En 2024, le prix du baril de pétrole sera soutenu par la géopolitique et l'Opep+

En 2023, malgré les réductions de l'Opep+ et les risques géopolitiques, le prix du baril de Brent n'a jamais réussi à franchir les 95 dollars. Un ralentissement de l'économie mondiale freinée par la hausse des taux et les records de production pétrolière aux Etats-Unis et au Brésil ont pesé sur les cours. En 2024, les incertitudes demeurent, d'autant que depuis la COP 28, le secteur est sous pression dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

En 2023, le prix du baril de pétrole Brent (en clôture) n'est jamais passé sous les 70 dollars (71,3 dollars le plus bas en juin) et n'a pas réussi à se hisser jusqu'à 95 dollars (93,2 dollars en septembre), bien loin du pic des 120 dollars atteint en juin 2022. Il a oscillé au gré des restrictions de production de l'Opep+ - l'alliance regroupant les 13 membres de l'Opep (mais que va quitter l'Angola) et 10 autres pays exportateurs dont la Russie, et que le Brésil intégrera à partir du 1er janvier- et des risques de récession économiques dans de nombreux pays dans les prochains mois, synonyme de contraction de la demande pétrolière, tout en réagissant aux événements géopolitiques.

L'effet des embargos

Ainsi, en mars, les réductions des exportations de brut et de produits raffinés russes soumises à un embargo européen et au plafonnement du G7 et de ses alliés du prix à 60 dollars le baril avaient fait gagner au baril de Brent 11 dollars en un mois. Entre juillet et septembre, les annonces de réduction des exportations de l'Arabie saoudite (- 1 mb/j) et de la Russie (500.000 b/j) avaient entraîné une hausse de 22 dollars en trois mois pour atteindre un pic à la mi-septembre, à plus de 93 dollars avant de prendre un tendance baissière jusqu'à la mi-décembre, tombant à 72 dollars, avec la parenthèse de l'attaque meurtrière du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, qui lui a fait gagner plus de 9 dollars en 10 jours sur la crainte d'un embrasement de la région où se concentre quelque 40% de la production mondiale d'or noir. Depuis la mi-décembre, le baril de Brent a gagné 7 dollars, soutenu par les attaques des Houthis, les rebelles yéménites, qui menacent le transport maritime international en mer Rouge, notamment les tankers.

Divergence sur la demande entre l'Opep et l'AIE

Ces facteurs rendent de plus en plus difficile l'appréhension de l'évolution de la demande par les acteurs du marché. Ainsi, 2024 devrait battre le record historique de consommation mondiale de brut déjà établi en 2023. Mais, source de ces difficultés, les projections de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et de l'Opep divergent grandement. La première prédit que nous brûlerons en moyenne en 2024 1 mb/j de plus qu'en 2023, soit 102,8 mb/j, tandis que la deuxième prévoit une augmentation des besoins l'année prochaine de 2,2 mb/j, soit 104,3 mb/j. Une différence qui s'explique par les perspectives de croissance des pays émergents. « La croissance de la demande mondiale de pétrole l'année prochaine sera probablement soutenue par les économies émergentes les plus dynamiques dans le monde en développement, en particulier en Asie », indique Jean-Pierre Durante, analyste chez Pictet Wealth Management.

Les deux institutions s'appuient pourtant sur les mêmes chiffres du PIB mondial, une décélération à 2,6% en 2024, après 2,8% en 2023. Une croissance poussive plombée par la hausse des taux décidée par les banques centrales dans la majorité des pays de l'OCDE pour juguler une inflation au plus haut depuis 40 ans, mais qui pèse sur l'activité économique.

Le marché pétrolier est également étroitement dépendant de la politique de l'Opep+ qui influence plus ou moins son orientation. Si les baisses de production consenties pour stabiliser le cours du baril au-dessus des 80 dollars fonctionnent -mais au prix de pertes de parts de marché -, elles présentent aussi paradoxalement un facteur baissier pour les investisseurs sur les marchés à terme. En effet, l'Opep se retrouve avec une capacité de production mise en sommeil qui, selon les évaluations, est comprise entre 4 mb/j et 5,5 mb/j, de quoi rassurer le marché qui sait qu'en cas de forte perturbation de l'offre, l'Opep, en particulier l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, pourra rapidement répondre aux besoins.

Forte hausse de la production chez les pays non-Opep+

En attendant la politique de maîtrise des volumes de l'Opep+ est contre-carrée par la hausse de la production à un niveau record aux Etats-Unis, mais aussi au Brésil, au Canada, au Guyana — dont certains champs pétroliers sont disputés par le Venezuela, source de tensions dans la région — ou encore en Iran, membre de l'Opep mais non soumis à un quota car subissant des sanctions internationales (comme d'ailleurs le Venezuela et la Libye) ce qui tue en partie dans l'œuf les efforts du cartel pour maintenir les prix au-dessus des 80 dollars. Ainsi, le 20 décembre, les prix du baril de Brent s'affichait à 80 dollars, celui de WTI à 75 dollars.

Reste une autre incertitude : les tensions géopolitiques. Elles peuvent très rapidement ajouter une prime de risque au prix du baril, qui pourrait propulser le baril au-dessus des 100 dollars. « Notre modélisation des prix indique qu'une variation d'un million de bp/j dans l'équilibre entre l'offre et la demande de pétrole provoquerait une hausse de plus de 20 dollars le baril, permettant aux cours du pétrole de franchir la barre des 100 dollars. Toutefois, nous pensons que les États-Unis et la Chine veulent éviter un tel scénario et, du point de vue de l'Opep+, une flambée des prix accélérerait probablement le mouvement d'abandon du pétrole à l'échelle mondiale », explique Jianwen Sun, stratège au sein du groupe bancaire suisse Lombard Odier.

Les énergies fossiles représentent 82% de l'énergie primaire

En effet, depuis l'accord conclu à la COP 28 à Dubaï (Emirats arabes unis), en décembre, les énergies fossiles sont désormais désignées explicitement comme responsables d'une large part des émissions de gaz à effet de serre (GES), principale cause du changement climatique. « La direction est claire », s'était félicité le directeur exécutif de l'AIE, Fatih Birol, pour qui l'accord dit « adieu aux énergies fossiles ». Mais, à court terme, il ne devrait pas avoir d'effet car le monde est trop dépendant de celles-ci. Elles représentaient encore 82% de l'énergie primaire en 2022, selon le dernier rapport du Statistical Review of World Energy, dont 31,6% pour le pétrole, 26,7% pour le charbon et 23,5% pour le gaz naturel. De quoi laisser encore du répit aux producteurs.

Robert Jules
Commentaires 2
à écrit le 26/12/2023 à 10:45
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Bien malin qui peut prédire le prix du pétrole dans 6 mois. A la baisse ou à la hausse les spéculateurs seront toujours les grands gagnants.

à écrit le 26/12/2023 à 7:30
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Tous les mois un évènement mondial, obligé, qui tient le cours la tête hors de l'eau, ils en ont de la chance les multimilliardaires du secteur ! Mais exposant qu'il est particulièrement fragile ou bien que leurs profiteurs commencent à sérieusement ...

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