« Une ingérence extrêmement néfaste ». C'est en ces termes que le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin a qualifié la signature d'un mémorandum de coopération entre le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, un territoire français dans le Pacifique sud, et le parlement de l'Azerbaïdjan.
« Il ne m'avait pas paru évident que l'Azerbaïdjan avait un intérêt économique, politique, culturel ou sportif dans le Pacifique Sud », a-t-il ironisé lundi devant la Commission des lois de l'Assemblée nationale . « L'Azerbaïdjan essaye d'utiliser le dossier calédonien (...) pour répondre à la défense des Arméniens et du massacre des Arméniens par la puissance azerbaïdjanaise », a estimé de son côté le ministre de l'Intérieur qui s'est dit « profondément » choqué.
Tensions montantes
Le ton monte depuis des mois entre la France et l'Azerbaïdjan qui reproche à Paris son soutien à l'Arménie. Accusant la France de mener une politique allant « contre l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Azerbaïdjan », la commission des Affaires étrangères du parlement azerbaïdjanais a recommandé en janvier de couper tout lien économique avec Paris et d'expulser les entreprises françaises.
Paraphé en Azerbaïdjan le 18 avril par Omayra Naisseline, élue du groupe UC-FLNKS (indépendantiste), au nom du président du Congrès Roch Wamytan, ce texte vise à développer les relations entre les Congrès de la Nouvelle-Calédonie et l'Assemblée nationale de l'Azerbaïdjan, notamment en matière de culture, d'enseignement et de politique. L'Assemblée nationale azerbaïdjanaise « va sensibiliser la communauté internationale sur le droit du peuple de la Nouvelle-Calédonie à l'autodétermination », a précisé Roch Wamytan.
Une « honte absolue » pour le groupe Calédonie
Les non indépendantistes ont vivement réagi. Le groupe Calédonie ensemble a qualifié la semaine dernière cette initiative de « honte absolue » et pointé » un « mélange des genres » dans un communiqué. Il demande l'organisation d'une session extraordinaire du Congrès et que « ce mémorandum soit officiellement déclaré nul et non avenu ». Dans un communiqué, les groupes Les Loyalistes et Rassemblement ont dénoncé la semaine dernière un accord « n'ayant fait l'objet d'aucune concertation », avec un pays qui s'est « rendu coupable de crimes horribles contre sa propre population », et ont annoncé saisir la justice.
Le procureur de la République de Nouméa Yves Dupas a confirmé à l'AFP avoir reçu un signalement pour « un éventuel détournement de fonds publics pour les frais de déplacements ». Selon Roch Wamytan, l'élue était en déplacement en tant que représentante du FLNKS à l'invitation du Groupe d'initiative de Bakou, créé en juillet 2023, en marge d'un sommet ministériel du Mouvement des non-alignés quand elle a signé le mémorandum, le 18 avril. « C'est un pays qui aide le FLNKS », « ce sont eux qui prennent tout en charge », a encore détaillé le président du Congrès, précisant avoir noué des liens avec l'ambassadeur azerbaïdjanais lors d'une rencontre à l'ONU en décembre 2021.
« Ces 'protocoles politiques' ne sont évidemment pas possibles au sens politique du terme, pas moralement acceptables », a estimé Gérald Darmanin, regrettant que certains indépendantistes « voient dans l'Azerbaïdjan une planche de salut. » Cet accord « nous interroge sur la volonté profonde d'un certain nombre de groupes qui ont pris l'Azerbaïdjan comme modèle politique - qui ne doit pas être celui qui doit se développer en Nouvelle-Calédonie », a-t-il insisté.
Pour rappel, Gérald Darmanin était auditionné sur un projet de loi constitutionnelle portant sur l'élargissement du corps électoral du scrutin provincial de l'archipel, mesure qui exacerbe les tensions entre loyalistes et indépendantistes sur l'archipel englué dans une profonde crise économique. Adoptée le 2 avril au Sénat, cette réforme doit permettre à tous les natifs calédoniens, ainsi qu'aux résidents installés depuis au moins dix ans, de voter aux élections provinciales. Pour être définitivement adoptée, elle doit être approuvée par l'Assemblée nationale puis par les deux chambres du parlement réunies en Congrès.
(Avec AFP)