Se sentant mal-aimés, les agriculteurs se sont rebiffés en 2019 contre l'"agribashing"

Élevages envahis, pesticides mis à l'index: contesté par une partie de la société pour ses pratiques, le monde paysan s'est rebiffé en 2019 contre l'"agribashing", au risque de voir la FNSEA accusée de se victimiser pour éviter le débat.
(Crédits : Reuters)

L'"agribashing", ou dénigrement permanent, "existe parce que certains membres de la société accusent l'agriculture telle qu'elle est d'aller droit dans le mur, mais aussi d'être conservatrice et de ne pas nous projeter dans les défis du changement climatique", explique Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie des entreprises à l'Université de Clermont-Ferrand.

"Mais il n'y a pas une seule catégorie d'agriculteurs et ce ne sont pas tous les agriculteurs qui sont systématiquement exposés à des critiques et des relations conflictuelles avec leurs voisins", ajoute-t-il.

"Il y a un crescendo", souligne pour sa part Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, dans un entretien à l'AFP. Revendiquant des "chiffres précis" fournis par le ministère de l'Intérieur, elle égrène les intrusions dans les élevages des militants antispécistes, souhaitant ainsi dénoncer les conditions de vie des animaux: "8 intrusions en 2017, 16 en 2018 et au 30 août (2019), il y avait déjà 41 intrusions".

Fin novembre, le ministre de l'agriculture Didier Guillaume dénonçait de son côté "71 actes délictueux dans des élevages depuis le début de l'année".

Au point que le gouvernement a décidé la mise en place d'une cellule spécifique, nommée Déméter, à la Direction générale de la gendarmerie, pour identifier et poursuivre les auteurs d'intrusions ou d'agressions chez des agriculteurs.

Poursuivre les auteurs d'intrusions

Concernant les attaques au sujet de l'épandage des produits phytosanitaires, Mme Lambert n'a "pas de chiffres nationaux", mais elle évoque les alertes de ses adhérents sur Twitter: dans l'Ain, un agriculteur blessé à une oreille, dans la Sarthe, un agriculteur de 18 ans menacé sur son tracteur. Charente-Maritime, Haute-Garonne, Hérault, Loire-Atlantique... toutes les régions ou presque semblent concernées.

Des actes, à en croire Mme Lambert, "consécutifs aux peurs brandies par les ONG".

Mais l'attaque qui a mis le feu aux poudres dans les campagnes est venue en mai du maire d'une petite commune bretonne, Langouët, et de son arrêté antipesticides.

Annulé depuis par la justice, cet arrêté a poussé le gouvernement à lancer une concertation sur les zones de non traitement (ZNT), où toute pulvérisation de produit phytosanitaire est interdite. Près de 54.000 Français ont répondu à cette consultation.

Si le résultat de cette dernière n'a pas encore été dévoilé, le gouvernement a tranché sur les distances: il prévoit de les fixer au 1er janvier à 5 et 10 mètres des habitations, selon les types de cultures, confirmant les recommandations de l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses).

Cette décision n'a contenté personne, provoquant la colère des associations environnementales et une nouvelle incompréhension du monde agricole.

La controverse sur les pesticides a provoqué le 24 septembre des "feux de la colère", en périphérie des villes, première étape d'une mobilisation des agriculteurs tout au long de l'automne, dont la dernière manifestation a bloqué le périphérique parisien, le 27 novembre.

Évitement du débat public

"La dénomination 'agribashing' est sortie du syndicalisme et il y a eu une posture de victimisation que je trouve excessive", car les agriculteurs "ne sont pas plus victimes que les profs, les policiers, ou les politiques", estime toutefois Bertrand Hervieu, sociologue de l'Agriculture.

"Qu'il y ait des attaques dures à recevoir, je l'entends", mais "on a un phénomène d'évitement du débat public" qui "ne met pas les agriculteurs en condition de comprendre qu'ils ne sont pas les seules victimes de ce délitement que tout le monde subit".

