
Après une sixième journée intense de mobilisation contre la réforme des retraites, les syndicats se sont montrés prêts à durcir le mouvement. Des transports aux écoles en passant par l'énergie ou les hôpitaux, de nombreux secteurs étaient à l'arrêt ce mardi 7 mars partout sur le territoire. Pendant ce temps, le Sénat continue l'examen du controversé texte de loi en s'attaquant à l'emblématique article 7, celui qui concerne le décalage de l'âge légal de départ de 62 ans à 64 ans. A l'Assemblée, les députés n'avaient pas eu le temps de débattre de cet article décrié lors des 15 premiers jours de débats chaotiques. Cette journée de grève fait figure de test crucial pour le gouvernement qui veut repousser l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans afin d'assurer, selon ses dires, le financement du système par répartition, pilier du modèle de protection sociale français.
Lors de la présentation de la réforme des retraites le 10 janvier dernier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait expliqué aux journalistes que la réforme pourrait rapporter 18 milliards d'euros aux caisses de retraites. Le décalage de l'âge d'ouverture des droits allaient permettre d'engranger des montagnes de cotisations supplémentaires. Deux mois jour pour jour après cette présentation, le piège budgétaire du projet se referme sérieusement sur le gouvernement. Confronté à l'absence de majorité absolue à l'Assemblée et au Sénat, le gouvernement est obligé de faire des concessions à la droite et au centre pour espérer faire passer son texte à la chambre haute dimanche prochain.
« Un léger déficit de 300 ou 400 millions d'euros en 2030 » attendu par le gouvernement
Après avoir promis un retour à l'équilibre budgétaire d'ici 2030, le gouvernement a finalement concédé que le système des retraites pourrait être déficitaire, même en votant la réforme. « Quand bien même nous aurions un léger déficit de 300 ou 400 millions d'euros en 2030, comme c'est le cas dans l'état actuel de la réforme, ce n'est pas comparable avec un déficit de 13,5 milliards d'euros », a déclaré le ministre du Travail Olivier Dussopt dans un récent entretien accordé au Parisien.
L'ancien ministre des Comptes publics sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron n'écarte pas le coût de mesures complémentaires comme celles concernant les carrières longues ou une surcote pour les mères de famille mais assure dans le même temps que « l'équilibre budgétaire est notre boussole ».
Le CDI senior pourrait alourdir la facture, bataille de chiffres entre la droite et le gouvernement au Sénat
Parmi les mesures récentes qui pourraient alourdir la facture figure le CDI senior. Le Sénat dominé par la droite a voté lundi, contre l'avis du gouvernement et malgré l'opposition de la gauche, la création de ce nouveau type de contrat à durée indéterminée de « fin de carrière » pour favoriser le recrutement de salariés âgés d'au moins 60 ans. Pour rappel, la France est en dessous de la moyenne européenne pour l'emploi des 55-64 ans (56% contre 60,5%) Le vote de ce dispositif a engendré une bataille de chiffres entre la droite et les ministres présents au Sénat. « Je crains un effet d'aubaine qui mène notre branche famille dans le rouge », a expliqué le ministre des Comptes publics Gabriel Attal. « 100.000 CDI » sont signés chaque année pour des salariés de plus de 60 ans, a-t-il indiqué.
Si tous étaient signés avec le nouveau contrat, le coût est estimé à « 800 millions d'euros pour la branche famille ». Et pourrait même atteindre jusqu'à « 2,2 milliards d'euros » en cas d'effet d'aubaine. De son côté, le président du groupe Les Républicains au Sénat Bruno Retailleau a « contesté formellement » le coût avancé par le gouvernement.
Les syndicats contestent l'argument financier de la réforme
Sur le front syndical, la plupart des patrons d'organisation interrogés par La Tribune ces dernières semaines ont rejeté l'argument financier de l'exécutif pour justifier son projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale (PLFRSS). « Avec tous les amendements que les députés Renaissance adoptent pour obtenir des majorités au Parlement, le gouvernement va devoir remettre la main à la poche. L'exécutif va réclamer un nouvel effort aux salariés », a par exemple déclaré le secrétaire général de Force Ouvrière Frédéric Souillot.
De son côté, François Hommeril, président du syndicat des cadres (CFE-CGC) avait expliqué que le report de l'âge légal allait entraîner « une hausse des personnes au chômage entre 62 ans et 64 ans. Dès qu'une personne dépasse l'âge de 60 ans, chaque année coûte beaucoup plus à la sécurité sociale car le risque de maladie augmente beaucoup. Sur le plan économique, c'est une réforme catastrophique qui va probablement coûter beaucoup plus cher qu'elle ne rapporte. »
Budget : le double discours du gouvernement dénoncé par un collectif de fonctionnaires
Après les mesures du « quoi qu'il en coûte » mises en oeuvre pendant la pandémie, le gouvernement ne cesse de répéter qu'il veut réduire la dépense publique. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait même annoncé lors de ses voeux en janvier une revue annuelle des dépenses publiques et des assises consacrées à ce thème à Bercy au printemps. « Il faut faire des économies pour tenir notre trajectoire », avait insisté le ministre.
Dans une note intitulée « Le déficit est-il artificiellement gonflé pour justifier la réforme ? » dévoilée fin janvier, le collectif Nos services publics avait dénoncé « des mesures et des annonces contradictoires » sur l'emploi public. En effet, le gouvernement a annoncé des revalorisations et embauches dans certains secteurs en crise (santé, sécurité civile) contraires à ses objectifs. « Cette hypothèse de gel des effectifs semble entrer en contradiction avec plusieurs engagements récents du gouvernement », souligne l'organisation, en matière de recrutement dans la police ou la gendarmerie par exemple. Décidement, cette réforme des retraites risque encore de donner des sueurs froides au gouvernement.
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