Aux Etats-Unis, cette dette astronomique qui ne pose pas de problème... pour le moment

D'un montant supérieur à 30.000 milliards de dollars, la dette des Etats-Unis commence à inquiéter. Mais par rapport à la France, le pays de l'Oncle Sam dispose d'avantages indéniables, qui lui permettent ce caprice. Encore faut-il que cette situation ne perdure pas sur le long terme...
D'un montant de plus de 34.600 milliards de dollars (en euros), la dette des Etats-Unis commence également à inquiéter.
D'un montant de plus de 34.600 milliards de dollars (en euros), la dette des Etats-Unis commence également à inquiéter. (Crédits : Mohamed Abd El Ghany)

Il n'y a pas que la France qui est à la peine sur ses finances publiques. D'un montant de plus de 34.600 milliards de dollars (31.800 milliards d'euros), la dette des Etats-Unis commence également à inquiéter. Encore début février, le président de la banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell, prenait la parole pour alerter sur l'insoutenabilité de cette dette sur le long terme. « La dette grossit plus rapidement que l'économie », a-t-il notamment argué, « on peut dire que c'est urgent ».

Et pour cause, elle dépasse un peu plus de 120% du PIB américain en 2023, d'après les chiffres provisoires du Fonds monétaire international (FMI). C'est l'un des ratios les plus élevés depuis la Seconde Guerre mondiale, en dehors de la crise du Covid.

C'est toujours moins que l'Italie (140%) ou encore le Japon (255%). Mais elle dépasse tout de même celle de la France qui atteint les 110 points de PIB. Un résultat qui n'a d'ailleurs pas manqué de faire couler beaucoup d'encre sur la mauvaise tenue des finances publiques françaises.

Lire aussiDéficit public : les classes moyennes risquent de payer au prix fort le tour de vis budgétaire

Baisse des recettes et augmentation des dépenses

La situation américaine s'est dégradée pendant la crise sanitaire avec la baisse des recettes budgétaires et fiscales mais surtout l'augmentation des dépenses sociales pour faire face au Covid. Près de 2.200 milliards de dollars en 2020 ont en effet été dépensés sous le mandat de l'ex-président Donald Trump, ou encore 1.900 milliards en 2021 sous Joe Biden, à travers de multiples programmes tels que le Paycheck Protection Program ou encore l'American Rescue Plan. « Durant cette période, certains ménages ont même pu recevoir plus d'argent que lorsqu'ils étaient en activité », pointe Jean-Alain Andrivon, économiste chez Rexecode, qui note que ces dépenses ont même été plus importantes qu'outre-Atlantique.

Sauf qu'après la crise, le niveau d'endettement s'est maintenu. « On aurait pu s'attendre à voir cette dette se réduire rapidement étant donné la conjoncture économique plutôt favorable depuis 2021 mais cela n'a pas été le cas », argue de son côté Christophe Blot, directeur adjoint du département analyse et prévision à l'OFCE. Avant d'ajouter : « Le niveau du déficit budgétaire est désormais l'un des plus élevés, surtout en temps de paix ».

Lire aussiDérapage du déficit public : comment se classe la France par rapport à ses voisins européens

Pour le moment, pas d'affolement

Mais avec un tel niveau de dette, que risquent les Etats-Unis ? Et bien pour le moment, pas grand-chose. Alors que les chiffres du déficit français inquiètent et imposent des économies pour revenir sous la barre des 3%, c'est-à-dire dans les clous budgétaires européens, les Etats-Unis n'ont pas l'air de s'affoler. Et ce alors même que l'agence Fitch, qui évalue les capacités d'un état à rembourser sa dette, a dégradé sa note l'été dernier, l'abaissant de AAA à AA+.

Étant la première puissance économique du monde, le pays de l'Oncle Sam possède, lui, « le privilège exorbitant » de la monnaie, expression utilisée en 1964 par le ministre de l'Economie et des Finances de l'époque, Valéry Giscard d'Estaing. Le dollar est la monnaie internationale de référence. Les Etats-Unis ne rencontrent ainsi aucun problème pour financer leur dette. Les bons du trésor américain, les fameux T-Bonds, sont toujours recherchés sur les marchés financiers. « C'est un actif vu comme l'un des plus sûrs, si ce n'est le plus sûr », estime Jean-Alain Andrivon.

Les Américains ont également le pouvoir d'émettre leur dette dans leur propre monnaie qu'ils peuvent contrôler. « En cas de difficultés, la banque peut intervenir pour limiter les taux d'intérêt ou acheter de la dette comme elle l'a déjà fait par le passé, lors de la crise de 2008 ou encore en 2020 », précise Christophe Blot. Alors que la France, elle, ne contrôle pas la politique de la Banque centrale européenne. « Est-ce qu'à un certain seuil, cela devient dangereux ? Cela dépend des pays », expose l'économiste. « Prenez le Japon, avec sa dette très élevée, il n'a aucun problème de refinancement ».

Une dette insoutenable sur le long-terme ?

