Envolée des prix de l'essence à la pompe, explosion des tarifs de l'énergie, pagaille dans les approvisionnements..., les déboires s'accumulent pour l'exécutif. Alors que plusieurs syndicats ont appelé à la grève et à manifester ce jeudi 17 mars et que des dépôts de carburant continuent d'être bloqués en Bretagne et en Charente-Maritime, la fin du quinquennat pourrait tourner au vinaigre. Le souvenir des "gilets jaunes" en 2018 a particulièrement frappé les esprits au gouvernement. A quelques semaines du premier tour de la présidentielle, la résurgence d'une nouvelle grogne serait un coup dur pour le candidat Macron en tête dans les sondages.
Face aux craintes d'une fronde sociale généralisée, l'exécutif a dégainé une panoplie de mesures nouvelles et un recyclage d'outils déjà en place depuis le premier confinement au printemps 2020. Après plusieurs semaines de consultations et de réunions avec les secteurs, les filières et les partenaires sociaux, le Premier ministre Jean Castex accompagné de Bruno Le Maire (Economie), Barbara Pompili (Ecologie) et Julien Denormandie (agriculture) ont annoncé le détail de ces mesures, lors d'un point presse ce mercredi en fin d'après-midi.
"Nous devons prendre sans délai les mesures qui s'imposent pour limiter les impacts sur nos entreprises, sur nos emplois, sur notre pouvoir d'achat. Et nous devons tout autant renforcer notre souveraineté en réduisant le plus rapidement possible notre dépendance à un certain nombre de matières premières et de sources d'énergie importées de Russie", a indiqué Jean Castex
Il faut dire que les répercussions économiques et sociales du conflit russo-ukrainien sont déjà bien visibles. Les dernières enquêtes de l'Insee menées s montrent un plongeon spectaculaire du moral des chefs d'entreprise et des ménages.
Soutien de l'Etat pour les factures de gaz et d'électricité des entreprises
La principale annonce concerne les entreprises les plus exposées à l'envolée des prix du gaz et de l'électricité et doit permettre "de prendre en charge la moitié du surplus de dépenses énergétiques, leur permettant ainsi de réduire leurs pertes dans la limite de 80 %". Elle sera plafonnée à 25 millions d'euros par entreprise. "Cette aide bénéficiera aux entreprises dont les dépenses de gaz et d'électricité représentent une part élevée des charges, au moins 3 % du chiffre d'affaires, et qui du fait du renchérissement de leurs dépenses en énergie, deviendraient déficitaires en 2022", indique Matignon. Cette aide ne sera pas conditionnée à des critères de taille ou de secteur ". Elle doit s'appliquer entre le premier mars et le 31 décembre prochain. Cette mesure pourrait cibler "au maximum 2.000 entreprises" en France selon des conseillers de Jean Castex.
Une remise sur les carburants pour les particuliers et les professionnels
L'autre grande mesure en partie annoncée par Jean Castex le week-end dernier concerne une remise de 15 centimes d'euros par litre de carburant aux ménages et aux professionnels. "Pourront notamment bénéficier de la mesure les routiers, les taxis et les transporteurs sanitaires, les agriculteurs, les acteurs des travaux publics et les pêcheurs, mais aussi toutes les professions qui utilisent beaucoup leur véhicule, telles que les aides à domicile", a dit M. Castex en annonçant ce mercredi soir "que ce dispositif sera étendu au gaz naturel véhicule et au GPL". Cette mesure devrait coûter environ 2 milliards d'euros. En prenant en compte l'ensemble des mesures du bouclier tarifaire mises en oeuvre pour les ménages et les entreprises depuis l'automne, le coût budgétaire est évalué à environ 22 milliards d'euros.
PGE, activité partielle de longue durée, reports de charges et de cotisations
Les annonces du Premier ministre avaient comme un air de déjà vu. Il faut dire que la guerre en Ukraine a amené le gouvernement à ressortir sa caisse à outils déployée pendant la crise sanitaire. Parmi la batterie de mesures annoncées figurent les prêts garantis par l'Etat (PGE) dont le plafond d'emprunt est rehaussé à 35% du chiffre d'affaires contre 25% auparavant. Un nouveau PGE dont le montant est fixé à 10% du chiffre d'affaires devrait en outre être lancé à partir du 1er juillet.
