Les intentions d'embauche restent très fortes en France : près de 40 % des entreprises prévoient en effet de recruter de nouveaux talents pour le 3eme trimestre, selon le dernier baromètre du géant de l'emploi Manpower. Les secteurs les plus demandeurs sont l'énergie, les services publics, mais aussi les transports, la logistique, l'automobile, l'aéronautique... Autant dire que pour de nombreux cadres et employés, le rapport de forces avec les recruteurs a changé. Les salariés ou demandeurs d'emploi sont en position de force et ils ne manquent pas de faire valoir leur desiderata.
Le salaire, première demande des candidats
Parmi les demandes les plus courantes, se trouve évidemment la rémunération, qui arrive en première position. C'est une requête traditionnelle, a fortiori en période tendue de pouvoir d'achat. Les actifs cherchent à rattraper sur leur fiche de salaire la hausse du coût de la vie qu'ils subissent dans l'alimentation ou l'énergie notamment. Ceux qui sont « chassés » se disent prêts à changer d'entreprise, mais seulement à condition que « ça vaille vraiment le coup ».
De fait, c'est un véritable casse-tête pour les DRH. Car cela signifie qu'ils doivent souvent dépasser l'enveloppe que l'entreprise avait prévue à l'origine pour un recrutement, et donc revoir les comptes. Sans oublier les impacts en termes de cohésion interne. En effet, les anciens salariés, qui ont passé des années dans l'entreprise, voient d'un mauvais œil l'arrivée de nouveaux talents attirés à prix d'or. De quoi susciter des tensions sociales notamment dans les petites structures.
Toutes les grilles de salaire sont sous tension
Mais il n'y a pas que du côté des cadres que le sujet de la rémunération est susceptible de créer des frictions. Avec la hausse continue (et mécanique) du SMIC ces derniers mois - plus de 10 % au total-, les premiers échelons, qui se trouvent juste au-dessus de ce salaire minimum, se retrouvent vite rattrapés.
Et les entreprises n'ont pas toujours les moyens de « réajuster » toutes les rémunérations. Beaucoup essaient de rectifier le tir via la distribution de primes défiscalisées, le temps de passer le pic de l'inflation. Mais, ces différences - entre prime et salaires- laissent souvent de l'amertume au sein des équipes.
Autre point de divergences : le télétravail
« Dans les années 2000, je me souviens que, lors des entretiens d'embauche, les salariés demandaient systématiquement si l'entreprise appliquait bien les 35 Heures. Aujourd'hui, la question qui revient très vite est : "comment se passe le télétravail ? Combien de jours ? " », rapporte, agacé un chef d'entreprise d'une ETI dans l'industrie. Et selon lui, la demande est formulée tant par des jeunes que par des cadres confirmés, - hommes comme femmes-, soucieux de mieux concilier la vie professionnelle et familiale. Le télétravail est devenu, pour eux, une priorité. Et si la société veut attirer ou garder ses talents, elle n'a pas d'autres choix que de se montrer souple en la matière. Traduction concrète : aller bien au-delà de la seule application des chartes télétravail qui prévoient un à deux jours à domicile.
Et ce, alors même que les employeurs sont de plus en plus nombreux à souhaiter revoir plus souvent les salariés dans les usines ou au bureau. Selon Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, « le télétravail peut être une source de tension sociale entre les salariés. » Entre ceux qui peuvent le pratiquer - les cols blancs - et les autres, - les cols bleus- , obligés de venir sur site, car leur mission ne peut être réalisée à distance.
Aux Etats-Unis, plusieurs grandes entreprises, notamment dans la tech - comme Google, Meta, Apple, Amazon... - cherchent, après des années de Covid, à faire revenir leurs équipes dans les bureaux. Elles battent le rappel de leurs collaborateurs. Mais en vain... Des manifestations s'organisent, car ingénieurs, informaticiens, développeurs ne souhaitent pas reprendre la vie d'avant. D'où des initiatives parfois étonnantes pour les convaincre : ainsi, le fabricant de logiciel de Salesforce, s'est engagé à faire un don à des ONG pour chaque jour travaillé en présentiel sur 15 jours par mois de ses collaborateurs...
En France, la tendance n'est pas aussi affirmée. Surtout, que le Ministère de la Transition écologique note que le télétravail est un levier de la sobriété énergétique et de réduction de la facture : la baisse est allée jusqu'à 30% de consommation en moins, cet hiver pour les sociétés qui observaient au moins un jour de télétravail. Ce ratio devrait aussi fonctionner l'été, avec la climatisation. Un argument que ne manqueront pas de faire observer les salariés qui n'ont pas envie de retrouver le chemin du bureau...