIERRY COTILLARD- L'histoire a commencé il y a un an. La principale motivation du patron du groupe Casino, Jean-Charles Naouri, portait sur la continuité de l'activité. Nous avons été une partie de la solution, en reprenant 61 magasins lors d'une première vague - hors Paris et Régions Rhône-Alpes et Paca : 46 d'entre eux sous enseigne Intermarché et 15 sous enseigne Netto. L'accord concerne potentiellement 195 magasins au total. Nous n'avons eu que quinze jours pour former les équipes, dans des sites écoles partout en France. Quatre cents salariés du siège sont allés dans les points de vente pour mettre les produits en place et implanter le système informatique, l'aspect le plus complexe de cette bascule.

Quand les deux autres vagues seront-elles programmées ?

Leur concrétisation doit s'effectuer dans les trois ans à venir, en accord avec le groupe Casino.

De quel type de magasins s'agit-il ?

Tous les formats sont représentés : supérette, supermarché et hyper. Leur surface varie de 600 à 7 000 mètres carrés. Ensemble, ces 61 points de vente réalisent un chiffre d'affaires de 621 millions d'euros, soit 0,5 % de parts de marché. Ce qui se traduit par 0,5 % de croissance supplémentaire pour le groupement dès leur reprise. Les gammes Intermarché sont différentes de celles de Casino, les prix aussi sont différents, avec des baisses significatives, de - 9,6 % en moyenne et de - 4 % à - 30 % en fonction des catégories de produits.

Avez-vous eu le temps de faire un test ?

Oui. Avec un magasin de 4 500 mètres carrés, à Pontarlier. Il a rouvert ses portes avec quinze jours d'avance, pour nous permettre de tout vérifier. La très bonne nouvelle, c'est que les ventes ont déjà augmenté de 20 %. On espère que ce sera le cas partout. Élaborer des hypothèses, c'est bien. Les voir confirmées, c'est encore mieux !

Quels sont vos objectifs avec ce rachat ?

Nous espérons nous renforcer et aller chercher 20 % de croissance supplémentaire dans l'année à venir, avec 1,3 % à 1,4 % de parts de marché gagnées.

Le prix reste-t-il déterminant, même si l'inflation a diminué de 0,5 % en septembre ?

Il demeure sans discussion le critère absolu pour les consommateurs. Un signe parmi d'autres : les clients se rendaient en moyenne dans 4,2 enseignes distinctes en 2013. Ce chiffre est monté à 8 dix ans plus tard. Les consommateurs sont plus que jamais à l'affût des meilleures offres, quel que soit le type de magasin.

Le fossé se creuse-t-il entre les différents acteurs de la grande distribution ?

Les indépendants - Leclerc, Système U, Intermarché - restent très proches les uns des autres, avec des écarts sur les étiquettes de 0 à 4 %. Les groupes intégrés sont généralement 10 % à 20 % plus chers.

Vous êtes à la tête du groupement Les Mousquetaires depuis janvier 2023. Êtes-vous satisfait de ces neuf premiers mois ?

Mon programme pour l'élection à la tête du groupement était : « Invulnérables en France ». C'est le cœur de notre stratégie face à la concurrence, y compris celle des géants du numérique. Je souhaite que notre modèle économique se transmette à la prochaine génération. Pour y parvenir, il faut atteindre une taille critique, soit 20 % de parts de marché. Ce qui est plus difficile en France qu'ailleurs en Europe, car les acteurs de la grande distribution y sont plus nombreux.

Intermarché détient 16 % de parts de marché aujourd'hui. Quelle progression espérez-vous ?

Avec la totalité des nouveaux magasins, 17 % à 18 %. Puis 2 points supplémentaires, selon l'augmentation du chiffre d'affaires. Avec ses enseignes Bricomarché, Bricorama et Brico Cash, Les Mousquetaires représentent le premier acteur du bricolage en France parmi les indépendants. Nous venons de racheter Tridôme, une enseigne très présente dans le sud de la France. Un tiers des surfaces de bricolage du pays nous appartiennent aujourd'hui.

Le coût du carburant est un sujet majeur pour les Français. Où en êtes-vous après l'échec de la vente à perte suggérée par le gouvernement ?

Cette idée n'était pas économiquement viable. Le poids du carburant dans le chiffre d'affaires des enseignes du secteur est trop important. Il représente, selon les supermarchés du groupement, de 30 % à 50 % des ventes. Et de 10 % à 15 % pour un hyper. Nous avons 1 642 stations-service, soit une tous les 17 kilomètres.

