Selon les écologistes, nous allons vers la catastrophe, pourtant, rien n'est moins sûr

CHRONIQUE DU "CONTRARIAN" OPTIMISTE. Dans « les Ecologistes contre la modernité » (1), l'essayiste Ferghane Azhari s'emploie à déconstruire la critique écologiste de nos sociétés démocratiques et de leur développement économique, en montrant les a priori des arguments « verts ».
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

« Catastrophisme », « collapsologie », « extinction », « décroissance »... Ces termes qui annoncent la fin du monde font partie d'un discours écologiste politique martelé au quotidien, qui voit dans le développement économique, industriel, le progrès en général, le plus court chemin qui va nous précipiter dans l'abîme. Dans "Les Écologistes contre la modernité » (1), l'essayiste Ferghane Azihari, analyste en politiques publiques, prend le contre-pied de ce pessimisme, en montrant qu'au regard des faits, cette vision du monde devenue une véritable religion matinée de paganisme est non seulement fausse mais dangereuse.

Au-delà de la démonstration des progrès matériels que l'auteur mène en se basant sur des faits et des données qui montrent l'amélioration des conditions de vie des êtres humains dont profitent ceux-là mêmes qui les dénoncent, l'intérêt de l'ouvrage est aussi de chercher les raisons d'une telle vision pessimiste, voire nihiliste.

Critique du capitalisme

La première est d'être une critique du capitalisme. Avec l'essoufflement du mouvement ouvrier qui s'était développé concomitamment à la révolution industrielle, le rejet des expériences réelles du communisme en Union soviétique ou encore dans la Chine maoiste, la perte d'influence du marxisme comme grille d'analyse de nos sociétés, il était nécessaire sde trouver une idéologie de substitution pour critiquer le mode de production capitaliste, et sa vision bourgeoise. L'écologie politique s'est donc substituée au marxisme du siècle dernier comme critique dominante des sociétés modernes. Or comme le remarque l'auteur : « Opposer l'embourgeoisement du monde à la qualité de l'environnement n'a pourtant aucun intérêt. L'idée qu'il suffirait de s'affranchir du matérialisme pour assainir notre planète ne correspond à aucune réalité historique ou géographique. Les pays les plus propres et les plus résilients face aux aléas naturels sont les plus riches : ceux qui ont les moyens de se doter des technologies les plus avancées. Le changement climatique ne change pas le fait que le progrès économique et technologique reste le moyen le plus juste et le plus sûr de lutter contre les nouveaux risques, sans renoncer à améliorer le sort des pauvres. Une société d'abondance pour tous est donc possible et souhaitable. »

Vision malthusienne

La deuxième raison est la persistance de la vision malthusienne. Celle-ci voit dans la croissance de la population et la limite de la consommation - le fameux « monde fini »- une contradiction qui nous mène à la catastrophe. Pourtant, c'est le contraire que nous avons vu. Il y avait 1,7 milliard d'êtres humains en 1900, nous étions 7,8 milliards en 2020. Durant ces 120 ans de développement économique, les taux de pauvreté et de famine n'ont cessé de baisser tendanciellement, grâce notamment aux progrès technologiques - hausse des rendements agricoles, mécanisation de l'agriculture, meilleure distribution des produits... - Paradoxalement, cette réussite est aujourd'hui exhibée comme un échec.

Déjà, le malthusien rapport Meadows élaboré par le Club de Rome prédisait les pires catastrophes, comme la fin du pétrole en 2000 ou la pollution des mégapoles! Malgré le démenti infligé par la réalité, ce rapport reste encore une référence fondamentale de l'écologisme aujourd'hui. Or, constate Ferghane Azihari : « Une large population permet, par le biais des économies d'échelle, de lourds investissements dans des technologies développées. C'est pourquoi les villes sont mieux dotées que les campagnes en infrastructures essentielles. »

Faire plus avec moins

Outre le progrès technologique, le marché libre permet également de réguler - c'est-à-dire freiner ou augmenter la demande - par les prix l'adaptation aux besoins. « Toutes choses égales par ailleurs, la raréfaction d'un bien augmente son prix. Cette augmentation invite les producteurs appâtés par le profit à trouver des méthodes plus sophistiquées pour produire ce bien. Parallèlement, sa cherté régule sa consommation. Elle incite à sa conservation. Elle invite le consommateur à la modération. Ces attitudes ont pour effet de réserver la ressource aux usages les plus productifs », explique l'auteur.