"C'est une gesticulation pour faire diversion, pour esquiver les sujets de fond", assure pour sa part Brigitte Gothière, cofondatrice de l'association de défense des animaux, L214.

Pour Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération paysanne, lorsqu'elle brandit l'agribashing, la FNSEA a tendance à "refuser d'entendre que le modèle est allé trop loin, dans une certaine intensification, voire une industrialisation du vivant, animal et végétal, qui a coupé les liens avec le reste de la société".

Des accusations que réfute Christiane Lambert.

"On est au travail, mais 100 arbres qui poussent font moins de bruit qu'un arbre qui tombe. Il y a des gens qui ne veulent pas entendre ce qu'on fait", clame-t-elle.

Des agriculteurs tentent de leur côté de faire œuvre de pédagogie comme ce collectif qui a lancé début septembre un numéro d'appel gratuit "Ici la Terre", pour répondre aux questions des urbains au sujet des pratiques agricoles. Il a reçu, selon ses créateurs, "un peu plus de 300 appels" le premier mois.

Commentaires 11
à écrit le 01/01/2020 à 18:10
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Je demande toujours ou passe les 9 milliards donné au agriculteurs chaque année par l'Europe et ce depuis six ans maintenant soit 54 milliards à 400.000 d'après les derniers chiffres.

à écrit le 01/01/2020 à 17:41
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Il faut arrêter de plaindre les paysans. Allez voir sur internet le montant des subventions qu'ils reçoivent tous les ans, je dis bien tous les ans, et comparez avec votre salaire. Assoyez vous avant, vous risqueriez de tomber par terre. Alors si tou...

à écrit le 31/12/2019 à 13:32
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Internet a réveillé les citoyens qui en plein cauchemard se lèvent en hurlant. Les pratiques agroindustrielles ayant été poussées à l'extrême par le lobby obscurantiste agro-industriel on part de très loin ne pouvant que choquer des acteurs form...

à écrit le 30/12/2019 à 13:43
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Se sentant mal-aimés, les agriculteurs se sont rebiffés en 2019 contre l'"agribashing" Les Français ils aiment leurs paysans vertueux, Les Français n'aiment pas les pesticides ... c'est si simple. Les Français détestent pas la FNSEA qui éto...

le 30/12/2019 à 14:46
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Les Français détestent la FNSEA qui étouffe la paysannerie et cache le scandale des agriculteurs dans la misère qui sont amenés aux suicides MASSIFS.

le 31/12/2019 à 14:26
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Le taux de suicide des agriculteurs est le même que la moyenne de tous les français. Cet argument est donc particulièrement choquant.

à écrit le 30/12/2019 à 12:26
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ah ben c'est marrant, mais quand la cgt sncf casse tout en rigolant et en expliquant qu'ils sont mal aimes car ils ne peuvent plus partir a la retraite a 30 ans pour tous, personne ne parle de victimisation........... c'est curieux, tres curieux, me...

le 30/12/2019 à 16:21
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c'est peut être que les français ont plus de mal à s'identifier à ces millionnaires qu'a une infirmière ou un cheminot. En moyenne, entre 2010 et 2015, le patrimoine des ménages d’agriculteurs est passé de 846 000 € à 1 040 000 €, soit 23 de plus % e...

le 30/12/2019 à 18:56
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en reponse a novice , c est vrai qu en general les paysans sont proprietaire de leur ferme, et si le patrimoine a augmenté de 4.6% par an ce qui entre parenthése n est pas si enorme! la raison est que la campagne est envahis par les parisiens qui rac...

le 31/12/2019 à 13:14
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C'est effectivement marrant que le monde agricole, qui vote à droite, soit bourré de subventions, demande des barrières protectionnistes, et interdise aux français d'acheter ce qu'ils veulent dans les supermarchés,(Interdiction de certaines promotion...

le 31/12/2019 à 13:14
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C'est effectivement marrant que le monde agricole, qui vote à droite, soit bourré de subventions, demande des barrières protectionnistes, et interdise aux français d'acheter ce qu'ils veulent dans les supermarchés,(Interdiction de certaines promotion...

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