Coronavirus : "Si la paralysie perdure, elle peut être très dangereuse pour les entreprises"

ENTRETIEN. La propagation du virus en Chine a mis à l'arrêt de nombreuses chaînes de production et a fait chuter la demande. Le prolongement de cette paralysie pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les PME chinoises qui manquent souvent de liquidités, rappelle Sébastien Jean, directeur du Cepii, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales.
Grégoire Normand
Sébastien Jean est directeur du centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).
Sébastien Jean est directeur du centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii). (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Quelles sont les conséquences du coronavirus sur l'économie chinoise ?

SÉBASTIEN JEAN - Les conséquences découlent des mesures prises pour endiguer la maladie plus que de la maladie elle-même, parce qu'elles paralysent partiellement l'activité. Fait assez rare, cela affecte à assez grande échelle aussi bien la production que la consommation. Les gens restent chez eux ou ont une mobilité limitée, même dans les grandes villes. Au-delà des transports eux-mêmes, cela provoque une chute drastique de la demande dans l'hôtellerie-restauration et le tourisme, mais aussi une baisse marquée de la consommation, réduite aux produits de première nécessité dans les zones affectées et souvent très au-delà.

En parallèle, la limitation des déplacements entrave la production aussi bien en empêchant les salariés d'aller travailler, qu'en perturbant l'acheminement des marchandises, et donc l'approvisionnement en pièces et composants ainsi que la possibilité de livrer la production. L'activité économique a été perturbée à partir de la mi-janvier, il est trop tôt pour avoir des indicateurs solides. Malgré tout, on perçoit déjà des signes tangibles, comme la baisse de la consommation de charbon de près de 40%. Beaucoup d'entreprises ont signalé une chute drastique de leur production et la grande majorité des régions sont fortement impactées, même si l'immense majorité des cas reste localisée dans le Hubei.

Quels sont les principaux risques pour les entreprises en Chine ?

L'impact va beaucoup dépendre de la durée. Si cette paralysie soudaine de l'activité perdure, elle peut être très dangereuse pour les entreprises qui manquent de liquidités. Une récente enquête sur les PME chinoises montre que 85% d'entre elles n'ont pas de liquidités suffisantes pour couvrir leurs charges pendant plus de trois mois. Il y a un risque de faillite pour les petites et moyennes entreprises.

Pour les autorités, cette situation est inédite. D'habitude, les outils de réponse à une crise sont budgétaires ou monétaires. La Banque centrale a d'ailleurs déjà assoupli les conditions du crédit de différentes manières. Mais les outils habituels ne seront guère efficaces pour contrer la paralysie actuelle.

Quelles sont les mesures les plus adaptées à court terme pour répondre à cette crise ?

Les mesures les plus efficaces à court terme et les plus indispensables sont celles qui soulagent la trésorerie des entreprises en proposant un différé de paiement des cotisations sociales, en faisant pression sur les banques pour renouveler les crédits par exemple. Mais si la crise se prolonge, cela peut renforcer la fragilité des petites banques.

Quelles sont les répercussions sur l'économie mondiale ?

À ce stade, l'épidémie a essentiellement frappé la Chine. 95% des cas mondiaux sont en Chine. Le premier scénario est que les autorités arrivent à contenir ou limiter la contagion et l'impact économique hors de Chine. Comment ce choc se répercute-t-il à l'extérieur ? En France, la moindre consommation des Chinois va avoir des répercussions principalement sur l'industrie du luxe, l'agroalimentaire et le tourisme. Dans les autres secteurs, il devrait y avoir une baisse de la demande mais elle sera moins significative qu'en Allemagne, parce que nos exportations vers la Chine sont moins importantes. La première économie de la zone euro est fragilisée par son plus grand succès à l'exportation. Les premières répercussions ont d'abord concerné les pays voisins de la Chine. Le choc est d'abord important en Asie. La Chine représente près d'un tiers de la croissance mondiale et cela va avoir un effet sur la demande qui est non négligeable. L'impact va dépendre aussi de la capacité des autres économies à se fournir ailleurs qu'en Chine.

Grégoire Normand
Commentaires 7
à écrit le 05/03/2020 à 11:13
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comme actuellement macron transfert la richesse collective vers la richesse individuelle de groupements économiques, a mon avis cela sera plus difficile pour les humains que pour les entreprises... Car d'après le ministre de l'économie, il faut s...

à écrit le 04/03/2020 à 20:12
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L' Allemagne exporte 200 fois en valeur ce qu ' expédie la France aussi sur ce plan l' Allemagne va prendre cher. Et les voitures produites en Chine par VW ne se vendent pas non plus, c' est la double peine.

le 05/03/2020 à 11:26
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" Et les voitures produites en Chine par VW ne se vendent pas non plus" Ah ça doit être pour cela que l'on en voit deux fois plus chez nous donc, ok... -_-

à écrit le 04/03/2020 à 15:30
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c'est ce que je disais y a 3 semaines cela dit, les chinois sont tenus par le parti communiste chinois, et s'ils doivent trouver des solutions ils en trouveront ' a la chinoise' ( comprenne qui pourra) par contre ca peut etre dramatique pour certai...

à écrit le 04/03/2020 à 11:04
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Pour comprendre comment cette situation a pu se produire, il faut lire "Mémoires chinoises" de Jean Tuan, chez C.L.C. Editions. L'auteur évoque l’évolution à marche forcée de la Chine dont il a été témoin depuis 1980. Marie Holzman, sinologue de reno...

à écrit le 04/03/2020 à 11:04
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Un mal pour un bien.. on finit par réaliser que seul "la diversité" permet de vivre plus sainement! L'homogénéité, que nous impose la mondialisation, a ses revers!

à écrit le 04/03/2020 à 10:41
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Si l'oligarchie mondiale alimentait les consommateurs de tout ces milliards qu'ils donnent à la finance au lieu que cette dernière les planque dans ses paradis fiscaux, les consommateurs eux alimenteraient ainsi les entreprises qui ne risqueraient ri...

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