Dans ce cas aussi, ce principe qu'appliquent quotidiennement tous les consommateurs que nous sommes semble ne plus exister tant il est ancré en nous. En effet, contrairement à une idée reçue, la concurrence incite à trouver des alternatives - d'où le fait que le cerveau humain et la coopération pour trouver des solutions sont bien le moteur de la civilisation -, à faire plus avec moins, ce qui économise les ressources, ou à chercher d'autres solutions de substitution, comme l'illustre par exemple le développement du recyclage ou le succès des échanges de produits d'occasion entre particuliers sur certaines plateformes numériques.

A la recherche de l'authentique

Le troisième point est l'opposition classique entre naturel et artificiel, avec ce désir de rechercher ce qui est authentique. Elle concerne une écologie plus ancrée à droite, ou inspirée par une forme de romantisme à l'égard d'un passé idéalisé ou du respect d'une tradition figée, que résume le sempiternel : « c'était mieux avant ». « L'écologie réactionnaire est le pendant droitier de la tentation de préempter la nature pour recycler un agenda politique sans rapport avec l'environnement. Là où la gauche voit dans l'écologie un prétexte pour ressusciter l'anticapitalisme, le réactionnaires voient dans le mythe de la nature vierge l'opportunité d'étendre le rejet de la modernité aux questions sociales. Il s'agit de verdir l'éternelle haine du pluralisme des mœurs et du cosmopolitisme qui constitue la modernité », souligne l'auteur. Il y a une nostalgie millénaire d'un passé vécu comme un paradis - une persistance d'un Eden dont Adam et Eve ont été chassés pour avoir goûté au fruit défendu - qui n'a jamais existé.

L'ouvrage de Ferghane Azihari est une invitation à ne pas laisser le discours sur l'environnement et sur l'écologie à des mouvements dont le point commun est un rejet de la modernité telle qu'elle est, avec ses imperfections inhérentes aux expériences menées pour résoudre les problèmes, comme on l'a vu par exemple dans le traitement de la pandémie du Covid-19. Par ailleurs, l'auteur pointe aussi le risque de propositions qui, au nom de l'urgence face à la catastrophe, seraient imposées par des pouvoirs autoritaires si besoin, au mépris de tous les progrès démocratiques - toujours à défendre - réalisés même imparfaitement depuis l'époque des Lumières.

 Eloge de Prométhée

Loin donc de voir à l'horizon un avenir sombre, l'ouvrage de Ferghane Azihari réfute nombre de sophismes sur l'écologie qui à force d'être martelés sont devenus des dogmes sur la scène médiatique. Au contraire, en examinant ce qui se passe réellement, il montre que l'action menée en connaissance de cause avec ses essais et erreurs vaut toujours mieux que le prophétisme : « Prométhée nous a donné le feu sacré de l'Olympe. A nous d'en faire bon usage en ignorant ceux qui ne rêvent que d'humilier les hommes », conclut-il, en nous encourageant à nous occuper réellement de ce monde-ci, et à délaisser les promesses d'un autre monde d'autant plus parfait qu'il est idéalisé.

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Ferghane Azihari, 
« Les Écologistes contre la modernité. Le procès de Prométhée », éditions Les Presses de la Cité, 240 pages, 18 euros.

