Tester, alerter, protéger : pourquoi la police épidémique est en échec

SORTIR DU COVID-19 (1/3). Tester plus vite, avec des résultats plus fiables, de manière plus régulière, seulement aux frontières ou toute la population à la fois ? La stratégie des tests est un exercice complexe qui n'a pas encore permis de briser les chaînes de contamination. Pourquoi cet échec ?
Pour des experts de plus en plus nombreux, le test de toute une population semble une bien meilleure solution en identifiant enfin tous les cas contaminés du pays.
Pour des experts de plus en plus nombreux, le test de toute une population semble une bien meilleure solution en identifiant enfin tous les cas contaminés du pays. (Crédits : Reuters)

Alors que nous pourrions échapper à un troisième confinement, l'épidémie est loin d'être sous contrôle dans notre pays. Sans parquer tous les Français, seule la stratégie Tester-Tracer-Isoler pourrait casser les chaînes de contamination. Comme le dit la campagne publicitaire du gouvernement, "Tester, alerter, protéger, le bon choix, c'est de faire les trois !" Pour mieux maîtriser la circulation du virus SRAS-CoV-2, la "police épidémique", doit identifier les personnes contaminées, transformées malgré elles en véritables bombes biologiques pendant sept à dix jours. Mais aussi retrouver toutes celles que le virus a piratées à leur contact et isoler tous ces "complices" de la progression du CoV-2 malgré eux. En trois épisodes, La Tribune analyse les failles et les stratégies à mettre en œuvre pour que le triptyque Tester-Tracer-Isoler devienne vraiment efficace. Et nous évite les incessants allers et retours qui ruinent, non seulement notre économie, mais la santé mentale des Français.

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Épisode 1. Comment tester massivement de façon efficace ?

Dans toute grande enquête épidémiologique, il est essentiel de repérer avant tout les passeurs, les victimes du virus mais aussi complices de sa colonisation humaine. Dans la pandémie actuelle, on doit donc tester, tester et encore tester, comme l'avait répété dés le début l'OMS, pour repérer ceux qui ont été « piratés » par le CoV-2 et transformés pendant dix jours en arme biologique trop souvent létale. Mais pour que cet exercice soit vraiment efficace, il faut tester très régulièrement ou tester tout le monde en même temps.

Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui en France ? En fait, l'Hexagone fait partie des bons enquêteurs avec un taux de 3,9 tests pour 100.000 habitants (2,5 en Allemagne par exemple). Pour autant, trouver les contaminés et sonder leurs contacts n'a pas permis de réduire sérieusement la circulation du virus.

Le testing français n'a pas encore fait ses preuves, en dépit d'un coût de 250 millions d'euros par mois pour la Sécurité sociale. De nombreux défauts lui ont été reprochés : files d'attente pour se faire tester, délais trop longs pour recevoir les résultats PCR, mauvaise réputation de fiabilité pour les tests antigéniques, sans parler des tests salivaires, peu appréciés des professionnels qui en perdent leur exclusivité à tester. Et sans oublier que, comme les tests sont gratuits (contrairement à la plupart des autres pays), beaucoup de Français se font tester à de multiples reprises, à commencer par les angoissés et les hypocondriaques...

Aujourd'hui, avec un meilleur déploiement des antigéniques qui dépistent 8 % des cas, se faire tester est devenu bien plus rapide. Si certains médecins dénoncent des "faux négatifs", c'est-à-dire des personnes infectées sur lesquelles le test antigénique n'a pas repéré le virus, on attend encore des études sérieuses sur le sujet. La récente autorisation des tests salivaires, bien plus simples à effectuer que l'écouvillon dans le nez, devrait aussi améliorer le réflexe de dépistage.

Annoncé dans les écoles, collèges et lycées, il permettra de tester toute un établissement facilement en envoyant les prélèvements baveux au labo. Très attendue, la version "auto-test" que l'on pourrait faire et vérifier à la maison avant un déplacement ou une réunion de famille est encore en cours de développement. Pour l'instant, elle est très critiquée par ses concurrents "labo" et n'a pas été autorisée.

