Réforme des retraites : la pression vient aussi (et surtout) de l'Europe

Le gouvernement prépare les esprits à la réforme de la retraite qu'il souhaite mener rapidement. Gabriel Attal ce lundi 14 novembre sur BFM a ainsi redit l'intention de l'exécutif de s'atteler à ce sujet délicat. L'occasion lui était donnée alors que ce week-end, le Sénat a voté un amendement pour décaler l'âge de départ. L'amendement sénatorial ne tiendra pas. Reste que le gouvernement est pressé, notamment parce que ses voisins européens, qui ont quasiment déjà tous réformés leur système, sont dans l'attente de la réforme française. Explications
Fanny Guinochet
Olaf Scholz, le chancelier allemand demande régulièrement à la France de faire la réforme des retraites
Olaf Scholz, le chancelier allemand demande régulièrement à la France de faire la réforme des retraites (Crédits : Union européenne)

Pour Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics, l'occasion était trop belle pour la laisser passer. Alors que le Sénat a voté ce week-end, un amendement sur les retraites prévoyant de relever l'âge légal de départ, de 62 à 64 ans, le ministre macroniste a redit ce lundi sur BFM la pleine intention du gouvernement de mener la réforme. Gabriel Attal a vu dans le vote sénatorial - dont la majorité est à droite- signe positif : celui d'obtenir une possible majorité sur ce sujet explosif. A Bercy, Bruno Le Maire défend lui aussi cette ligne. Le Ministre de l'Economie plaide depuis longtemps la nécessité de faire une réforme des retraites. Certes, pour le moment, le gouvernement ne gardera pas cet amendement des sénateurs, préférant poursuivre la concertation avec les syndicats. Mais, conformément à la volonté d'Emmanuel Macron, il a toujours en ligne de mire l'adoption d'une réforme rapide : présentation d'un texte début 2023 pour une entrée en application dès l'été prochain.

Lire aussiRégime des retraites : la France est-elle vraiment une exception ?

Une nécessité budgétaire pour l'exécutif mais pas que ...

Pour le grand public, l'argument financier est régulièrement avancé par l'exécutif pour porter l'âge de départ en France dans le privé à 64 ans. Selon une étude du Trésor, le gain de recettes serait de 12 milliards d'euros dès 2027 - soit l'argent qui rentrerait dans les caisses via les cotisations retraites- et l'économie réalisée, - sur les pensions en moins à verser etc-, avoisinerait les 8 milliards d'euros à la même date.

Mais, un autre élément moins audible pour l'opinion entre largement en ligne de compte pour inciter le gouvernement à tenir sa ligne : la pression de nos partenaires européens. « La réforme des retraites, est un énorme marqueur pour eux, ils attendent que la France évolue sur ce sujet », assure un ministre. Et d'ajouter : « L'exception française du départ à 62 ans les agace tellement. Et ce n'est pas nouveau. En Allemagne, déjà, au temps d'Angela Merkel, la chancelière faisait passer le message à Paris dès qu'elle le pouvait : il faut que les Français travaillent plus longtemps ».

Pour rappel, dans les trois quarts des pays de l'Union européenne, l'âge de départ à la retraite atteint ou dépasse 65 ans. Ces dernières années, la plupart des gouvernements européens ont mené des réformes difficiles auprès de leurs concitoyens, non sans se heurter à des oppositions sociales.

De fait, « la France apparaît comme à la traîne, laxiste, flemmarde, oisive », poursuit un autre membre influent du gouvernement. Et de confier : « Surtout que chaque année, en gros, on dit à Bruxelles qu'on va accélérer le mouvement, puis on revient sur notre engagement... parce qu'une année, il y a les gilets jaunes, une autre, c'est le covid, puis l'inflation... ils perdent patience ». Dans le document que Paris a envoyé cet été à Bruxelles, la France a d'ailleurs promis de mener deux réformes importantes : celle de l'assurance chômage, en passe d'être adoptée, et celle des retraites...

