Le marché pétrolier cherche une boussole

Les prix du baril du brut ont perdu quelque 36% de leur valeur depuis le pic atteint après l'invasion russe de l'Ukraine. Depuis début décembre, la tendance est à la baisse en raison du risque de récession aux Etats-Unis, en Europe et en Chine qui devrait peser sur la demande de brut. L'Opep+ pourrait être amenée à réduire à nouveau son quota.
Robert Jules
Deux tankers, le Kerala et le Fiorella, affrétés par la major américaine Chevron, chargent du pétrole brut à la raffinerie de Bajo Grande, sur le lac de Maracaibo, près de la ville de Zulia, au Venezuela, le 5 janvier 2023. C'est le premier chargement de pétrole vénézuélien par une compagnie des Etats-Unis depuis 4 ans.
Deux tankers, le Kerala et le Fiorella, affrétés par la major américaine Chevron, chargent du pétrole brut à la raffinerie de Bajo Grande, sur le lac de Maracaibo, près de la ville de Zulia, au Venezuela, le 5 janvier 2023. C'est le premier chargement de pétrole vénézuélien par une compagnie des Etats-Unis depuis 4 ans. (Crédits : Reuters)

Si la baisse est moins spectaculaire que celle du gaz naturel, il n'en reste pas moins que les prix du baril de pétrole ont perdu quelque 36% de leur valeur depuis leur plus haut de l'année atteint en mars, quelques jours après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

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Brent

Vendredi, le prix du baril de Brent évoluait à la hausse, autour des 80 dollars, après être passé sous les 78 dollars (voir graphique), un niveau que l'on n'avait plus vu depuis décembre 2021. La référence américaine, le baril de WTI, progressait également tutoyant les 75 dollars, après avoir chuté dans la semaine sous les 67 dollars.

Les cours se sont redressés jeudi en raison d'une baisse des stocks hebdomadaires de pétrole et des produits raffinés (essence, diesel, fuel domestique) aux Etats-Unis plus importante que prévu. Ils étaient également soutenus par la fermeture d'un oléoduc du réseau américain Colonial Pipeline en raison de la détection d'une fuite. Le redémarrage est toutefois prévu ce samedi.

Quant aux perspectives, les investisseurs semblent opter depuis la fin de l'année pour une demande poussive. Ainsi, en décembre, l'ETC sur le Brent de Wisdom Tree, a enregistré un flux entrant de 1 milliard de dollars. « Il s'agit d'un montant record mensuel depuis son lancement en février 2012, un signe que les investisseurs considèrent que le prix du Brent a atteint un plancher », commente Tom Eckett, chez ETF Stream.

Un ralentissement économique simultané

Les prix pourraient toutefois encore baisser au regard de la conjoncture économique mondiale. ​​La nouvelle année sera « plus difficile que l'année que nous laissons derrière nous (...) Pourquoi ? Parce que les trois principales économies - les États-Unis, l'Union européenne et la Chine - ralentissent toutes simultanément », a averti cette semaine Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI). En outre, les banques centrales vont continuer à resserrer leur politique monétaire. Même si le rythme devrait être moins rapide, la Fed et la BCE vont continuer à augmenter leurs taux pour réduire l'inflation, visant à terme une cible de 2%. Dans la zone euro, la hausse des prix a atteint en décembre 9,2% sur un an, selon les données publiées par Eurostat, ce vendredi. C'est mieux qu'en novembre, où elle s'était affichée à 10,2%, mais cela reste encore élevé.

L'autre inconnue est la Chine. Les autorités ont abandonné du jour au lendemain en décembre la politique de « zéro Covid » qu'elles appliquaient depuis le début de la pandémie, une politique qui était de plus en plus mal supportée par la population, et qui a plombé la croissance du géant asiatique, qui devrait s'établir à peine à 2,7% en 2022, selon la Banque mondiale. En décidant d'ouvrir ses frontières, la Chine s'expose toutefois à une explosion des cas, en laissant circuler le virus, notamment ses variants. « Le manque de données fiables n'arrange pas la situation, mais avec la propagation rapide du Covid dans tout le pays, il est probable qu'il y aura des perturbations qui entraveront l'activité économique et la demande », commente Craig Erlam, analyste chez OANDA.

L'inconnue de la demande pétrolière chinoise

Les besoins chinois de pétrole avaient déjà fléchi en 2022, à 15 millions de barils par jour (mb/j), soit un recul de 2,7% par rapport à 2021, selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Pour 2023, l'agence prévoyait une hausse de 5,5% en 2023, à 15,83 mbj, un estimation réalisée avant l'annonce de la fin de la politique de « zéro Covid ». Un facteur qui rend la situation de l'économie chinoise différente de celles des Etats-Unis et de l'Union européenne. « Il faut s'attendre à un vif rebond de la demande (des ménages), mais l'effet total sur le PIB chinois sera bien moindre », commente Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo BHF. « La faiblesse de l'économie chinoise ne se résume pas en effet à la politique zéro-Covid, qui n'est en fait qu'un facteur aggravant. Le plus profond changement des deux dernières années vient des déboires du secteur immobilier », explique-t-il.

Autre facteur influent sur les cours de l'or noir : la politique de l'Opep+. En octobre dernier, contre toute attente, le partenariat dirigé de facto par l'Arabie saoudite et la Russie n'avait pas hésité à réduire leur quota de 2 mb/j à partir de novembre (en réalité 1 mb/j, certains pays membres n'arrivant pas à produire leur quota), provoquant la fureur de l'administration Biden. La prochaine réunion est prévue de se tenir le 1er février. Sans le dire officiellement, les partenaires de l'Opep+ se satisfont d'un prix du baril à 80 dollars. Or, depuis le 5 décembre, le panier de l'Opep (moyenne des prix du brut des pays membres) est passé régulièrement sous cette barre (voir graphique).

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panier de l'Opep

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Selon des intervenants sur le marché pétrolier cités par l'agence Bloomberg, Aramco, la compagnie pétrolière publique d'Arabie saoudite, a déjà révisé à la baisse le prix de son brut pour ses clients en Asie et en Europe. Un signe que le géant pétrolier s'attend à une baisse de la demande, et sécurise ses parts de marché.

Robert Jules
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