Bien sûr, les partisans du test PCR en labo continuent de dénoncer ces nouveaux tests, moins fiables que les leurs qui amplifient beaucoup l'ADN des prélèvements pour être sûrs de ne pas passer à côté d'un tout petit virus encore là. Car, c'est vrai, les tests antigéniques et salivaires peuvent rater la présence du pirate viral selon le délai entre le moment du test et celui où le patient a été infecté. Car le virus quitte le nez et la bouche qu'il occupe beaucoup jusqu'au sixième jour pour descendre un peu plus bas dans les poumons et/ou le système digestif. Mais leurs performances se sont suffisamment améliorées pour qu'ils soient autorisés. Et comme on n'a pas encore bien compris tout ce qui dope la contagion (mis à part qu'elle est la plus forte au cinquième jour), les contaminés ne sont peut-être plus aussi dangereux quand la majorité des CoV2 ont quitté la bouche et le nez.


Autre grande question du dépistage, la stratégie française de tester en priorité les symptomatiques et leurs contacts est loin de faire l'unanimité. Ainsi, malgré différentes techniques, on n'a trouvé que 2,7 millions de résultats positifs depuis le début, c'est-à-dire de patients contaminés. Alors même que l'Institut Pasteur estime de 10% à 12 % la proportion des Français déjà infectés, soit plus de 7 millions... Dit autrement : plus de deux personnes infestées sur trois ont échappé au dépistage. Sans compter les risques de re-contamination qui ne donneraient pas lieu à une vraie maladie, mais n'empêcheraient pas d'être de nouveau contagieux pendant deux ou trois jours, le temps de terrasser le virus avec ses propres anticorps.

Tests massifs contre tests ciblés

Voilà pour l'état des lieux. Alors, que faudrait-il faire pour obtenir de meilleurs résultats ?

Pour des experts de plus en plus nombreux, le test de toute une population semble une bien meilleure solution en identifiant enfin tous les cas contaminés du pays. Ce qui permettrait de les isoler pour de vrai, afin de stopper la propagation qui touche en ce moment au moins 23.000 Français par jour en moyenne et selon les dépistages. Les premiers pas occidentaux de ces enquêtes de masse ont été pour le moins... hésitants.

Ainsi, comme au Havre, on a tenté de tester tous les habitants de la ville, mais sur la base du volontariat, sans aucune obligation. Du coup, malgré un budget de 800.000 euros, seuls 11% des habitants se sont présentés aux centres de tests. Résultat : un coup d'épée dans l'eau car l'opération, pour louable qu'elle soit, a laissé encore de nombreux contaminés/contaminants dans la ville.


Dépistage de masse des "bombes biologiques"

Selon une étude citée par l'épidémiologiste de Gustave Roussy, Catherine Hill, 50% des personnes infectées seraient asymptomatiques. Depuis l'automne dernier, elle milite pour l'organisation d'un dépistage massif comme ceux réalisés en Corée du Sud ou à Taïwan. Elle dénonce la stratégie française :

« Le dépistage est centré sur les personnes symptomatiques et leurs contacts alors que près de 60% des contaminations sont issues de personnes ne présentant pas de symptômes. De plus, elles sont testées en moyenne deux jours après l'apparition des symptômes qui arrivent en moyenne au  cinquième jour après contamination. Enfin, les résultats mettent ensuite un jour à arriver. On identifie donc très tardivement leur état contagieux, alors qu'elles le sont depuis 8 ou 9 jours ; leur période de contagiosité qui dure en général de 10 à 12 jours est presque terminée. Cette stratégie centrée sur les personnes symptomatiques est une stratégie de médecine clinique qui ne s'intéresse qu'aux patients. Pour contrôler l'épidémie, soigner les malades ne suffit absolument pas, il faut trouver les porteurs asymptomatiques pour les isoler. Les pays comme la Corée du Sud, l'Australie ou la Nouvelle Zélande qui ont testé massivement autour des cas et organisé un vrai isolement ont maîtrisé la propagation du virus. »

Bien sûr, tester l'ensemble d'une population nécessite de l'autorité, une excellente organisation et de gros moyens. La Slovaquie s'y est essayée en novembre dernier, avec un dépistage de 80% à 90% de sa population pour un budget de 100 millions d'euros. Seul les testés négatifs recevaient un laisser-passer et les autres s'exposaient à de lourdes amendes en cas de non respect de l'isolement. Le dispositif a fait rapidement chuter le taux de contamination, mais celui-ci est remonté en flèche au bout d'un mois. Comme on le sait, le virus ne s'embarrasse pas des frontières et à moins de cloîtrer le pays...


Stratégie "zéro-Covid" : pas si simple

L'économiste Nathalie Coutinet a retenu l'idée du test massif. « Il serait compliqué à organiser et très coûteux, mais sans doute moins qu'un nouveau confinement total et même partiel », estime l'enseignante chercheur à la Sorbonne Paris Nord.