C'est surtout sur le moyen voire long terme que la question va se poser. « Pour le moment, les Etats-Unis n'ont pas de problème mais s'ils ne changent pas leur politique, la dette va devenir insoutenable », pointe l'économiste David Page, responsable de la recherche macro économique chez AXA Investment Managers. D'autant que les conclusions du Bureau du budget du Congrès (CBO), organisme indépendant, ont de quoi inquiéter. D'après ce dernier, le déficit des Etats-Unis s'est élevé à 6,2% en 2023, et il devrait continuer à augmenter durant les prochaines années, pour atteindre 8,5% en 2054, avec un ratio de dette équivalent à 166 points de PIB, si rien n'est fait en termes de politique budgétaire

Résultat, un tel niveau de dette aurait des conséquences sur la croissance économique, l'augmentation des taux d'intérêt de la dette américaine et accroîtrait même le risque d'une crise budgétaire, pointe l'organisme américain.

D'autant que « le poids des charges d'intérêt net de la dette dans le budget fédéral a déjà commencé à devenir un poste de dépenses publiques important, plus que l'éducation », pointe Jean-Alain Andrivon. Ce qui laisse moins de marge de manœuvre pour mener d'autres réformes. Et d'après les chiffres du CBO, ce n'est pas près de s'arrêter. « C'est donc à la fin de la décennie que le marché va tourner son attention vers les Etats-Unis concernant sa dette », estime David Page. Les prochaines élections américaines, notamment celles prévues après 2024, seront déterminantes, pointe l'économiste.

Menace politique

Car si économiquement les Etats-Unis n'ont pas à s'en faire, pour le moment, d'un point de vue politique, la menace est bien réelle. Actuellement au Congrès, la Chambre des représentants est du côté républicain, alors que le Sénat est démocrate, comme le président Joe Biden, ce qui peut bloquer certaines décisions concernant le budget.

Parmi elles, le plafond de dette. En effet, pour émettre de la dette, le congrès doit décider d'un plafond, qui limite l'endettement du pays. Le risque s'il n'est pas voté : que le gouvernement ne puisse plus emprunter et pousser les Etats-Unis au défaut de paiement. En juin 2023, après d'âpres discussions entre la Maison-Blanche et les républicains, il a finalement été décidé de suspendre ce plafond pendant deux ans. « Jusqu'ici les Américains ont trouvé des accords, mais après les élections de novembre, ce sera sans doute davantage compliqué de renégocier un plafond », confie de son côté Christophe Blot, qui ajoute que les crispations politiques autour de la dette sont de plus en plus fortes. Même chose concernant le vote du budget. L'opposition républicaine avait jusque fin mars empêché d'adopter le texte, faisant planer au-dessus du pays la menace d'un shutdown, c'est-à-dire une paralysie budgétaire.

Sur le plus long terme, pour réguler leur déficit, les Etats-Unis devront sans doute mettre en place « des mesures de consolidation budgétaire », signale Jean-Alain Andrivon. Mais pour cela, il faudra que le congrès trouve un accord dans le futur. Pour le moment, les deux candidats s'étrillent et se renvoient la balle sur la question du déficit. Alors que l'ex-président, Donald Trump, promet de baisser les impôts, de son côté, Joe Biden a détaillé un projet de budget censé réduire le déficit de 3.000 milliards de dollars en taxant notamment les plus riches. Encore faut-il que ce budget puisse passer au congrès...

Commentaires 25
à écrit le 07/04/2024 à 19:28
Signaler
En pourcentage du PIB le record est détenu par le Japon. On n'en parle pas car la dette n'est pas un problème !

le 07/04/2024 à 19:46
Signaler
@Ménon. On n'en parle pas car le Japon a cette spécificité que sa dette est très majoritairement détenue intra-muros, donc très faiblement exposée à la spéculation des marchés financiers.

à écrit le 06/04/2024 à 18:24
Signaler
@LaTribune. Qu'est-ce qui vous pose problème dans mon post de 12:00 non publié. L'indroduction? La première partie? Ou la seconde partie plus croustillante pour le quidam qui viendrait à trop réfléchir [Remontons alors plus loin encore que les effets...

à écrit le 06/04/2024 à 12:18
Signaler
Et pour les homo-politicus qui ont tout oublié du changement de paradigme de 1971 (ou tout bonnement jamais connu l'histoire, lui préférant les mantras) cela s’est traduit par la suspension de la convertibilité du dollar en or (libéralisation des tau...