S'agissant de possibles difficultés rencontrées par les entreprises pour rembourser les prochaines échéances à venir des PGE, l'entourage du Premier ministre est relativement confiant. "Les entreprises abordent cette crise avec une situation de trésorerie favorable globalement. Il n'y a pas de risque systémique. Les entreprises concernées par ces pertes sont viables. On ne voudrait pas que cette crise amène les entreprises à mettre les clés sous la porte."
Les reports de cotisations seront facilités pour les entreprises les plus exposées. Un report de l'activité partielle de 12 mois supplémentaires a également été évoqué pour les entreprises ayant déjà un accord. Pour les autres, "un accompagnement" a été annoncé.
Des mesures plus spécifiques pour le BTP, la pêche, l'agriculture et les exportateurs
Au-delà de ces mesures globales, l'exécutif a également prévu un arsenal de dispositifs pour les secteurs les plus affectés comme le BTP, la pêche et l'agriculture. Ces trois secteurs ont fait part ces dernières semaines de leurs difficultés face à l'explosion des coûts des matériaux, des matières premières ou des carburants.
Les pêcheurs bénéficieront par exemple d'une aide exceptionnelle à hauteur de 35 centimes d'euro par litre de gazole de pêche dès jeudi et jusqu'au 31 juillet, et les agriculteurs d'une enveloppe de 400 millions d'euros sur quatre mois. Avec la guerre en Ukraine, les entreprises exportatrices en première ligne depuis le début de la pandémie devront bénéficier "du chèque relance export et du chèque assurance VIE" a annoncé Bruno Le Maire.
Une hausse de loyer limitée pour les commerçants
Mardi, Bercy a annoncé que la hausse du loyer pour les commerçants va être limitée à compter du prochain trimestre, selon un décret paru mardi au Journal officiel qui entend simplifier le mode de calcul de l'indice des loyers commerciaux. La modification de l'indice national trimestriel des loyers commerciaux (ILC) vise à soulager les commerçants confrontés à l'inflation et à une baisse de la consommation des ménages depuis le début de l'épidémie de Covid-19 en 2020. Le gouvernement a décidé de supprimer la prise en compte du chiffre d'affaires du commerce de détail dans le calcul de l'indice des loyers. Cette modification "va permettre de diviser par deux la revalorisation des loyers indexés", a précisé le ministère de l'Économie dans un communiqué alors que "la progression continue des ventes par internet alimentait ainsi - sans aucune justification économique - la revalorisation des loyers des magasins physiques". En effet, la pandémie a dopé le chiffre d'affaires du commerce en ligne contribuant à créer une distorsion dans le calcul des loyers des commerçants.
Des flous budgétaires et des modalités de mises en oeuvre à préciser
De nombreuses zones d'ombre planent toujours sur le chiffrage des mesures et les modalités de mise en œuvre. Lors du point presse, les ministres n'ont pas toujours pu apporter de chiffres précis sur le coût des mesures pour les finances publiques. Même si le gouvernement a écarté "le quoi qu'il en coûte" mis en place au printemps 2020, cette enveloppe pourrait frôler les 30 milliards d'euros si on prend en compte les mesures mises en œuvre depuis l'automne (chèque inflation, bouclier tarifaire, indemnité kilométrique).
Sur les conditions de mise en place, "des discussions sont toujours en cours" à l'échelle européenne, explique l'entourage du chef du gouvernement. "Concernant le bouclier tarifaire par exemple, le flottement dans les chiffres est normal car cela dépend de paramètres comme l'évolution du prix du gaz", justifie Matignon. Alors que la reprise se renforçait il y a quelques semaines, l'intensification de la guerre en Ukraine laisse planer de nombreux nuages sur la fin du quinquennat Macron menaçant d'aggraver l'inflation et d'attaquer le pouvoir d'achat, que l'exécutif voulait à tout prix préserver.