Nous vendons 6 milliards de litres de carburant par an, pour 11,5 milliards d'euros. Proposer de vendre le carburant à prix coûtant ponctuellement était plus responsable. Les Français font en moyenne un plein tous les quinze jours. Nous nous sommes alignés sur cette fréquence. Le pouvoir d'achat et l'inflation sont des sujets qui doivent être partagés par tous, acteurs économiques et pouvoirs publics. Or les pétroliers nous vendent le carburant en encaissant une marge de 15 %. Cette dernière doit être une variable d'ajustement.

Face à l'inflation, comment le comportement des consommateurs a-t-il évolué ?

Ils font leurs courses plus souvent. Et diminuent leurs achats d'environ 5 %. Certaines familles de produits sont plus touchées, comme le poisson, en baisse de 10 à 15 %, ou la viande, qui diminue de 5 %. Les produits d'hygiène, dont le shampoing ou le dentifrice, accusent entre 4 % et 8 % de baisse.

Les Mousquetaires sont aussi producteurs. Baissez-vous vos prix sur vos produits ?

Notre outil industriel, avec 56 usines en France, nous le permet. Nous proposons de la viande ou du poisson de qualité à moins de 10 euros. Ce que les grandes multinationales n'ont pas voulu consentir comme effort, nous l'avons fait. Avec succès. Nous avons gagné 500 000 nouveaux clients depuis le début de l'année. C'est énorme.

Les multinationales continuent-elles d'augmenter leurs prix ?

Les PME jouent le jeu. Pas les multinationales. Au contraire : elles ont déjà augmenté leurs prix de 20 % à 25 %. Et annoncent des hausses supplémentaires de 10 % !

Comment réagissez-vous ?

On dit stop. On sélectionne les assortiments et on diminue le nombre de références des marques qui ne jouent pas le jeu. C'est le seul moyen de baisser le coût du panier du consommateur. Kellogg's ou Unilever sont les champions de l'augmentation des prix. Seules leurs marges comptent, même s'ils mettent en avant leurs coûts de production. Comme Les Mousquetaires ont des usines en France, nous les connaissons aussi bien qu'eux. Le poids des dépenses alimentaires dans le budget des Français a bondi de 12 % à 16 % en trois ans. S'il ne redescend pas à 13 % ou 14 %, de multiples filières agricoles souffriront des conséquences. Notre mission collective doit être de limiter ces hausses pour préserver le pouvoir d'achat des Français.

Les Restos du Cœur annoncent devoir pour la première fois refuser du monde. Allez-vous les aider ?

Les Mousquetaires ont une responsabilité sociétale, avec 150 000 salariés et 3 000 chefs d'entreprise. Nous avons donné 1 million d'euros de produits aux Restos du Cœur, nos partenaires depuis trente ans. Si tous les industriels et acteurs économiques s'y mettent, la précarité sera vaincue. Et les Restos auront les millions d'euros qui leur manquent. Il faut une « union sacrée ». ■

REPÈRES

Thierry Cotillard en quatre dates

1999 Entrée dans le groupe, chargé du développement pour l'Italie.

2008 Devient adhérent du groupement Les Mousquetaires

2015 Élu à la présidence du groupe.

2023 Réélu à la tête du groupement

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Commentaires 5
à écrit le 16/10/2023 à 4:54
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Encore un marchand qui n'a rien compris au commerce dont la clientèle recherche avant tout l'efficacité économique (cf. limitation du budget) y compris dans l'alimentaire au risque de changer ses habitudes de consommation (e.g. moins d'aliments on...

à écrit le 15/10/2023 à 11:12
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Si la GS commence à comprendre, il y a de l'espoir. Le bio qui doit "sauver la planète" selon les zécolodogmatos, à des prix éhontés, ça va un moment. Et si les c..sommateurs commencent à comprendre qu'un smartphone à 100 EUR en fait autant que l'aut...

à écrit le 15/10/2023 à 10:25
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Le prix mais pas que....Je me fixe des limites psychologiques que je ne dépasse pas... des poires à €3.99 le kilo? Je passe mon chemin, des laitues de serres vendues 1.29, idem....des kiwi riquiqui vendus 99 cents la pièce, je n'en prends pas...du ra...

le 15/10/2023 à 17:05
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@breizhou: Si je comprends, vous ne vous arrêtez pas souvent; évidemment, c'est la solution. Après, il ne nous restera plus que le vol à l'étalage, mais tl faut courir vite, et à mon âge....

à écrit le 15/10/2023 à 9:47
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Voilà enfin une vérité dite, les gens n'ont pas le choix.

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