La pression de notre premier partenaire économique : l'Allemagne

Ainsi, l'Allemagne est-elle en première ligne pour demander à la France de passer à la vitesse supérieure. Il faut dire, qu'outre-Rhin, les Allemands travaillent plus longtemps que les Français. Ils partent rarement avant 65 ans, l'âge légal de départ, qui sera porté à 67 ans d'ici à 2029.

Au printemps dernier, trois économistes allemands influents - Bernd Raffelhüschen, Stephan Kooths, et Gunther Schnabl, ont même suggéré de porter l'âge de départ à 70 ans, notamment pour "amortir le choc d'inflation", qui en Allemagne dépasse les 10 %.

Et pour cause, en Allemagne aussi, la question du financement est un sujet explosif. Avec une pyramide des âges vieillissante, et une faible natalité, le pays a besoin de récupérer de l'argent. En juin 2021, un rapport indépendant du ministère de l'Economie estimait que le besoin de financement des retraites pourrait représenter 45 % du budget de l'Etat, contre un quart en 2019.

Si le chancelier Olaf Scholz ne prévoit pas de revoir le seuil de 67 ans dans l'immédiat, par crainte de mouvements sociaux alors que la récession se profile en Allemagne, il tolère de moins en moins la position attentiste de la France.

A un moment où le couple franco-allemand est à la peine, où l'Allemagne regarde plutôt du côté des Etats-Unis ou de la Chine, ce sujet des retraites pourrait donc jouer les irritants dans le couple pilier de l'Union. A l'occasion du G20, qui se tient en cette semaine à Bali, le chancelier ne manquera pas de rappeler à Bruno Le Maire ou Emmanuel Macron l'engagement pris par la France sur ce dossier.

Mais les Français toujours remontés contre une réforme

En attendant, dans l'opinion publique française, l'idée de report de l'âge à 64 ans est loin de faire l'unanimité. Dans les sondages, il n'y a guère que les retraités - donc ceux qui ne sont pas concernés par une réforme éventuelle, et qui s'inquiètent surtout du montant de leurs pensions- qui se disent favorables.

Sans surprise, les syndicats continuent de montrer leur hostilité. Dimanche 13 novembre, Philippe Martinez, le leader de la CGT a prévenu : il promet d'importantes mobilisations si le gouvernement décale l'âge de départ. Même pour le patronat, la retraite n'est (plus) pas le premier sujet de préoccupation. Les chefs d'entreprise sont plus allants auprès du gouvernement pour qu'il durcisse les règles de l'assurance chômage - afin de faciliter les recrutements et réduire les tensions en matière de pénurie de main-d'oeuvre, ou encore qu'il les aide à payer les factures d'énergie qui s'envolent et menacent la production-.

Malgré l'insistance de nos partenaires européens, la pilule promet toutefois d'avoir du mal à passer. Dans un contexte d'inflation et de pouvoir d'achat rogné, les ménages risquent de ne pas accepter l'effort supplémentaire qu'il leur serait demandé de travailler plus longtemps.

Fanny Guinochet
Commentaires 38
à écrit le 15/11/2022 à 19:07
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Puisqu'on adopterait les inconvénients des 27 pourquoi pas adopter leurs avantages prendre chez eux 1 vingt-septième des réfugiés que l'Italie et la France reçois sur leur territoire !...

à écrit le 15/11/2022 à 15:19
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Quand on est à court de réflexion, qu'on ne sait même plus pourquoi, ni pour quoi, ni pour qui, intervient l'argument suprême : l'Europe... Je me demandais si virer Macron, Le Maire et toute la clique ce ne serait pas européen ? hum ?

à écrit le 15/11/2022 à 11:37
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Aujourd'hui, 25% des plus pauvres de France n'atteignent pas l'âge de la retraite ou dans des conditions physique déplorables (notamment à cause de leurs emplois physiquement éprouvants). Donc : on augmente l'âge de la retraite et on instaure l'eutha...

le 15/11/2022 à 17:00
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bien dit, vous avez tout à fait raison. Les pauvres travailleurs sont surexploités dans ce pays. Et on utilise l'immigration dans les secteurs de l'agriculture, du bâtiment, de la restauration, de l'aide à domicile.... .pour éviter d'augmenter les sa...

le 15/11/2022 à 17:06
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"on augmente l'âge de la retraite" Pas que : On peut rappeler que les salariés cadres et non cadres du secteur privé voient leurs retraites complémentaires Arrco et Agirc minorées de 10 % pendant 3 ans, depuis le 1er janvier 2019. En effet, si...

