A Gaza, le décompte macabre se poursuit, et c'est le Hamas qui en livre les résultats. A près d'un mois du début du conflit depuis les attaques sanglantes du 7 octobre et la prise d'otage de 240 Israéliens, le ministère de la Santé de l'organisation islamiste a annoncé lundi que le bilan des bombardements israéliens avait franchi le seuil des 10.000 morts, la plupart des civils.
Parallèlement, la situation humanitaire est critique et les appels internationaux à un cessez-le-feu sont restés lettre morte. Dans la bande de Gaza, territoire abritant 2,3 millions d'habitants, que les ressortissants étrangers fuient par centaine via l'Egypte, il manque de tout : nourriture, carburant, d'eau potable et médicaments. Les Nations unies (Onu) jugent la situation « catastrophique ».
Moins de 2.000 personnes sont parties
Israël avait donné aux civils du nord de la bande de Gaza - là où se trouve la majeure partie des forces du Hamas - jusqu'au 5 novembre pour fuir vers le sud, pour leur propre sécurité.
Cependant, moins de 2.000 personnes sont parties, selon des informations de l'Onu, en raison des craintes liées aux bombardements, des dégâts importants sur les routes et de la limitation des moyens de communication.
Les Nations unies impuissantes
Environ 1,5 million de personnes, soit plus de la moitié de la population de la bande de Gaza, ont fui leur domicile. Plus de 700.000 d'entre elles ont trouvé refuge dans des bâtiments gérés par l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), selon le bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Des dizaines de milliers d'autres se trouvent dans des hôpitaux et des églises.
Les abris de l'UNRWA dans le sud sont surpeuplés et incapables d'accueillir de nouveaux arrivants, et de nombreuses personnes déplacées dorment dans les rues, à proximité des abris, a déclaré l'OCHA. L'UNRWA n'est plus en mesure de fournir de l'aide aux personnes déplacées dans le nord, qui se trouve au centre des opérations terrestres d'Israël depuis le 27 octobre.
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d'un tiers des 35 hôpitaux de Gaza ne fonctionnent pas et ceux qui sont encore en service font état d'une grave pénurie de carburant qui a considérablement réduit leur approvisionnement en électricité.
Les générateurs de deux hôpitaux (al-Shifa et l'hôpital indonésien) ont cessé de fonctionner en raison du manque de carburant. Seuls des générateurs secondaires peuvent être utilisés quelques heures par jour et uniquement pour les services critiques, selon l'OCHA.
L'envoyé d'Israël auprès des Nations unies a rejeté ces informations en postant une vidéo sur X (ex-Twitter) montrant des personnes assistant à une projection de film à côté de l'hôpital al-Shifa par le Hamas, où les fenêtres du bâtiment apparaissent illuminées.
« Le Hamas dispose de beaucoup de carburant pour tout ce qu'il choisit de prioriser. Si seulement les couveuses des unités de soins intensifs néonatals étaient aussi importantes pour le Hamas que les projections de propagande terroriste », a-t-il commenté.
L'OMS a recensé au moins 93 attaques dans la bande de Gaza depuis le début du conflit, qui ont tué 16 travailleurs de santé en service et endommagé ou détruit 28 ambulances.
Des stocks épuisés d'ici un à trois jours
Le seul moulin en état de marche à Gaza ne peut moudre du blé en raison du manque d'électricité et de carburant, a indiqué l'OCHA, et onze boulangeries ont été touchées par le conflit.
Les stocks de denrées alimentaires essentielles à Gaza, notamment le riz et l'huile végétale, devraient s'épuiser d'ici un à trois jours, selon le Programme alimentaire mondial.
L'aide est acheminée par le poste frontière de Rafah avec l'Égypte, le seul qui soit ouvert, mais seulement une fraction comparé à l'aide fournie avant le conflit. Depuis que les livraisons limitées ont repris le 21 octobre, au moins 450 camions sont entrés dans Gaza, transportant de la nourriture, de l'eau et des fournitures médicales.
Les organisations humanitaires affirment que du carburant est nécessaire de toute urgence pour distribuer l'aide et alimenter les hôpitaux, les boulangeries et les usines de désalinisation. Mais l'entrée du carburant reste interdite par Israël, qui estime qu'il pourrait être détourné par le Hamas à des fins militaires. Selon le responsable de l'aide humanitaire de l'Onu, des avancées ont été réalisées dans les négociations sur l'entrée de carburant à Gaza, bien qu'aucune livraison n'ait été confirmée.
(Avec Reuters)
4 QUESTIONS à l'ONG américaine Mercy Corps Arnaud QUEMIN, directeur région Moyen-Orient à Mercy Corps. Mercy Corps travaille en Cisjordanie et à Gaza depuis 1986, répondant à des besoins humanitaires critiques, tels que l'accès à l'eau potable, l'assistance en espèces, le travail avec les enfants et les jeunes, et la mise en relation des personnes avec des opportunités économiques pour réduire un taux de chômage supérieur à 40 %. Depuis 2019, Mercy Corps indique avoir fourni un accès à l'eau potable à plus de 55.000 personnes. « Mercy Corps est une organisation humanitaire qui dépend de diverses sources de financement pour soutenir ses initiatives à travers le monde. Les financeurs peuvent varier d'un projet à l'autre et d'une région à l'autre en fonction des besoins et des priorités spécifiques », précise l'ONG à La Tribune. Où en est l'acheminement des aides à Gaza, après le déplacement de la population du nord de la bande vers le sud ? Arnaud QUEMIN : Le temps presse pour 2 millions de personnes à Gaza - dont la moitié sont des enfants - qui sont assiégées et tentent de survivre au milieu d'une énorme catastrophe humanitaire où l'accès à la nourriture, à l'eau, au carburant et à d'autres nécessités de base diminue rapidement. La moitié de la population de Gaza a fui ses foyers sans avoir un endroit où aller. L'appel d'Israël à plus d'un million de Palestiniens pour quitter le nord de Gaza et se relocaliser a mis en danger la vie de ceux contraints de fuir, sans garanties de sécurité pendant le transit ou après la relocalisation. L'Égypte et Israël ont signalé leur disposition à faire avancer l'aide vers Gaza, nous attendons que cela se produise. Qu'envisagez-vous après l'opération de l'armée israélienne qui s'annonce de grande ampleur ? Nous travaillerons à relancer nos programmes humanitaires à Gaza. Cela se concentrera probablement sur la fourniture d'articles essentiels tels que de l'eau potable, de la nourriture, des fournitures d'hygiène et des matériaux pour abris. Avez-vous des contacts avec le Hamas ? Avec le gouvernement israélien ? Non. Dans un monde de plus en plus fracturé, quelle est la bonne stratégie à adopter en tant qu'organisation humanitaire ? Les efforts de développement ne sont-ils pas vains face aux destructions ? Chez Mercy Corps, notre mission est de soulager la souffrance, la pauvreté et l'oppression en aidant les gens à construire des communautés sûres, productives et justes. Les efforts de développement peuvent sembler décourageants face à d'importantes destructions, mais ils sont essentiels pour la reconstruction et la résilience à long terme. Bien que les défis soient considérables, le développement peut contribuer à rétablir des infrastructures, des services de base et à améliorer la qualité de vie des populations touchées. Cela prendra du temps et des ressources, mais cela reste un objectif précieux pour aider les communautés à se relever des destructions et à se reconstruire.