
La guerre des prix est d'abord une guerre des chiffres. Les produits inclus dans le « trimestre anti-inflation » de trois des cinq enseignes participant à ce dispositif lancé en mars par le gouvernement ont « légèrement augmenté » entre le 23 mars et le 10 mai, d'après les chiffres publiés ce lundi par l'association de consommateurs UFC-Que Choisir.
Les estimations d'UFC-Que Choisir répondent à celles dévoilées le 10 mai par la ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire. Elle assurait alors que, « en moyenne depuis sept semaines, les prix des produits du trimestre anti-inflation ont baissé de 13% dans le panier, s'il est composé à 100% de produits issus du trimestre anti-inflation », chiffres à l'appui de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
UFC-Que Choisir dénonce les mensonges du gouvernement...
« Malheureusement, cette déclaration est fausse », rétorque l'UFC-Que Choisir sur son site internet. L'association dit avoir « passé en revue les évolutions de prix d'un large échantillon de produits des paniers anti-inflation (entre 50 et 150 références selon l'enseigne), entre le 23 mars et le 10 mai, pour les cinq enseignes ».
« En moyenne, les prix ont légèrement augmenté chez Intermarché (hausse moyenne de 1,5%), Casino (hausse de 1,4%) et Système U (hausse de 1%), et ils sont restés stables chez Carrefour. La seule enseigne qui enregistre un recul ténu est Auchan (baisse de 0,3%), mais c'est elle qui avait auparavant accusé la plus forte hausse. On est loin d'une baisse des prix de 13% », prétend l'UFC dans sa publication.
... et s'attire les foudres de Bruno Le Maire
En réponse, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, interrogé sur RMC et BFMTV ce lundi matin, l'a qualifié de « méthodologie malhonnête ».
« Cette opération a commencé le 15 mars, il faut donc comparer les prix avant le 15 mars et les prix après le 15 mars » alors que l'UFC-Que Choisir « compare à partir du 23 mars », soit « après le début de l'opération », a-t-il dénoncé.
Pour tenter de contenir l'inflation des prix alimentaires, le gouvernement a incité plusieurs enseignes - à l'exception notable de Leclerc - à lancer un « trimestre anti-inflation », qui s'engagent à vendre un panier de produits au « prix le plus bas possible ».
De nouvelles négociations ?
« Je n'aime pas qu'on trompe le consommateur. Les prix de ces produits ont effectivement baissé de 13% en moyenne. Le trimestre anti-inflation a été un vrai succès, les distributeurs ont pris sur leurs marges très largement pour financer ce trimestre anti-inflation. C'est pour cela que l'on souhaite une prolongation au-delà du 15 juin », a conclu le ministre.
Dans un communiqué, Intermarché a réagi en indiquant que sur sa sélection de 500 produits anti-inflation, « 75% ont vu leur prix baisser de 8% environ », mais que « pour le dernier quart, les prix sont soit étales soit en légère hausse ».
Ces déclarations interviennent alors que, avec le soutien de la grande distribution reçue à Bercy, le gouvernement a redemandé jeudi dernier aux industriels de l'agro-alimentaire de participer à l'effort collectif pour limiter la hausse des prix, en appelant « à leur sens de la responsabilité », ces derniers estimant qu'ils ne sont pas « des profiteurs ».
« Les industriels ne jouent pas le jeu, ils refusent de revenir à la table de négociation pour négocier les prix à la baisse », a déclaré jeudi soir Bruno Le Maire sur TMC, annonçant qu'il les recevrait mercredi.
« J'en appelle à leur sens de la responsabilité », a martelé le ministre de l'Economie estimant « qu'ils n'ont pas à profiter de cette crise ». Bruno Le Maire a appelé à une réouverture des négociations commerciales entre industriels et distributeurs, « au moment où les prix de gros baissent ». Lors d'une réunion plus tôt dans la journée avec les poids lourds de la grande distribution, ces derniers ont « demandé collectivement au gouvernement de prendre des mesures concrètes pour pousser à la table des négociations les industriels », a déclaré à l'AFP Dominique Schelcher, le PDG de Système U.
« Si jamais les industriels de l'agro-alimentaire refusent de rentrer dans cette négociation, ce qu'évidemment je ne peux pas imaginer, nous emploierons tous les instruments à notre disposition, y compris l'instrument fiscal, pour récupérer des marges qui seraient des marges indues faites sur le dos des consommateurs », avait averti dans la matinée Bruno Le Maire.
Une vision de la situation rejetée par le président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania): « Non, il n'y a pas de profiteurs », s'est offusqué sur RTL jeudi matin Jean-Philippe André, ajoutant que « l'inflation, c'est mauvais pour (les industriels) » également.
Le nouveau président du syndicat agricole majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau, a regretté jeudi lors d'une conférence de presse une forme de « surenchère » alimentée par le ministre de l'Economie et les distributeurs. Cela risque, selon lui, de relancer « une guerre des prix » bas, qui pénaliserait le revenu des agriculteurs et la pérennité des exploitations.
(Avec AFP)