Faut-il craindre une" bulle verte" dans les investissements durables ? La BRI s'interroge

Dans un rapport publié lundi 20 septembre, la Banque des Règlements Internationaux (BRI) alerte sur les risques d'une bulle verte dans un contexte où les investissements dans les actifs durables -ceux dits ESG entre autres- explosent. Elle appelle notamment à prendre en considération les envolées similaires de placements survenues dans le passé, et qui avaient toutes été suivies par la suite de larges corrections.
Siège de la BRI, la banque centrale des banques centrales, à Bâle en Suisse.
Siège de la BRI, la banque centrale des banques centrales, à Bâle en Suisse. (Crédits : ARND WIEGMANN)

Face à l'envolée des investissements dits « durables », de plus en plus prisés des investisseurs, la Banque des Règlements Internationaux (BRI), considérée comme la banque centrale des banques centrales, met en garde, dans son dernier rapport trimestriel publié hier, contre le risque croissant d'une « bulle verte ».

Alors que les marchés financiers ont envoyé des « signaux contrastés » au cours des derniers mois, traduisant « un certain malaise » quant aux perspectives de reprise, la BRI s'est penchée sur les produits d'investissements durables, qui, avec les valeurs technologiques, ont le vent en poupe.

Boom des investissements dans les actifs ESG

Concrètement, les investissements dans les actifs labellisés ESG (environnement, social et gouvernance) explosent. Selon certaines estimations, ils ont augmenté de près d'un tiers entre 2016 et 2020, pour atteindre 35.000 milliards de dollars l'année dernière (soit près de 30.000 milliards d'euros), et représentent à ce jour 36% de l'ensemble des actifs gérés par les banques et les fonds d'investissement.

Si l'on se réfère à une définition plus stricte des investissements durables, n'incluant que les fonds indiciels négociés en bourse (ETF) et les fonds mutuels bénéficiant d'un label -ESG ou ISR (investissement socialement responsable)-, ce type d'actifs pèserait plutôt 2.000 milliards de dollars, montant qui aurait toutefois été multiplié par plus de dix en cinq ans.

Dans le rapport publié lundi 20 septembre, la banque centrale des banques centrales fait ainsi part de ses inquiétudes quant aux implications potentielles d'un tel boom des investissements durables.

« Un développement fondamentalement bienvenu - aider à financer la transition vers un monde à faible empreinte carbone - pourrait-il générer des déséquilibres financiers significatifs? », s'interroge-t-elle.

Risque de fortes variations des actifs durables

Claudio Borio, qui dirige le département monétaire et économique de l'institution, va encore plus loin et évoque quant à lui un risque de « bulle verte », en soulignant que la croissance soutenue des ETF et des fonds mutuels sur ce marché rappelle par certains aspects celle des prêts immobiliers titrisés (MBS) avant la crise financière de 2008.

Pour lui, les autorités doivent prendre en considération le risque de fortes variations de la demande des investisseurs en se référant aux booms survenus par le passé.

Historiquement, les investissements qui accompagnent des grands changements économiques et sociaux tendent en effet, après une phase initiales d'essor, à subir de large corrections, a rappelé la BRI, qui a pris l'exemple de l'envolée des placements dans les compagnies de chemin de fer avec l'essor du rail au XIXe siècle ou la bulle technologique avec les placements dans les « dot-com » au tournant des années 2000.

« Compte-tenu de la croissance très rapide de cette nouvelle catégorie d'actifs, une bulle pourrait bien être amenée à se développer si la transparence du marché n'est pas assurée », notent deux membres de la BRI, Sirio Aramonte et Anna Zabai.

« Il est possible qu'il y ait trop de bonnes choses trop vite. Nous savons que les valorisations sont plutôt généreuses », résume le directeur du département monétaire et économique de la BRI.

Capitalisation de Tesla en hausse de 750% en un an

Récemment, le cours des actifs concernés a baissé, mais certains affichent encore des performances spectaculaires, notamment les actifs spécialisés dans l'énergie propre ou ceux liés aux véhicules électriques.

Pour les entreprises liées aux énergies propres, les ratios cours/bénéfices, un indicateur de base utilisé par les investisseurs pour évaluer la cherté des actions, se situent encore « bien au-delà » des prix que déboursent les investisseurs pour les valeurs de croissance, elles-même déjà tendues, et cela même après un reflux depuis leur pic de janvier 2021, a illustré la BRI.

Quant aux entreprises de véhicules électriques, le constructeur américain Tesla illustre bien cette tendance, dans la mesure où il a vu sa capitalisation augmenter de 750% en un an et de 16.000% sur les dix dernières années.

Pour l'instant, un élément peut rassurer les autorités: la majeure partie de l'exposition aux actifs « verts » concerne les marchés actions, dont le risque systémique potentiel est moins élevé. A l'opposé, on estime que les obligations ESG représentent seulement 1% environ de l'ensemble des portefeuilles obligataires des compagnies d'assurance américaines ou des banques européennes.

D'autres risques à prendre en compte (greenwashing et accélération de l'inflation)

Le directeur du département monétaire et économique de la BRI met toutefois en garde contre les incidences liées au « greenwashing », l'exagération de l'intérêt de certains actifs du point de vue de la protection de l'environnement, qui implique un risque de dévalorisation en cas de révélation de cette exagération mensongère.

Dans son rapport trimestriel, la BRI est par ailleurs revenue sur l'inflation, le nouveau casse-tête des banques centrales, avec la remontée des cours du pétrole et les tensions sur les approvisionnements et capacités de transport depuis la réouverture de l'économie après le choc de la crise sanitaire l'an passé. « L'accélération récente de l'inflation devrait être transitoire », a toutefois réaffirmé la BRI dans le communiqué accompagnant son rapport trimestriel. Elle n'en a pas moins mené une étude sur les grands mouvements de l'inflation, qui plaide en faveur d'une certaine certaine flexibilité par rapport aux objectifs d'inflation.

Commentaires 4
à écrit le 22/09/2021 à 9:31
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brillant!!!!!!!!!! les banques centrales ont arrose les marches de liquidites sans risques, et y aurait des bulles??????ah non, c'est impossible, c'est contraire a la nouvelle theorie monetaire du paye par personne!!!! la grosse partie des investiss...

à écrit le 21/09/2021 à 17:16
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À la fin 2019, 187 réacteurs sont définitivement arrêtés dans le monde, selon l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), dont 145 réacteurs en démantèlement ou en voie de l’être. Parmi ces installations : 59 réacteurs à sous pressi...

à écrit le 21/09/2021 à 17:05
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La transition energetique mondiale va avoir besoin de capitaux titanesques. On est tres loin de l objectif de 1,5degre de rechauffement climatique. Beaucoup de pays doivent decarboner en masse et sont tres loin du compte (Chine, Inde, USA, Afrique). ...

à écrit le 21/09/2021 à 16:01
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Haha, le greenwashing, c'est bien qu'on commence à en parler. On raconte tellement d'idioties, dans les médias, à propos des vertus écologiques de tel ou tel truc. En premier, "l'hydrogène vert", du grand n'importe quoi. La voiture électrique, "zéro ...

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