à écrit le 15/11/2022 à 9:27
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Mais qu’ils la fassent cette réforme au lieu de tourner autour du pot

à écrit le 15/11/2022 à 9:12
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"Reste que le gouvernement est pressé, notamment parce que ses voisins européens, qui ont quasiment déjà tous réformés leur système, sont dans l'attente de la réforme française. " Non, c'est faux ,les salariés des autres pays aimeraient bien avoir...

à écrit le 15/11/2022 à 8:52
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"Reste que le gouvernement est pressé, notamment parce que ses voisins européens, qui ont quasiment déjà tous réformés leur système, sont dans l'attente de la réforme française. " Non, c'est faux ,les salariés des autres pays aimeraient bien avoir...

à écrit le 15/11/2022 à 5:53
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Mais qu'on s'affranchisse de l'Europe ! Va-t-il falloir bientôt l'autorisation de Bruxelles pour choix entre nouilles ou riz à midi ?

le 15/11/2022 à 8:40
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ce n'est la reforme des retraites en france qui a une influance sur le totale de l'europe mais bien une manipulation de bruxelles pour detruire a moyen terme le procede francais et impose le projet us

à écrit le 14/11/2022 à 22:07
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J'adore : ce n'est pas de ma faute, c'est celle des autres. Quel courage.

à écrit le 14/11/2022 à 19:36
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La réforme a un coût visible mais la non réforme aussi un coût. Ce coût est caché et il agit insidieusement à réduire tous les ans le rapport retraite / dernier salaire. Celui qui croit que ne rien faire résout le problème se met le doigt dans l'oeil...

à écrit le 14/11/2022 à 18:17
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Ah, quand même.. Rappelons encore qu' après avoir exproprié les français de leurs emplois par les délocalisations forcées à l' est pour rendre l' UE ..appétente aux nouveaux entrants, on a légitimé ANNUELLEMENT 100 milliar...

le 14/11/2022 à 19:21
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Il y a 30 ans il était à peine né.

à écrit le 14/11/2022 à 16:52
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Vu la mentalité des français moyens en lisant certains commentaires (sur un site économique) il est urgent de se faire un PER bien garni. On ne pourra plus compter sur le travail et les cotisations des autres pour se garantir une retraite: tout le mo...

à écrit le 14/11/2022 à 16:35
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Notre balance des payments déficitaire est la somme des efforts que nous ne faisons pas et que nous demandons de faire aux autres en les payant avec de la dette que nos enfants devront rembourser. On ne peut pas avoir les 35h, travailler moins en an...

le 15/11/2022 à 3:49
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"la dette que nos enfants devront rembourser". Depuis le temps qu'on nous manipule avec ce truc !. C'est l'inflation qui diminue la dette actuellement. Et si la dette les préoccupait tant que ça, ils n'auraient pas accordé des ristournes sur le carb...

à écrit le 14/11/2022 à 16:22
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Tout est reversible si le peuple le désire, surtout après un passage en force ! Merci ! De ne pas confondre l'Europe avec l'administration de l'UE de Bruxelles ! :-)

le 14/11/2022 à 19:25
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Tout est réversible sauf l'arithmétique mais pour certains l'idéologie leur fait penser le contraire. Descartes doit se retourner dans sa tombe.

le 14/11/2022 à 19:28
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Tout est réversible sauf l'arithmétique mais pour certains l'idéologie leur fait penser le contraire. Descartes doit se retourner dans sa tombe.

à écrit le 14/11/2022 à 15:35
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Que l Europe commence pas se mêler de ce à quoi on l a créé : paix sécurité et solidarité … sinon on en sort !!

le 14/11/2022 à 18:16
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Et on reprend le franc avec une dévaluation tous les 6 mois ?

le 15/11/2022 à 9:05
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@marc469 "Et on reprend le franc avec une dévaluation tous les 6 mois ? " Ça n'a pas déranger les boomers de vivre apparemment.Il est toujours étonnant d'ailleurs de voir des retraités commenter ici et parti à 60 ans voir en pré-retraite ou m...

