Alors que la pandémie commençait à s'estomper, avec la levée des restrictions sanitaires ce mois de mars, une année 2022 au beau fixe pour l'économie française aurait pu être espérée. Mais c'était sans compter sur la guerre en Ukraine, dont les conséquences se font déjà sentir sur notre économie et qui provoque déjà un "choc de confiance" pour les entreprises et les ménages français, estime mercredi l'Insee. S'il reste prudent dans ses prévisions, l'institut fait état toutefois un choc relatif au prix de l'énergie et des matières premières. La guerre provoque "un choc de prix, d'incertitude et de confiance", a résumé Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l'Insee, lors de la présentation à la presse de la dernière note de conjoncture de l'Institut national de la statistique.
La hausse des tarifs renchérit le prix de nos importations et donc le coût de leur production. Il se répercute sur les étiquettes de nombreux produits de l'Hexagone et promet de freiner la demande. Le rythme de la hausse des prix à la consommation pourrait se situer autour de 4,5% dont la moitié s'explique par la progression des prix de l'énergie. De quoi ralentir notre croissance dans les prochains mois.
Un violent choc des matières premières et de l'énergie
Ainsi, si le prix du baril de pétrole reste cette année, aussi haut qu'il n'était début mars, la perte d'activité pourrait atteindre un point de PIB, évalue l'Insee. L'évolution du PIB français au premier trimestre va ralentir : avec une progression passant à +0,3 % - contre +0,7 % au quatrième trimestre 2021. Et l'Insee d'anticiper pour cette année une croissance autour de 2,7 %.
Tous les secteurs ne seront toutefois pas affectés de la même manière : l'industrie, le commerce de gros, les secteurs manufacturiers, le transport promettent d'être plus touchés que les services. Les chefs d'entreprises anticipent, en effet, d'importants problèmes d'approvisionnement de matériaux- qui existaient déjà avant le conflit, et qui vont s'accentuer avec la guerre en Ukraine -. Du côté de l'hébergement -restauration, en revanche, l'optimisme est plus fort, du fait de la levée des restrictions sanitaires.
Un recul de la consommation à prévoir
Dans ce contexte, la consommation des ménages promet de reculer : -0,1% au premier trimestre, et même -0,6 % au deuxième. Ce fléchissement s'est déjà traduit au moment des soldes d'hiver - moins dynamiques, du fait des restrictions sanitaires- et il devrait encore se poursuivre, cette fois, à cause de la flambée des prix. Certes, le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement a permis de réduire la facture de gaz, d'électricité et même de carburant, mais le pouvoir d'achat des ménages s'en trouvera tout de même amputé. Il reculera nettement -1,4 %.
L'Insee évalue cependant un impact très fort du bouclier tarifaire sur le gaz et les énergies : il a permis de limiter d'un point l'inflation en ce début d'année. Établie à 3,6 % fin février, la hausse aurait probablement atteint plus de 5% en l'absence de politique du gouvernement. L'Institut n'a cependant pas mesuré les impacts du plan de résilience que le gouvernement présentait ce même jour, et qui vise à soutenir les Français face à l'inflation. L'organisme note que ceux qui le pourront puiseront dans leur épargne cette année afin de compenser la hausse des prix et maintenir leur pouvoir d'achat.
Un taux de chômage stabilisé à 7,4 % au premier trimestre 2022
Bonne nouvelle toutefois, l'emploi salarié devrait ralentir mais dans une moindre mesure. Les créations d'emploi vont, certes, s'essouffler au premier trimestre, mais il faut y voir surtout le contre-coup de la forte hausse enregistrée à la fin de l'année 2021 - où on a comptabilisé 107.000 emplois entre fin septembre et fin décembre-. Il s'agit donc plus d'une forme de normalisation. Début 2022, ce rebond est largement achevé et n'offre plus de potentiel, assure les économistes de l'Insee.
L'emploi devrait donc se stabiliser, dépassant à la fin mars 2022 son niveau d'avant crise, autour de 385 000 emplois. Un niveau bien plus élevé que la moyenne enregistrée entre 2015 et 2019, où le nombre d'emplois crées étaient de 260 000. Aussi, le taux de chômage resterait, selon l'Insee, à 7,4% de la population active au premier trimestre de cette année.
Ce dynamisme de l'emploi, associé aux revalorisations salariales dans le secteur privé devraient toutefois permettre aux ménages de garder au premier trimestre leurs revenus. Il n'empêche, dans contexte économique marqué par le conflit en Ukraine et la reprise de l'épidémie en Chine - qui reconfine plusieurs grandes villes-, l'Insee s'inquiète d'un "choc d'incertitudes et de confiance" autant pour les particuliers que pour les entreprises.
Mais, comme le disait il y a quelques jours la Banque de France, la secousse promet d'être moins importante que la récession causée par le covid en 2020.