Un véritable test massif imposerait de créer une brigade de testeurs non contaminées et vaccinées, de confiner les Français le temps de réaliser tous les tests et d'obtenir tous les résultats. Ensuite, les non contaminés pourraient ressortir sans crainte tandis que les patients infectés resteraient isolés le temps qu'ils ne soient plus contaminants (lire notre troisième épisode : "Comment isoler sans emprisonner").

Une telle opération pourrait enrayer le cycle de propagation du virus "pour de vrai", mais ne s'arrêterait pas là. Car ensuite, le dépistage systématique devrait se poursuivre aux frontières du pays, afin de ne pas ré-importer ce qu'on aurait mis tant d'effort à éradiquer.

Sur ce principe, la surveillance des frontières et le dépistage systématique de la Nouvelle-Zélande, dès le début de la pandémie, a permis à l'île de ne pas laisser le CoV-2 se propager sur place. Les cas positifs sont mis en isolement le temps de ne plus être contagieux et le pays a connu très peu de contaminations.

Avec une large expérience des épidémies et un douloureux souvenir du CoV1 en 2003, Hong Kong et Taïwan ont aussi pratiqué une gestion autoritaire, mais efficace, du zéro Covid. Comme les récents "confinements surprise" d'immeubles ou de pâtés de maison à Hong Kong où tous les habitants doivent se faire dépister sous la menace d'une amende de 500 euros.

Analyses groupées ou "hypercube"

Pour réduire le nombre et le temps d'analyse afin de ne pas bloquer tout le monde trop longtemps, Catherine Hill plaide pour des analyses groupées. Elles permettent d'étudier 100 prélèvements en les regroupant par 20, ce qui donne cinq tubes à analyser. Si la prévalence de l'infection dans la population est de 1%, seul un de ces tubes devrait se révéler positif, il suffira alors de ne tester que les 20 personnes de ce groupe sur ce que l'on a gardé de leur prélèvement initial avant groupement, pour identifier le patient contaminé en 25 analyses au lieu de 100.

« Il existe aussi un algorithme dit "hypercube" qui permet d'optimiser le processus en fonction de la prévalence de l'infection dans la population, ajoute-t-elle. Mais quand on a évoqué ces techniques, Olivier Véran a dit que ce n'était pas opérant car la prévalence des cas positifs était trop élevée en France. Mais il confondait la proportion de cas positifs dans la population actuellement testée, avec la proportion de positifs dans la population générale. Pour mesurer vraiment cette prévalence de l'infection, il faudrait tester un échantillon représentatif de la population. Ceci a été fait à huit reprises en Angleterre où l'institut de sondages Ipsos, mandaté par l'Imperial College, a défini des échantillons de 150.000 personnes représentatives de la population anglaise. Ces personnes se sont testées à la maison dans le nez, sans aller trop profond, et les prélèvements ont été analysés par PCR. »

Échantillonnage, dépistage massif ou bien systématique tous les deux ou trois jours, isolement obligatoire et surveillance sérieuse aux frontières, le testing a besoin de grands moyens et de surveillance efficace pour stopper la propagation des pirates microbiens. Nos démocraties occidentales sans expérience des vrais risques épidémiques et obsédée par la libre circulation et les échanges sont-elles vraiment capables de relever ce défi ?

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La "bulle d'immunité" nécessite des tests sans faille

Face à la menace virale, certains rêvent d'un espace totalement préservé du virus, dans lequel le port du masque et les gestes barrière ne seraient plus indispensables. C'est le cas de Peter Diamondis créateur de la Fondation XPrize qui distingue des innovations dans des domaines de l'énergie, de l'intelligence artificielle et de la santé. Fin janvier, l'entrepreneur américain a conçu un dispositif sanitaire spécifique pour sa conférence annuelle. Si la majorité des grands patrons, startuppers et experts, y ont assisté par visioconférence, l'évènement a réuni une cinquantaine des participants en Californie, au siège de la société de Diamondis. Le protocole : présenter un test PCR négatif de moins de 72 heures, se soumettre à un test salivaire en arrivant et, ensuite, à d'autres tests réguliers tout au long des quatre jours de l'évènement. Sur place, les participants ne portaient pas de masque et aucune distance de sécurité n'était imposée. Mais ce rêve immunitaire s'est révélé illusoire. Dix jours après la fin de la rencontre, 23 personnes, dont Diamondis lui-même, sont contaminées. Seuls les techniciens filmant les échanges et munis de masques ont tous été épargnés. Et les auto-tests développés et utilisés par Diamondis ont révélé des faux négatifs alors qu'il était contaminé.

