Soupçonnant l'Azerbaïdjan de préparer « une guerre totale », l'Arménie resserre sa coopération avec la France

Inquiète des ambitions territoriales de son voisin azéri, l'Arménie renforce sa coopération militaire avec la France. Dans ce cadre, des livraisons d'armes défensives sont en cours. Déçu par l'attitude de la Russie face aux menaces de l'Azerbaïdjan, Erevan gèle sa participation à une organisation régionale sous l'égide de Moscou.
Dans le cadre de cette coopération militaire, l'Arménie a reçu plusieurs équipements militaires, dont des fusils de précision et des radars.
Dans le cadre de cette coopération militaire, l'Arménie a reçu plusieurs équipements militaires, dont des fusils de précision et des radars. (Crédits : Reuters)

Rapprochement diplomatique en cours entre l'Arménie et la France. Ce vendredi, les deux pays ont affirmé haut et fort leur rapprochement en matière de défense, avec une visite du ministre français des Armées à Erevan, qui cherche à réduire sa dépendance envers Moscou.

Après la reprise par les armes du Haut-Karabakh par l'Azerbaïdjan en septembre 2023, « c'est la France qui a réagi en premier » quand Erevan a appelé à l'aide, a salué lors de cette rencontre le ministre arménien de la Défense, Souren Papikian, lors d'une conférence de presse avec son homologue, Sébastien Lecornu.

« Cette réaction et la coopération mise en place depuis un an et demi a une très grande importance pour l'Arménie », a aussi estimé Souren Papikian. L'aide à Erevan est « purement défensive », insiste pour sa part Paris, « la priorité absolue étant de protéger les populations civiles et les sites stratégiques », notamment grâce à un renforcement de la défense aérienne, selon le ministre français des Armées.

La France, partenaire de sécurité solide

Pour rappel, après une période d'apaisement en fin d'année dernière, de nouveaux affrontements ont eu lieu mi-février entre les armées arménienne et azerbaïdjanaise, qui se sont accusées mutuellement d'avoir procédé à des tirs à leur frontière. Quatre soldats arméniens sont morts, selon Erevan.

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Dans ce contexte, l'Arménie, qui compte trois millions d'habitants et une armée de 60.000 hommes, « se tourne vers les partenaires qui sont vraiment pourvoyeurs de sécurité », a justifié le ministre français des Armées, lors d'une conférence presse ce vendredi. Selon son homologue arménien, Erevan a décidé d'entamer un processus de « modernisation » de ses armées, qui jusqu'à aujourd'hui, étaient calibrées selon des normes soviétiques.

Lors de la guerre de 2020 avec l'Azerbaïdjan, la France a tenté une médiation dans le cadre du groupe de Minsk, mais s'est retrouvée isolée face à la Russie et la Turquie, soutiens de de Bakou. Paris a alors amorcé un changement d'approche et a resserré ses liens militaires avec l'Arménie, qui entretient déjà une forte relation culturelle avec la France, berceau de la principale communauté arménienne d'Europe.

Livraisons de matériel militaire français

Le renforcement de la coopération militaire avec la France est d'autant plus important pour l'Arménie, qui se sent abandonnée par son allié traditionnel, la Russie. Paris et Erevan ont déjà signé à l'automne 2023 une lettre d'intention en matière de défense aérienne, incluant l'acquisition de trois radars de l'entreprise française trois radars « Ground Master » Thalès.

Ce type de radar peut détecter un aéronef ennemi à 250 km de distance, que celui-ci vole à faible vitesse et basse altitude comme les drones, ou à haute altitude comme les avions de combat. La France a aussi fourni des jumelles de vision nocturne, livrées jeudi de cette semaine.

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L'Arménie a en outre paraphé ce vendredi un contrat pour l'acquisition de fusils de précision avec la société française PGM, dont le montant n'a pas été précisé. Paris s'est aussi engagé à former cinq militaires arméniens à l'Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Plus encore, la lettre d'intention évoque des discussions sur l'acquisition par Erevan de missiles à courte-portée du missilier français MBDA.

Erevan se met en retrait d'une organisation liée à Moscou

Dans la même dynamique, le Premier ministre arménien a déclaré que l'Arménie suspendait sa participation à l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance diplomatico-militaire dominée par Moscou. « En pratique, nous avons gelé notre participation à cette organisation », a affirmé à ce sujet Nikol Pachinian, lors d'une interview à France 24, diffusée dans la nuit de jeudi à vendredi.

Toutefois, le dirigeant arménien n'a pas remis en question la présence de la base militaire russe sur le sol arménien, située à Gyoumri, et qui compte officiellement environ 3.000 soldats. « On a le sentiment que Nikol Pachinian y va à fond en démontrant qu'il a trouvé une épaule militaire sérieuse sur laquelle s'appuyer dans la confrontation » entre Bakou et Erevan, juge Arkady Dubnov, un expert reconnu du conflit. « C'est un jeu géopolitique risqué », selon lui.

Inquiétudes quant aux velléités de l'Azerbaïdjan

Actuellement, les inquiétudes de l'Arménie vis-à-vis de son voisin sont sans équivoque. Erevan soupçonne l'Azerbaïdjan de préparer « une guerre totale » et d'envisager de nouvelles conquêtes, ce que Bakou dément. Dans l'interview accordée à France 24 hier soir, Nikol Pachinian a rejeté les accusations de Bakou, selon qui Paris jette de l'huile sur le feu, et souligné que l'Azerbaïdjan, riche en hydrocarbures, dépense « des milliards d'euros » pour son propre armement.

« L'Azerbaïdjan va poursuivre son grignotage pour négocier en position de force. La question est de savoir si le soutien militaire français pourra apporter une dissuasion », analyse Tigrane Yegavian, de la Schiller International University.

L'Arménie cherche d'autant plus de soutien qu'elle s'est retrouvée militairement très affaiblie par la guerre de 2020, perdue contre l'Azerbaïdjan. Les deux pays se sont lourdement affrontés pour le contrôle d'une enclave située dans le territoire azéri et dans laquelle une majorité de ressortissants arméniens vivaient. A l'issue de conflit, plus de 100.000 ont dès lors fui vers l'Arménie. Si la Russie a tenté quelques manœuvres d'apaisement, Erevan lui a tout de même reproché sa passivité face une armée azerbaïdjanaise bien mieux équipée.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 23/02/2024 à 21:09
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Un petit pays totalement enclavé. Pour y aller sans survoler la Turquie, il faut passer soit par la Géorgie dominée par la Russie et proche des côtes turques, soit par l'Iran avec tous les problèmes que cela comporte. Lorsque l'Azerbaïdjan attaquera...

le 25/02/2024 à 0:26
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La Géorgie n est pas sous dominationRusse cette dernière a annexé de facto en 20o8 l ossetie et l’ Abbakthie .. ces guerres d annexions de territoires d ´ autre. pays étant les prémices de l’ annexion en 2014 de la Crimée et en 2022 du Donbass aux ...

le 25/02/2024 à 0:26
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La Géorgie n est pas sous dominationRusse cette dernière a annexé de facto en 20o8 l ossetie et l’ Abbakthie .. ces guerres d annexions de territoires d ´ autre. pays étant les prémices de l’ annexion en 2014 de la Crimée et en 2022 du Donbass aux ...

à écrit le 23/02/2024 à 18:27
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AZERBAIDJEAN soutenu par ISRAEL...Qui n'a jamais reconnu le génocide arménien...

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