Recrutement : les chasseurs de tête se démènent pour débusquer les cadres

Face à un marché du travail marqué par des tensions de recrutement avec des pénuries dans certains secteurs, les cabinets spécialisés utilisent toutes les armes mises à leur disposition pour chasser les candidats au risque de mal ciblées les « proies » et revenir bien souvent bredouilles.
Seuls 13% des cadres ont l'intention de quitter leur entreprise dans les trois mois.
Seuls 13% des cadres ont l'intention de quitter leur entreprise dans les trois mois. (Crédits : Reuters)

En septembre, 84% des entreprises anticipaient des difficultés de recrutement de cadres au quatrième trimestre, ces difficultés n'épargnant aucun territoire. Ainsi, avocats d'affaire, cadres dans la finance, les assurances ou encore l'informatique, des salariés rapportent être « souvent » sollicités, parfois jusqu'à deux ou trois fois par semaine par des chasseurs de tête.

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Selon une récente étude l'Apec « un tiers des cadres » avaient été contactés directement par un cabinet de recrutement au cours des trois derniers mois, en hausse de 5 points par rapport au même trimestre de 2021. « On voit bien là que compte tenu des difficultés de recrutement, les entreprises choisissent de plus en plus une approche proactive, une approche directe pour entrer en contact avec les candidats », a relevé Lætitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l'Apec, en présentant ces résultats. « Sur beaucoup de métiers il y a beaucoup de tensions, on manque de candidats (...) donc on a développé encore plus d'approches de chasse » pour contacter « un maximum de candidats », confirme Isabelle Bastide, présidente de Michael Page, l'un des gros acteurs du marché.

De la « pêche à l'explosif » mais « sur un malentendu, ça peut marcher »

Pour les cadres « moyens », les cabinets préfèrent parler d' « approche » ou de « recrutement », réservant le terme de « chasse » - un travail plus ciblé avec des « scénarios d'approche » - aux cadres exécutifs. Dans les deux cas, « on est dans une activité excessivement soutenue », dit Fabrice Coudray, directeur de l'activité chasse de tête de Robert Half.

Des cadres évoquent des approches souvent « assez hasardeuses » et mal ciblées. A coup de « hello Joséphine », certains messages - LinkedIn est un des terrains de chasse privilégiés - consultés par l'AFP n'hésitent pas à user du tutoiement... « C'est un peu la sensation, « on tente notre chance, sur un malentendu ça peut marcher », image Bérénice Plaine, cadre dans l'agro-alimentaire. David, frontalier de 48 ans qui travaille en Suisse dans la R&D en pharma/chimie, pointe des cabinets qui font « de la pêche à l'explosif », ratissant « très très large ».

Les cadres n'ont que peu l'intention de changer d'entreprises

Ils « tapent systématiquement à côté », constate aussi Wolfgang Theurer, 45 ans dans l'aéronautique, « chassé » alors qu'il ne cherche pas un nouveau poste, évoquant des « discussions un peu lunaires ». Pour certains, le procédé est tout de même efficace. D'abord convaincu qu'il y avait « anguille sous roche », Robin Maujean, 26 ans, dans les services de paie, a par exemple gagné un CDI dans le même secteur mais avec 400 euros net de plus. L'inquiétude sur leur pouvoir d'achat pourrait en effet inciter les cadres à être plus exigeants sur leur rémunération. Ils étaient en octobre 71% à se dire inquiets sur ce point (dont 18% très inquiets), contre 62% en août.  La  « chasse »  peut aussi servir de levier de négociation en interne

Par ailleurs, dans ce contexte qui leur est favorable, 54% des cadres pensent que changer d'entreprise est une opportunité (46% un risque) et en septembre 2022 46% étaient « en veille sur le marché de l'emploi ». Mais seuls 13% avaient l'intention de changer d'entreprise dans les trois mois, un taux globalement stable depuis mars 2021, écartant, selon la responsable de l'Apec, l'idée « d'une frénésie de mobilité ».

Le chasseur de tête est rémunéré à la commission

Lorsqu'il reçoit un « mandat de chasse d'un client », il va y avoir « peut-être 200 contacts pour 20 rencontres et 4 présentées au client », dit-il. La rémunération du chasseur de tête se fait au moment du recrutement, avec parfois un acompte. C'est un pourcentage du salaire annuel du candidat versé par l'employeur. Chez Hays, il est de « 22% en dessous de 53.000 euros, 27% au-dessus », indique Oualid Hathroubi, directeur de Hays Paris. Ce n'est « pas tant que cela », sachant qu'un mauvais recrutement coûte entre 50 et 60.000 euros par an à l'entreprise.

Le marché de l'emploi « très dynamique » et sans « fléchissement », pas de prévisions pour 2023

Le marché de l'emploi des cadres reste « très dynamique », sans « fléchissement » à ce stade, et 2022 pourrait être une année record en matière de recrutements, indiquait début novembre l'Apec. « A ce stade, malgré le contexte que l'on connaît - la guerre en Ukraine, la crise énergétique, l'inflation - nous n'observons pas d'infléchissement », affirme l'agence spécialisée dans l'emploi des cadres. Pour le quatrième trimestre, les intentions d'embauche « rebondissent » dans les grandes structures et les PME et sont stables dans les TPE, selon un baromètre de l'organisme. « Même si on reste prudents, tout nous laisse à penser que le chiffre de 281.000 recrutements de l'année 2019, qui est notre année record pourrait être atteint, voire dépassé » en 2022, a indiqué Laeticia Niaudeau, directeur ajointe de l'Apec. L'association estime ainsi que 2022 pourrait se solder par « 282.000 recrutements » en CDI et CDD d'un an et plus, même si le bilan précis ne sera connu qu'au printemps. Pour 2023, en revanche, l'Apec juge qu'il est trop tôt pour faire des prévisions mais « il est difficilement imaginable que tout le contexte actuel n'ait pas du tout d'impact dans les mois qui viennent, mais quand et à quel niveau ? C'est difficile de le dire ».

(Avec AFP)

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