La France est sur le qui-vive. La crise du coronavirus a fragilisé le tissu économique, dont beaucoup d'entreprises stratégiques dans tous les domaines d'activité. Un grand nombre de pépites industrielles et technologiques ont essuyé de grandes difficultés. Certaines ont rencontré des problèmes de trésorerie, d'autres ont vu leur valorisation baisser significativement. Un contexte qui aiguise l'appétit des groupes étrangers - chinois et américains notamment -, qui y voient l'opportunité de faire main basse sur certains fleurons tricolores. Selon Bercy, les services de l'Etat ont constaté, depuis le début de l'épidémie, une « intensification des comportements de prédation ». Sur ce front, le nombre d'« alertes » a été multiplié par deux. Sachant qu'il ne s'agit pas seulement de tentatives de rachat purs et simples : certaines alertes concernent, par exemple, des propositions de partenariats de recherche émanant de groupes étrangers dont Bercy se méfie.
Cet accroissement du nombre d'alertes demeure toutefois inférieur à ce que l'Etat attendait. Deux raisons peuvent l'expliquer. Primo, l'exécutif a tout de suite mis en place des dispositifs visant à contrecarrer d'éventuels rachats de groupes stratégiques. Ce qui a pu avoir un effet dissuasif. Secundo, il est possible que ce type d'offensives arrive plus tard, une fois que les incertitudes économiques, qui pèsent sur tous les acteurs économiques à travers le monde, seront plus ou moins dissipées. Autrement dit, la vigilance reste de mise, pas question de baisser la garde.
Cartographie des actifs stratégiques
L'exécutif estime aujourd'hui disposer d'un arsenal suffisant pour contrer d'éventuels prédateurs. Le premier levier concerne la détection de ces menaces. Ces dernières années, la Direction générale des entreprises (DGE) a « élaboré une cartographie précise de l'ensemble des actifs stratégiques à protéger », expliquait à La Tribune Thomas Courbe, son patron, en janvier dernier. Beaucoup d'entreprises, y comprises de petites PME, sont désormais dans le champs de vision de Bercy. Ce qui permet à ses troupes de réagir beaucoup plus tôt que par le passé. Cette cartographie a, en outre, été étoffée pendant la crise du Covid-19. Certaines entreprises, dans le domaine médical en particulier, ont logiquement rejoint les rangs des actifs stratégiques.
Il y a ensuite la question des moyens d'actions. Peu après le début de la crise du Covid-19, le gouvernement a mis en place un fonds d'aide pour les entreprises stratégiques, doté de 20 milliards d'euros. Cette manne doit notamment permettre à l'Etat de répondre à des tentatives de prise de contrôle, au besoin via des prises de participation majoritaire. Le gouvernement prépare aussi le lancement du fonds French Tech Souveraineté. Doté d'une capacité de 500 millions d'euros, il permettra, si nécessaire, à l'Etat de s'inviter au capital de startups françaises stratégiques en cas de raid.
Préserver la souveraineté économique
Ces mesures s'inscrivent dans une politique plus large, visant à préserver la souveraineté économique du pays. Ces dernières années, nombre de grands groupes (Technip, Alstom Energie ou Alcatel-Lucent) et startups stratégiques sont passés sous pavillon étranger. Or la crise du coronavirus et la guerre technologique et commerciale entre la Chine et les Etats-Unis montrent, plus que jamais, l'importance, pour la France, de garder la maîtrise de certains savoir-faire clés.