Le partage, le nouveau credo de Gérald Darmanin

Confirmé à son poste de ministre de l’Intérieur, le numéro trois du gouvernement a choisi de consacrer du temps à la réflexion dans la perspective de la présidentielle de 2027.
Ludovic Vigogne
Gérald Darmanin à Rennes, le 12 février.
Gérald Darmanin à Rennes, le 12 février. (Crédits : © Sebastien SALOM-GOMIS/AFP)

Gérald Darmanin estime être entré dans une autre phase de son bail Place Beauvau. Le ministre de l'Intérieur, en poste depuis maintenant trois années et demie, maîtrise complètement la machine. Il n'a plus de grand texte à l'horizon, après l'adoption en décembre de la loi immigration. Même si la sécurité des Jeux olympiques ou la lutte contre la drogue vont encore beaucoup l'occuper, il juge disposer de davantage de temps de respiration. Cela tombe bien : il a envie de réfléchir.

Lire aussiCRS 8 : l'arme politique de Darmanin

Depuis quelques semaines, Gérald Darmanin s'est ainsi mis au travail. Il s'est lancé à la recherche d'un concept holistique qui serait le mur porteur d'un projet qu'il pourrait demain porter. Il a lu, eu des discussions avec les uns, les autres, couché quelques premières idées sur le papier. Depuis la fin de janvier, il a trouvé le fil qui guidera sa pensée : ce sera le partage. Autour d'un dîner, il a réuni ses principaux collaborateurs pour leur en faire part. Depuis, il rode son intuition auprès de ceux en qui il a confiance. Le 8 février, il l'a ainsi fait avec Hervé Marseille, le président du groupe Union centriste au Sénat, à l'occasion d'un déjeuner.

« Ma droite sociale »

Chez Gérald Darmanin, le partage est une matrice qui a tout de suite résonné. « Cela correspond à ma droite sociale », confie-t-il à La Tribune Dimanche. Chez LR hier, au sein de la Macronie aujourd'hui, il a constamment défendu une ligne populaire. Élu du Nord, il s'est toujours revendiqué du gaullisme social. Par le passé, il s'est beaucoup intéressé à des courants comme le Sillon de Marc Sangnier, qui voulait jeter des ponts entre le catholicisme et les classes travailleuses. À Noël, il a encore lu deux biographies de l'abbé Lemire, député d'Hazebrouck durant trente-cinq ans, à l'origine du développement des jardins ouvriers...

Pour l'ancien sarkozyste, le partage a le mérite de présenter de nombreuses qualités. C'est une notion qui ne peut pas déplaire à la gauche, tout en parlant à la droite et à ses inspirations chrétiennes. En son sein, elle véhicule d'autres valeurs, qui ont pour vertu d'être apaisantes dans une société dominée par la radicalité (et alors que le ministre de l'Intérieur qu'il est a aussi beaucoup irrité) : le vivre-ensemble, la concorde, le respect... « Le contraire du partage, fait remarquer Gérald Darmanin, c'est l'égoïsme. » C'est également une grille de lecture qui fait système et peut être déclinée dans tous les domaines. En économie, cela renvoie au partage de la richesse et de la valeur (l'ex-ministre des Comptes publics s'est régulièrement dit choqué par les écarts considérables qui pouvaient exister entre les salaires et les dividendes versés aux actionnaires). Sur le plan sociétal, le partage de l'autorité entre les parents, les professeurs, les policiers, l'État est au cœur des réflexions actuelles. Cette notion permet d'embrasser le défi écologique : les ressources de la Terre sont limitées, comment les partager sans les épuiser ? Elle offre l'occasion d'aborder les nouvelles aspirations en matière d'organisation de vie (l'arbitrage entre temps de travail et loisirs, la semaine de quatre jours...), la décentralisation (la répartition des compétences entre l'État et les collectivités), la géopolitique (ne faudrait-il pas concevoir une nouvelle organisation mondiale pour mieux associer les pays émergents ?), la défense (la mise en commun des moyens militaires à l'échelon européen est sur la table)...

Une ligne directrice pour 2027

Le 27 août, lors de sa première rentrée politique à Tourcoing, qui avait mis le feu à la majorité, Gérald Darmanin avait programmé une série de tables rondes sur les classes populaires. Avec son concept du partage, celui qui est d'abord sensible à l'aspect social de toute politique dessine un peu plus son créneau. À trois ans de la présidentielle, il estime ainsi que son camp ne devrait avoir qu'une obsession : comment faire en sorte que les Français qui gagnent 1500 euros par mois cessent d'être de plus en plus nombreux à voter en faveur de Marine Le Pen ?

En 1995, le thème de la fracture sociale avait joué un vrai rôle dans la victoire finale de Jacques Chirac. Parmi les prétendants possibles pour 2027, le numéro trois du gouvernement a bien conscience de figurer aujourd'hui plutôt sur la liste des outsiders que sur celle des favoris. Lui-même considère qu'à cette heure Édouard Philippe est le mieux placé pour tenter de succéder à Emmanuel Macron. Mais cela ne l'empêche pas de chercher à se densifier. S'il estime qu'une campagne présidentielle est un roman et non un essai, il pense néanmoins qu'elle doit s'accompagner d'une ligne directrice sur le fond.

Récemment, le ministre de l'Intérieur a eu une discussion avec le chef de l'État pour lui dire qu'il réfléchissait à la suite. Le locataire de l'Élysée ne l'en a pas dissuadé Au printemps, Gérald Darmanin, 41 ans, prendra des initiatives.

Ludovic Vigogne
Commentaires 2
à écrit le 18/02/2024 à 12:24
Signaler
Comment faire en sorte que les Français qui gagnent 1500 euros par mois cessent d'être de plus en plus nombreux à voter en faveur de Marine Le Pen ? Il faudra que les français aient la mémoire courte, après le bilan des émeutes de juin et juillet...

à écrit le 18/02/2024 à 8:32
Signaler
Il n'a aucune chance, l'avantage de notre président c'est qu'i la grillé un sacret paquet d'hurluberlus là avec sa côté de popularité moribonde. Ouf !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.