La Métropole de Lyon attaque Arkema et Daikin en justice. Dans un communiqué, la collectivité lyonnaise annonce ce mardi avoir assigné les deux industriels devant le tribunal judiciaire de Lyon en référé expertise pour pollution aux PFAS, aussi appelés « polluants éternels », qui imposent de coûteux travaux sur ses réseaux d'eau potable.
Le français Arkema est un groupe chimique spécialisé dans les matériaux de performance. Le groupe japonais Daikin est, lui, spécialisé dans les systèmes de refroidissement, fabricant notamment un fluide frigorigène.
« L'objectif est de faire appliquer le principe pollueur-payeur, de stopper les rejets polluants et de garantir la dépollution nécessaire à la protection des habitants », explique la Métropole dans son communiqué. Une audience a été fixée au 9 avril, indique-t-elle.
« Sur la plateforme industrielle de Pierre-Bénite, Arkema et Daikin utilisent et rejettent des perfluorés (PFAS). Il ressort des analyses que la contamination en PFAS de l'environnement est massive autour de cette plateforme », explique la métropole. « Les analyses régulières des eaux présentent des concentrations en PFAS supérieures au seuil réglementaire de 0,1 μg/L inscrit dans la directive cadre européenne sur l'eau ».
Entre 5 et 10 millions d'euros de travaux
La métropole estime entre 5 et 10 millions d'euros le coût des travaux nécessaires pour faire redescendre ce taux en dessous du seuil de référence européen dans l'ensemble du réseau d'eau potable du Grand Lyon, comme l'exige l'Agence régionale de santé (ARS). C'est la raison pour laquelle la Métropole vient de solliciter en référé qu'une expertise judiciaire soit rendue au contradictoire des industriels.
Si cette dernière permet d'établir « un lien de causalité entre les activités d'Arkema et de Daikin et les préjudices subis par la Métropole de Lyon, la Régie Eau publique du Grand Lyon et le Syndicat mixte d'eau potable Rhône-Sud en matière d'eau potable, elle pourra ensuite permettre une indemnisation par les pollueurs », détaille le communiqué.
Le recours de la Métropole de Lyon, porté conjointement avec la régie publique de l'eau et le syndicat mixte d'eau potable Rhône-Sud, se distingue des actions intentées au pénal. En agissant au civil, la Métropole n'a pas besoin de prouver d'illégalité - ce qui est délicat en l'absence de normes réglementaires sur les PFAS -, mais doit établir l'origine des pollutions puis son préjudice.
En parallèle, riverains, associations et élus multiplient les démarches pour tenter d'en savoir plus sur le niveau des pollutions aux PFAS. Ils ont déposé plusieurs plaintes ces derniers mois en dénonçant les conséquences sur la santé.
En janvier, l'Agence régionale de santé (ARS) avait révélé que les eaux destinées à la consommation de 166.000 habitants de la région Auvergne-Rhône-Alpes contenaient des PFAS à un taux supérieur au seuil de référence européen. L'ARS a imposé des mesures correctives à une cinquantaine de communes, dont quatre situées dans la métropole lyonnaise.
Après la diffusion de plusieurs enquêtes journalistiques en 2022, les autorités régionales ont enjoint à Arkema de ne plus en utiliser à la fin de 2024. L'industriel a depuis installé une station de filtration permettant de réduire drastiquement ses rejets. Pour cette raison, la justice a rejeté en novembre un référé environnemental déposé par plusieurs associations et particuliers afin d'obtenir des études sur les PFAS rejetés par Arkema.
L'Occitanie également touchée par les PFAS
La région Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas la seule concernée par les PFAS. En Occitanie, l'Agence régionale de Santé (ARS) a lancé lundi une campagne de détection des niveaux de PFAS dans l'eau courante, notamment près d'une usine chimique dans le Gard, dont les résultats seront connus « en avril ».
Des prélèvements sont actuellement effectués autour de l'usine Solvay de Salindres, qui fabrique des substances per et polyfluoroalkylées dont les propriétés anti-adhésives et imperméables sont massivement utilisées dans des produits de consommation courante, poêles, emballages alimentaires, textiles imperméables, automobiles ou médicaments.
Plus largement, la France a lancé en 2022 « des actions pour structurer son action au regard des préoccupations grandissantes des PFAS » et en application des directives européennes, précise le site de l'ARS d'Auvergne-Rhône-Alpes.
Aux Etats-Unis, des actions collectives, portées par des réseaux d'eau potable, ont forcé ces dernières années de nombreux industriels, dont Chemours ou 3M, à conclure des accords chiffrés en milliards de dollars pour mettre un terme aux poursuites.
Quasi indestructibles, les PFAS composés poly et perfluoroalkylées (une famille regroupant plus de 4.700 molécules), s'accumulent avec le temps d'où leur surnom de « polluants éternels ». En cas d'exposition sur une longue période, ils peuvent avoir des effets sur la fertilité ou favoriser certains cancers, selon de premières études.
(Avec AFP)