à écrit le 14/11/2022 à 15:30
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Ne rien a voir avec. C'est que d'une excuse du gouvernement enfin de cacher son impuissance a ne pas dire sa lachete. l'UE ne veut plus de preter d'argent aux pays de fetes, rien plus.

à écrit le 14/11/2022 à 15:23
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Une fois la réforme des retraites entérinée on passera à le loi sur la fin de vie , l'une n'allant pas sans l'autre , le poids des retraites devenant trop lourd pour l'économie et surtout pour les actifs faudra bien réguler le nombre d'inactifs .

à écrit le 14/11/2022 à 15:08
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Les dits même pays européens nous regardent souvent de haut quand on leur propose quelque chose.

à écrit le 14/11/2022 à 15:01
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Pourquoi l'Europe fait pression sur l'avenir de nos retraites et n'oblige pas notre gouvernement à réintégrer les personnels suspendus....alors que nos hôpitaux sont en grande souffrance ... manque de personnel ''a bout de souffle '' la France est le...

à écrit le 14/11/2022 à 14:37
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Faudrait que Macron ait l honnête intellectuelle de supprimer les régimes dex députés et sénateurs qui proposent et votent les lois mais se gardent bien de se les appliquer … il faudrait qu il explique pourquoi les régimes publics ont ce calcul des 6...

le 14/11/2022 à 15:29
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Il n'y aura pas de miracle dans les années et les décennies à venir les retraités seront les grands perdants et je conseille vivement aux actifs dès 50 ans de se constituer des compléments de retraites pour compenser l'écart entre leurs revenus d'ac...

à écrit le 14/11/2022 à 14:21
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Les retraités ont bon dos d’être favorables à cette réforme de la retraite! Eux qui ont profité d’un départ bien plus jeune, entre 55 et 62 ans grâce à Mitterand et aux avantage des régimes spéciaux.

le 14/11/2022 à 14:53
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Raisonnement à courte vue. J'ai travaillé de 21 à 67 ans sans rupture et pourtant je suis contre cette réforme des retraites. Il faut permettre aux gens de partir quand ils veulent. Quitte à partir avec peu, s'ils n'en ont pas besoin de plus. Visible...

le 14/11/2022 à 15:28
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Oui mettons à contribution les retraites à partir de 2000€…. Vu que c est nous les actifs actuels qui payons … je ne vois pas pourquoi je financerai l augmentation de4% des retraites alors que je n’ ai aucune augmentation de salaire …. Et si les retr...

le 14/11/2022 à 15:34
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Vous évoquez Mitterrand mais vous oubliez les lois Fillon de 2003 sur le départ anticipé en retraite très généreuses mais aussi très couteuses pour le budget de l'état

à écrit le 14/11/2022 à 14:21
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Ils doivent mettre fin à toutes les injustices qui plombent le système des retraites : surcôte/décôte, métiers pénibles, carrières courtes, carrières hachées, polypensionnés) . Stop à la spoliation des retraites des polypensionnés (Pétition à signer...

le 14/11/2022 à 15:33
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Oui les poly pensionnés c est la double peine : décote retraite publique c, décote retraite privée. On se demande bien pourquoi ? Et dire que Macro promeut des carrières Privées - publiques .. et qu ils commencent à obliger les entreprises à ga...

le 14/11/2022 à 15:38
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Les décotes n existent pas dans les autres régimes .. typiquement français .. et on oublie de dire que dans certains pays il est interdit ou coûte très cher de licencier des seniors …. Ça s est passé sous silence bref le gouvernement comme Cérès pré...

à écrit le 14/11/2022 à 14:07
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Heureusement, sinon on continuerait à raser gratis en ignorant notre démographie, l'europe pense à long terme...la france pense à son quinquenat.

le 15/11/2022 à 7:32
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"L'europe pense a long terme". Merci pour ce moment de rire.

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