Santé au travail : des négociations laborieuses sur la prévention

La santé au travail, revenue sur le devant de la scène avec la crise sanitaire, doit évoluer drastiquement en matière de prévention: les partenaires sociaux ont entamé la dernière ligne droite de négociations en ce sens, très loin d'aboutir au vu de leurs profondes divergences.
En matière de santé au travail, les directives européennes, comme le code du travail qui a évolué avec la jurisprudence, sont clairs: ils obligent les employeurs à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
En matière de santé au travail, les directives européennes, comme le code du travail qui a évolué avec la jurisprudence, sont clairs: ils obligent les employeurs à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs. (Crédits : Reuters)

Après l'examen d'un texte à peine amendé vendredi en vue d'un accord national interprofessionnel(ANI), à l'instar de celui signé la veille sur le télétravail, syndicats et patronat se sont donné deux réunions supplémentaires les 2 et 4 décembre pour tenter d'y parvenir.

Divisions sur la prévention

"Je n'ai pas de mandat pour signer un document qui raccourcirait l'espérance de vie des travailleurs, et on en est encore là, mais nous avons obligation de résultat et on a la volonté de le faire sans compromis", a déclaré à la presse Jérôme Vivenza (CGT), à l'issue de la réunion.

Selon ce négociateur, "il y a un désaccord profond entre syndicats et patronat sur ce que doit être la prévention primaire", l'ensemble des plans d'action concrets destinés à diminuer les risques professionnels, dont les risques psychosociaux (RPS, burn-out, suicides, dépressions...).

La pression est d'autant plus forte qu'en parallèle aux négociations, une proposition de loi sur la santé au travail, portée par la députée LREM Charlotte Lecocq, est attendue avant la fin de l'année. Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a dit qu'il "n'en (voulait) pas", les syndicats assurent vouloir "négocier sereinement" quoi qu'il en soit.

"Les partenaires sociaux ont réaffirmé leur volonté d'aboutir et nous comptons sur la volonté de tous pour trouver le bon équilibre", assure Diane Deperrois, représentant le Medef.

Responsabilité des employeurs

Mais pour la CGT comme pour l'ensemble des syndicats, interrogés par l'AFP, si le texte entend repenser la prévention (plans d'actions, coordination des services de santé au travail, gouvernance, financement), il comprend à ce stade une "ligne rouge absolue": la volonté, de la part du patronat, "d'exonérer les employeurs de leur responsabilité" à l'égard de la santé et de la sécurité de leurs salariés.

"On est très loin de la cible. Il n'est pas acceptable, comme le prévoit le texte, que les employeurs s'exonèrent de leur responsabilité par une simple adhésion aux services de santé au travail", a estimé Mireille Dispot (CFE-CGC). Pour elle, "il est urgent de voir comment aider les entreprises en fonction de leur taille et de leurs besoins au niveau de la traçabilité" des risques et "sortir de l'idée que les RPS, parce qu'ils sont multifactoriels, sont forcément dus aux conditions de vie personnelles des salariés".

"On a très peu avancé", dit Serge Legagnoa (FO), espérant toutefois "un texte amendé largement" d'ici à la fin des négociations. Il dénonce "une culture de la réparation" dans un pays "qui doit changer de logiciel". "Nous ne sommes pas là pour négocier à la baisse le code du travail", prévient-il.

Catherine Pinchaut (CFDT) estime qu'"on continue à patiner avec une divergence de fond. On reste, côté patronat, sur une approche très médicale et juridique du suivi de la santé des salariés, plus que sur une vision collective et anticipatrice du monde du travail, avec un refus d'analyser les organisations du travail malgré nos propositions".

Côté patronat, Eric Chevée (CPME) fait valoir que, "sans déléguer notre responsabilité à quiconque, il est essentiel que les efforts que nous devons mettre en oeuvre en réalisant les plans de prévention soient reconnus par le code du travail". Pour ce responsable, "il faut changer de modèle et cesser de mélanger la santé, qui relève plus d'une problématique individuelle et la prévention, qui a trait à celle de l'entreprise".

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