France-Maroc, le retissage du lien

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT — Le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné se rend ce dimanche au Maroc, première étape d'une reconstruction d'une relation entre la France et le Royaume, après des années de malentendus.
François Clemenceau
(Crédits : © DR)

« Faire mieux et différemment. »

L'expression est du nouveau chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, qui se rend ce soir pour une visite éclair à Rabat, six semaines à peine après sa nomination au Quai d'Orsay. « Renouer » le dialogue avec le royaume, le moins qu'on puisse dire est que l'objectif est ambitieux vu le climat quasi polaire qui a régné entre les deux capitales jusqu'en octobre dernier. Il faut dire que, des deux côtés de la Méditerranée, les ambiguïtés, les incompréhensions, les susceptibilités et les procès d'intention n'ont pas manqué. « Je construirai petit à petit cette confiance », affirmait Stéphane Séjourné le 14 février lorsqu'il a été auditionné par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Lire aussiMarine Le Pen, les habits d'une favorite

Le ministre a bien pris conscience du chemin à parcourir, lui qui il y a à peine plus d'un an, en tant que chef du groupe Renew (centre, libéral) au Parlement européen, avait fait voter par une majorité écrasante d'eurodéputés une résolution critiquant le Maroc pour ses atteintes à la liberté de la presse et au respect des droits humains. Un geste qui avait été perçu à Rabat comme une attaque directe contre le royaume. La presse marocaine proche du Palais avait évoqué une mission du député français en « service commandé de l'Élysée pour faire plaisir à l'Algérie », avec laquelle le Maroc est toujours en conflit ouvert. Le texte européen pointait également du doigt le rôle des autorités marocaines dans l'affaire de corruption présumée du Qatargate au Parlement européen et dans le dossier Pegasus des écoutes téléphoniques. À l'époque, il se disait que le chef de l'État français avait été personnellement choqué de se savoir sur écoute via le logiciel israélien utilisé par les services de sécurité marocains. « Le passé, c'est le passé », confie un expert français des relations franco-marocaines, pour signaler que le nouveau chef de la diplomatie à Paris dispose d'un « mandat pour écrire un nouveau chapitre [de ces relations] ».

Renouer le contact entre les deux nations par le biais de la famille royale? C'est par là qu'il aurait fallu commencer

Afin de réchauffer l'atmosphère, une fois la page d'un autre malentendu tournée, lorsque la France a voulu se précipiter pour aider le Maroc en brûlant quelques étapes protocolaires à la suite du terrible tremblement de terre qui a frappé le pays le 8 septembre dernier, le président et le roi se sont longuement parlé depuis, au cours de plusieurs échanges téléphoniques qui n'ont pas été rendus publics. Ce sont leurs diplomates qui ont préparé jusque dans les moindres détails la visite lundi dernier des trois sœurs du monarque à l'Élysée, à l'invitation de Brigitte Macron. Renouer le lien entre les deux nations par le biais de la famille royale ? C'est par là qu'il aurait fallu commencer, commentent plusieurs spécialistes ou anciens diplomates en poste à Rabat. Selon eux, Jacques Chirac par exemple, pour qui le futur Mohammed VI était comme un filleul, pratiquait cette diplomatie d'amitié personnelle, gage de l'excellence de la relation bilatérale.

L'ambassadrice du Maroc en France, Samira Sitail, première femme nommée à ce poste crucial à la mi-octobre à la suite du rappel de son prédécesseur à Rabat dix mois plus tôt, devrait présenter jeudi ses lettres de créance à l'Élysée. Mais elle a déjà été reçue au Quai d'Orsay peu de temps après l'installation de Stéphane Séjourné. Brique par brique, l'idée est bien de rebâtir l'édifice. Car le Maroc est devenu pour la France un partenaire bien plus qu'obligé. Non seulement sur le plan économique, et surtout depuis que la guerre en Ukraine a fragilisé les chaînes d'approvisionnement du royaume, mais aussi sur les plans culturel et géopolitique. Il ne s'agit pas que des 37 lycées et écoles françaises sur place qui continuent de faire vivre la francophonie mais également du statut de plus en plus influent du Maroc dans son voisinage sahélien et jusqu'en Afrique subsaharienne. Sans compter la relation normalisée de Rabat avec Israël après la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Une visite d'Emmanuel Macron « d'ici à la fin de l'année », espère l'Élysée, passera-t-elle par un rapprochement sur ce sujet clé pour la diplomatie marocaine ? Quitte à faire déraper la relation entre la France et l'Algérie, déjà si compliquée ? La visite demain à Alger de la secrétaire générale du Quai d'Orsay ne tiendra franchement pas du hasard. « Il ne s'agit pas d'un jeu à somme nulle, nous devons avancer sur ces deux fronts », revendique une source informée, convaincue que le Maghreb, voisin de l'Union européenne et aux liens historiques si profonds avec la France, ne saurait être traité avec désinvolture.

François Clemenceau
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.