Ferghane Azihari

Robert Jules
Commentaires 16
à écrit le 11/10/2021 à 12:47
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Il est étrange que les écologistes ne parlent jamais d'une baisse de nombre de consommateurs pollueurs sur cette planète, la décroissance ne veut elle pas dire : baisse du nombre de la population ?

le 11/11/2022 à 6:46
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Pour moi les écologistes voir les catastrophes partout ils dramatisent trop arrête de mettre la faute à toute la population augmente , de plus en plus feu des forêts dans le monde, les volcans de plus en plus , les immatriculations des voitures au...

à écrit le 10/10/2021 à 17:03
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Est il vrai que prévenir les pompiers avant l'incendie est source de suspections et juridiquement responsable?

à écrit le 09/10/2021 à 11:11
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bien gentil les ecolos bobos mais les eolienes sa fonctionne quand il y ea du vent et s'est bruyant si on en mettait deux ou trois autour de chez barbara? COMMENT SR DEPLACE T ELLE EN VELO A VOILE?

le 11/10/2021 à 14:22
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Avec tous le vent que font les écologiste, ça finit par faire tourner leurs moulins à vent

à écrit le 09/10/2021 à 8:49
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Les lois de l'entropie sont une réalité incontournable que Monsieur Azihari semblent méconnaître. L'humanité s'évertue aujourd'hui à en retarder les conséquences à court terme, mais pour l'heure elle ne fait qu'accélérer son avènement. Prédire l'aven...

à écrit le 09/10/2021 à 8:27
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Ici il s'agit de science. L’article fait d'une réalité scientifique incontestable, un sujet de débat politique. La tribune dans sa longue descente aux enfers à presque touché le fond.

le 09/10/2021 à 9:45
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La tribune touché carrément le fond en relayant les propos de quelqu'un qui n'a sans doute jamais lu ou compris les rapport du GIEC notamment...

à écrit le 08/10/2021 à 20:44
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L'écologie ? Un détail qui sera emporté avec tout le reste dans le prochain conflit mondial qui finira inévitablement au nucléaire et son hiver.

à écrit le 08/10/2021 à 17:46
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Mais pourquoi associent-ils la décroissance à la fin du monde, au malheur, à la tristesse ? Je vois pas le rapport. Si on vivait plus simplement, on ne serait pas forcément malheureux ? la croissance fait la richesse d'une minorité, ça c'est sûr, m...

le 08/10/2021 à 23:02
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Se questionner sur le bonheur de tous ! C'est là que commence le problème. L'histoire nous rappelle bien ce qu'il est advenu quand on a voulu faire le bonheur de tous. Pour prendre le pouvoir les écologiste pratique l'escrologie. Ce sera qui le proch...

le 11/10/2021 à 13:52
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@nuage. Ah ah ah. Ça me fait rire les adeptes de la décroissance. Qui veut vraiment vivre dans un système en décroissance ? réponse : personne. La décroissance, cela veut dire que nos salaires devraient diminuer chaque année. Qui va accepter ca ?

à écrit le 08/10/2021 à 17:42
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Quand les écolos sont aux affaires j'ai le sentiment qu'ils ne parlent pas d'écologie........... Suis peut être trop vieux mais leur politique m'effraie pour l'avenir de mes petits enfants

à écrit le 08/10/2021 à 16:17
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Bref! Avec des "rien n'est moins sûr", on va vers une catastrophe imminente!

à écrit le 08/10/2021 à 15:47
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Attaché à l'anticonfomisme, pourquoi pas mais l'exercice s'avère sérieusement compliqué si ce n'est aller chercher des idées qui n'ont jamais été creusées parce que sinon le bilan est là et particulièrement sévère, tout le monde a internet, et unique...

le 11/10/2021 à 13:56
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Vous avez entièrement raison. Jancovici énonce le problème sur les bonnes bases et son discours est vraiment intéressant. La covid a provoqué une décroissance de -5%. Donc il faudrait une nouvelle pandémie s'ajoutant à la précédente chaque année. Ça ...

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