Les températures ne sont pas prêtes de redescendre dans les couloirs du ministère de l'Economie après un été caniculaire. Quelques semaines seulement après l'intense séquence budgétaire du mois de juillet, les comptables de Bercy sont déjà sur le front. À deux jours du premier conseil des ministres de la rentrée, Bruno Le Maire et Gabriel Attal ont regagné les entrailles du paquebot de Bercy.
La rentrée des ministres en charge de l'Economie et des Comptes publics s'annonce particulièrement chargée. Entre l'inflation, le pouvoir d'achat, la crise de l'énergie et la préparation du budget 2023, la liste des chantiers ne cesse de s'allonger. Dans un entretien accordé au quotidien Sud-Ouest ce dimanche 21 août, Bruno Le Maire est revenu sur les principaux défis de la rentrée politique prévue cette semaine pour l'ensemble de l'exécutif.
Un budget 2023 face au défi d'une croissance en berne
Le premier budget du second quinquennat Macron sera particulièrement scruté à l'automne prochain. Les deux dernières années de crise sanitaire et énergétique ont chamboulé les règles budgétaires inscrites dans les traités bruxellois à l'échelle de toute de l'Europe. Au printemps 2020, le président de la République Emmanuel Macron avait annoncé de nombreuses mesures budgétaires « quoi qu'il en coûte » pour faire face à la propagation du virus sur tout le territoire. Alors que les débats sur la refonte des règles budgétaires de Maastricht s'enlisent, Bruno Le Maire a annoncé que « l'augmentation de dépense [publique] ne sera que de 0,6% en moyenne par an en volume, soit le niveau le plus faible depuis 20 ans ».
Il assure que « cette maîtrise passera par des réformes structurelles en vue d'atteindre le plein emploi par une croissance plus élevée mais aussi par des réductions de dépenses ». L'objectif d'une croissance plus élevée paraît difficilement tenable compte tenu de la dégradation conjoncturelle. La plupart des économistes ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance depuis le début de l'année. En outre, le Haut conseil des finances publiques avait taclé à la fin du mois de juillet les prévisions macroéconomiques de l'exécutif présentées dans le budget rectificatif 2022. Le scénario noir d'une coupure de gaz russe en Europe à la veille de l'hiver plongerait le Vieux continent dans un épais brouillard. Enfin, Bruno Le Maire entend bien poursuivre la politique de l'offre du gouvernement mise en œuvre lors du précédent quinquennat en favorisant la baisse de la fiscalité sur les entreprises.
Fiscalité : des recettes en moins à prévoir
Cette baisse de l'activité prévue par la plupart des économistes va mécaniquement entraîner une baisse des recettes fiscales rendant l'équation budgétaire 2023 encore plus complexe. En outre, la suppression de la redevance audiovisuelle, la fin de la taxe d'habitation pour tous les foyers fiscaux à partir de 2023, la baisse de l'impôt sur la société ou la diminution promise des impôts de production vont faire chuter les recettes de l'Etat. Le ministre de l'Economie a expliqué que la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) se ferait en une seule fois dès le projet de loi de finances 2023. Ce qui risque de faire bondir de nombreuses collectivités locales très dépendantes de cette fiscalité locale.
Concernant la fiscalité sur les superprofits des géants de l'énergie, Bruno Le Maire a écarté une fois de plus cette option dans les colonnes du quotidien régional. Il estime que pour « les grands groupes, la vraie question est celle de l'optimisation fiscale. Nous avons engagé le combat pour la taxation minimale, pour éviter cette optimisation et supprimer le dumping fiscal en Europe. Nous nous battons pour que la taxation minimale entre en vigueur en Europe en 2023 ».
Sur ce dossier chaud de la fiscalité minimum, la Hongrie a mis son veto depuis plusieurs mois alors que les réformes fiscales d'une telle ampleur en Europe nécessite l'unanimité des Etats. Le gouvernement de Victor Orban est engagé dans un bras de fer avec la Commission européenne sur les fonds du plan de relance. La Hongrie se bat avec les instances de Bruxelles pour obtenir le déblocage des 7,2 milliards d'euros de subventions européennes pour son plan de relance, bloqué pour cause de lutte insuffisante contre la corruption.
Retraites : une réforme à l'épreuve de la nouvelle Assemblée nationale
L'autre chantier explosif qui attend Bercy est la réforme toujours contestée des retraites. Mis sur pause depuis la pandémie, ce dossier brûlant devrait revenir au centre des débats d'ici quelques semaines. Le ministre de l'Economie a fixé un calendrier plus précis dans l'entretien accordé à Sud Ouest. Il a annoncé que la réforme « doit entrer en vigueur au plus tard à l'été 2023». En revanche, il reste des modalités à préciser sur la mise en œuvre, notamment sur l'âge de départ fixé à 64 ans ou 65 ans.
Sur ce point, Emmanuel Macron a fait volte-face pendant la campagne présidentielle en annonçant d'abord 65 ans puis 64 ans à quelques jours du scrutin pour le second tour face à Marine Le Pen. Enfin, même si le gouvernement semble avoir écarté l'option d'une réforme systémique à points, la nouvelle configuration parlementaire issue des élections législatives de juin dernier pourrait donner du fil à retordre à l'exécutif. Compte tenu du poids politique des membres de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), les débats et le vote de cette réforme risquent d'être particulièrement tendus dans l'hémicycle à l'automne.
Réindustrialisation, l'autre chantier périlleux de la rentrée
Enfin, le dernier grand chantier qui attend les ministres de Bercy concerne la réindustrialisation. La pandémie et la guerre en Ukraine ont jeté une lumière crue sur l'extrême dépendance de l'Hexagone à l'égard de l'étranger en matière de produits sanitaires (masques, médicaments) ou pour certaines industries (semi-conducteurs, batteries, métaux). Après des décennies de désindustrialisation, le délitement du tissu productif est pointé par de nombreux économistes.
Face à cette situation jugée moribonde par de nombreux acteurs, le ministre délégué à l'Industrie, Roland Lescure, et le secrétaire à l'Investissement, Bruno Bonnel, vont devoir s'atteler à la mise en œuvre du plan France 2030 présenté à l'Elysée par Emmanuel Macron à l'automne 2021. Une enveloppe de 34 milliards d'euros doit être allouée à ce chantier titanesque.