Les craintes sur le pass sanitaire se multiplient. Après les bars, les restaurants, les transports, et les lieux culturels, l'application de ce sésame est élargie aux centres commerciaux de la région parisienne et dans le sud de la France frappés par des niveaux de contaminations préoccupants. A ce stade, il est encore difficile d'avoir une estimation précise des répercussions d'un tel dispositif sur l'économie tricolore. Même si de nombreux secteurs tournant à plein régime lors de la saison estivale ont tiré la sonnette d'alarme, l'impact macroéconomique sur le produit intérieur brut français (PIB) devrait être circonscrit. "L'introduction du pass sanitaire va avoir un impact marginal sur l'économie française" a expliqué l'économiste de Saxo Bank Christopher Dembik interrogé par La Tribune. "On constate, hormis quelques secteurs, que la création de richesse se poursuit et que la consommation résiste [...] Nous n'avons pas révisé à la baisse notre prévision de croissance pour le troisième trimestre" ajoute-t-il.
Une centaine de centres commerciaux concernés
Conformément aux consignes du gouvernement, environ une centaine de centres commerciaux et de magasins doivent exiger la présentation de cette attestation de vaccination aux clients. Le gouvernement a demandé aux préfets d'appliquer cette mesure pour les surfaces de plus de 20.000 mètres carrés dans les départements où le taux d'incidence dépasse les 200 pour 100.000 habitants sur une semaine. A ces enseignes s'ajoute la mise en œuvre du pass à Paris dans les Grands magasins (BHV, Galeries Lafayette,..) et trois centres commerciaux dans la capitale.
Quatre départements d'Ile-de-France (Seine-Saint-Denis, Val d'Oise, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine) dépassant le seuil ont publié pour leur part des arrêtés instaurant le pass sanitaire. Les autres départements concernés en France sont les Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Charente-Maritime, Corse-du-Sud, Gard, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Landes, Pyrénées-Orientales, Rhône, Haute-Savoie, Var et Vaucluse. Ainsi, une partie non négligeable du territoire et de la population française sont concernées mais même si l'activité peut marquer le pas à certains endroits, l'économie française est très loin de connaître une paralysie généralisée comme lors du confinement strict au printemps 2020.
"Un effet d'apprentissage"
L'application et les contrôles de pass sanitaire à l'entrée vont nécessairement augmenter les temps d'attente et les coûts pour les entreprises. Certaines vont devoir embaucher des vigiles ou faire appel à des sociétés de sécurité quand d'autres professions vont devoir passer plus de temps à vérifier la conformité du document auprès de leurs clients (dans la restauration par exemple). Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait d'ailleurs évoqué un temps de rodage il y a quelques jours.
Malgré ces difficultés, les entreprises devraient bénéficier "d'un effet d'apprentissage". Lors des différentes périodes de confinement depuis le début de la pandémie, beaucoup de sociétés ont réussi à s'adapter en modifiant leurs canaux de commercialisation (ventes en ligne, Click and Collect)."Certaines entreprises trouvent des solutions [...]Même s'il va y avoir des pertes sèches pour certains secteurs, le report de la consommation sur d'autres secteurs est possible" souligne Christopher Dembik.
Un pass socialement inflammable
Sur le front social, l'extension du pass sanitaire aux plus grandes surfaces commerciales et à certaines enseignes risque de mettre le feu aux poudres. En effet, les différentes mobilisations en plein coeur de l'été ont montré que que la contestation sociale était loin d'être retombée malgré une longue période d'accalmie en raison notamment de la pandémie. "Avec le pass sanitaire, il y a un recyclage de la contestation déjà visible depuis la loi Travail puis le mouvement des 'gilets jaunes'. On assiste à une rupture sociétale", indique l'économiste. "On peut s'attendre à une forme de durcissement à la rentrée avec une polarisation encore plus importante de la vie politique française", ajoute-t-il. Selon de récents chiffres du ministère de l'Intérieur, près de 215.000 personnes ont manifesté partout en France le 14 août dernier en plein milieu des vacances.