à écrit le 06/04/2024 à 11:55
Signaler
on pouvait lire le 1er mars dernier sur le site de CNBC que la dette publique américaine grimpe à un rythme de 1 000 milliards environ tous les 100 jours. effrayant. les Etats-Unis pourraient s'endetter sans compter alors que leur économie / sociét...

le 06/04/2024 à 12:22
Signaler
La France les la France est le pays le plus équilibré? Notre déficit commercial est la preuve que nous consommons bcp plus que nous produisons. Comme les USA, il est vrai, mais eux ils ont le dollar. Notre situation serait la faute de la course ve...

le 06/04/2024 à 12:22
Signaler
La France est le pays le plus équilibré? Notre déficit commercial est la preuve que nous consommons bcp plus que nous produisons. Comme les USA, il est vrai, mais eux ils ont le dollar. Notre situation serait la faute de la course vers le bas de n...

le 06/04/2024 à 15:46
Signaler
AdieuBCE : la France est un peu moins déséquilibrée que les Etats Unis dans le sens où le crédit privé est plus contrôlé et il y a donc moins le risque que les mauvaises dettes privées ne se muent en mauvaise dette publique... Et à noter que les opia...

à écrit le 06/04/2024 à 11:32
Signaler
Les français sont toujours à la recherche de comparaisons pour nier que leur pays, autrefois fier, est dans un état misérable.

le 06/04/2024 à 12:24
Signaler
Oui, nous ne manquons jamais d'alibis et d'excuses.

le 06/04/2024 à 16:04
Signaler
Ou bien au contraire à la recherche de comparaisons pour se flageller sans fin, les "bons élèves" ayant souvent un avantage dont nous sommes dépourvus et/ou un beau tas de poussière dissimulé sous le tapis (ex : la dette privée aux Etats-Unis, la bom...

à écrit le 06/04/2024 à 11:20
Signaler
[La situation américaine s'est dégradée pendant la crise sanitaire avec la baisse des recettes budgétaires et fiscales mais surtout l'augmentation des dépenses sociales pour faire face au Covid] Oui, ça s'est la version "politiquement correct" de pos...

à écrit le 06/04/2024 à 11:19
Signaler
on pouvait lire le 1er mars dernier sur le site de CNBC que la dette publique américaine grimpe à un rythme de 1 000 milliards environ tous les 100 jours. effrayant. les Etats-Unis pourraient s'endetter sans compter alors que leur économie / sociét...

à écrit le 06/04/2024 à 10:16
Signaler
On apprend dans ses cours d'économie que les États-Unis ont le privilège du dollar ( ce que la france arrogante n'a pas)

le 06/04/2024 à 11:00
Signaler
@ Churchill Votre affirmation est correcte. Le dollar est la monnaie mondiale par excellence – du moins jusqu’à aujourd’hui. Sa stabilité repose sur la confiance du monde. Dès que cette confiance se brise, le dollar s’effondre également. Alors l’Am...

le 06/04/2024 à 11:20
Signaler
@aditec : les politiques sont sur la même longueur d'onde que leurs électeurs, qui seront pour la plupart morts dans 15 ans...

à écrit le 06/04/2024 à 10:12
Signaler
Il serait plus pertinent de comparer ce qui est comparable....la France et la Californie, la France et le Texas,....les USA et l'EU...On oublie que la France est un petit état d'un ensemble plus large qui s'appelle UNION EUROPEENNE! Mais il est vrai ...

le 06/04/2024 à 19:44
Signaler
@ breizhou Tout le monde réclame l’unité de l’Europe, mais personne ne veut renoncer à sa souveraineté nationale. Les Européens agissent selon la devise « Lavez-moi, mais ne me mouillez pas ». Sous la mince surface de la conscience européenne, les ...

à écrit le 06/04/2024 à 8:58
Signaler
Le monde entier a intérêt à ce que l'Amérique s'endette toujours afin d'aller au défaut de paiement, c'est la survie de l'humanité qui est en jeu, partout la finance partout la misère et la mort.

le 06/04/2024 à 10:12
Signaler
La dette américaine et le dette Française ne concernent pas le monde entier !

le 06/04/2024 à 11:27
Signaler
Si les Etats Unis font un défaut de paiement c'est la plupart des grandes banques américains qui s'effondrent et donc toutes les banques mondiales. Mais cela n'arrivera jamais car elles osnt protégées par l'argent public, donc ce serait un effondreme...

le 06/04/2024 à 13:07
Signaler
@Ménon. La dette américaine et la dette française (respectivement des titres de créance - des actifs - matérialisés sous la forme d'obligations souveraines) concernent toutes les Banques Centrales de la planète qui en détiennent dans leur livre. Et t...

le 06/04/2024 à 13:45
Signaler
Il n'y aura pas défaut de paiement tant que l'Amérique pourra emprunter pour rembourser les intérêts de sa dette. Cela ne s'est jamais produit pourquoi cela arrive t il maintenant ?

le 06/04/2024 à 16:29
Signaler
@ménon : la situation des Etats Unis s'est fortement dégradées à l'occasion de la crise des subprimes car plutôt que de purger le secteur bancaire, on a transformé de mauvaises dettes privées en mauvaises dettes publiques, ce qui est normalement le p...

le 06/04/2024 à 18:12
Signaler
@Ménon. L'Amérique a déjà fait défaut sur ses engagements en 1814, alors en pleine guerre contre l'Empire britannique. La seconde fois est intervenue en 1979 suite à un problème informatique. Ce défaut de paiement technique aura coûté des milliards d...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.