Verdict : le délai de 72 heures après le test PCR n'empêche pas la contamination, et les tests réalisés ensuite doivent se montrer très sensibles et très bien utilisés pour garantir l'immunité. Dernière initiative en forme de bulle, le concert du groupe de rock psychédélique américain, Flaming Lips devant des spectateurs isolés dans des bulles individuelles en plastique transparent. Des sortes de ballons gonflables leur permettant de danser ensemble sans échanger leurs microbes... F.P.

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SOMMAIRE DE NOTRE SÉRIE "SORTIR DU COVID"

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+Notre dossier:  La course aux vaccins

Commentaires 14
à écrit le 16/02/2021 à 17:33
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bonjour encore et toujours du bla bla bla a ce jour dans des epad des personnes de90ans et plus ne sont pas encore vacciner penser quand seront vacciner les autres par contre pour le cinema bravo veran bachelot etc pauvre france et dire qu ils ont l...

à écrit le 16/02/2021 à 10:36
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Police épidémique, rendez vous ,vous êtes cernés

à écrit le 16/02/2021 à 10:32
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Franchement "police épidémique" c'est comme police académy, ouais parfois je me dis que le niveau de ces gens est tel que c'est stupéfiant ! Et pourtant, les seuls actes du "roi te touche, dieu te guéri " c'est finalement d'avoir utiliser la polic...

à écrit le 16/02/2021 à 9:21
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La France utilise des tests PCR à forte sensibilité qui détectent des CAS et pas des MALADES que la sécu paie en se ruinant. C' est un outil utile à Macron pour verrouiller le pays dans la perspective du Great Reset de Schwab ...

à écrit le 16/02/2021 à 7:37
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Véran est atteint d'une maladie symptomatique : le syndrome de la melonite aigue ! La médecine perd un "serviteur" (......peu utilisé ! ) mais la politique y gagnera un adepte a coup sur :pas avéréb que le pays soit gagnant dans l'affaire...

à écrit le 15/02/2021 à 20:41
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Pourquoi l échec des services publics ?Parce que ceux qui en on la charge de foutent du monde et de intérêt général .Il ne sont pas dénoncé par aucun journaliste ni condamné par la justice . nous sommes le pays des règlements abcons l arrogance ne re...

le 16/02/2021 à 7:39
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Vous avez entièrement raison mais ils se suucèdent année après année sans jamais changer grand chose !

à écrit le 15/02/2021 à 18:24
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Il y a trop de porteurs, et trop de porteurs sains, donc cette stratégie était vouée à l'échec dès le premier jour: cela ne peut marcher qu'avec un nombre extrêmement réduit de porteurs. Une évidence qui visiblement dépasse beaucoup de nos "experts"....

à écrit le 15/02/2021 à 18:21
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La police épidémique existe déjà, tant bien que mal : c'est l'appli Tousaveclecovid (ou qq chose comme ça). Dans quelques très proches années, les flics auront appris à traquer les déviants, c'est-à-dire tous ceux qui n'obéissent pas aux ordres du...

le 15/02/2021 à 21:50
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N'oublions pas qu'il voulait aussi créer une milice avec Benalla dès le début de son mandat

à écrit le 15/02/2021 à 17:19
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La police épidémique comme la police tout court ne marche que si une grande majorité de personne éduquée et responsable promeut une vision moralisatrice et citoyenne du vivre ensemble à l'ensemble de la société. Cela peut être par la contrainte, (Chi...

le 16/02/2021 à 8:26
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Rappellons que ce virus est quasi inoffensif et ne tue que des vieillards deja malade comme Giscard. En 1969 et dans les annees 50 on a pas confiné ni mit toute l activité economique sur pause pour un virus de la grippe ! A partir de la, on est e...

à écrit le 15/02/2021 à 16:38
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Pour sortir : Prendre un vaccin( celui qui a fait ses preuves ) et vacciner ceux sui veulent et arrêter de piétiner la liberté des humains sur terre. Ça be sert à rien de tourner autour du pot pour créer une bulle méga géante de nouveaux riches du ...

à écrit le 15/02/2021 à 16:24
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Surtout que le virus variant ou non prend l'avion et qu'ils ne veulent pas interdire l'avion. ALors qu'ils auraient du confiner les personnes à risques ils ont décidé d'arrêter l'économie, bref au lieu de soigner le patient ils l'ont exécuté, l'éc...

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