(Article publié le 18/10 à 1h, mis à jour à 12h45)
Au moins 200 personnes ont été tuées mardi soir par un tir sur l'enceinte d'un hôpital de la ville de Gaza, suscitant de vives réactions à l'étranger au onzième jour de la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas contre Israël.
« Des centaines de victimes se trouvent encore dans les décombres » de l'hôpital Ahli Arab, dans le centre de Gaza, où « 200 à 300 personnes sont mortes », a affirmé le ministère de la Santé du territoire palestinien contrôlé par le Hamas.
Le mouvement islamiste Hamas au pouvoir à Gaza accuse Israël d'être à l'origine de cette frappe. L'armée israélienne impute elle le tir de roquette tombé sur l'hôpital au Jihad islamique, autre groupe armé palestinien. « D'après des informations des services de renseignements, basées sur plusieurs sources que nous avons obtenues, le Jihad islamique est responsable du tir de roquette raté qui a touché l'hôpital », a affirmé de son côté l'armée israélienne dans un communiqué, paru cette nuit.
Une accusation de responsabilité du Hamas, qui a de nouveau été brandie par Israël ce mercredi, vers 11h heure de Paris. « Les preuves, que nous partageons avec vous tous, confirment que l'explosion dans un hôpital de Gaza a été causée par le tir d'une roquette du Jihad islamique ayant échoué », a affirmé le porte-parole militaire Daniel Hagari lors d'une conférence de presse. « Cette analyse professionnelle est basée sur des renseignements, des systèmes opérationnels et des images aériennes, qui ont tous été recoupés », a-t-il déclaré.
Après cette deuxième annonce, le président américain Joe Biden, en visite en Israël mercredi, a soutenu la version des autorités israéliennes imputant à des combattants palestiniens la frappe ayant tué des centaines de personnes dans un hôpital de Gaza.
« J'ai été profondément attristé et choqué par l'explosion dans l'hôpital à Gaza hier (mardi). Et sur la base de ce que j'ai vu, il apparait que cela a été mené par la partie adverse », a-t-il déclaré avant d'ajouter que le Hamas n'a apporté que « souffrance » aux Palestiniens et que le « monde civilisé » doit s'unir contre lui.
En réponse, le Hamas a qualifié de "mensonges" les accusations de l'Etat israélien, le désignant comme en étant à l'origine, alors que les condamnations internationales se multiplient.
Vague d'indignation et de condamnation
Le tir a, en effet, suscité une vague d'indignation et de condamnation de pays arabes, contre Israël et au-delà. Dans la nuit de mardi à mercredi, des manifestants sont sortis dans les rues à Amman, Tunis, et dans plusieurs villes de Libye. A Ramallah, en Cisjordanie occupée, des heurts ont éclaté mardi soir entre des manifestants appelant au départ du président palestinien Mahmoud Abbas et ses forces de sécurité. Dans le même temps, l'Eglise épiscopale à Jérusalem, qui gère l'hôpital frappé, a condamné une attaque « brutale » survenue « durant des frappes israéliennes », dénonçant un « crime contre l'humanité ». Le Hezbollah libanais, allié du Hamas, a appelé à une « journée de colère » mercredi pour condamner le tir meurtrier contre l'hôpital, un « massacre » dont il accuse Israël. Poids lourd régional, l'Arabie saoudite a dénoncé une « violation de toutes les lois et normes internationales », dénonçant la poursuite par Israël « des attaques contre les civils ».
Ce mercredi, malgré le démenti donné par Israël, les pays arabes, signataires ou non de la paix avec Israël, ont attribué d'une voix unanime l'explosion meurtrière dans un hôpital de Gaza à l'armée israélienne. Anwar Gargash, conseiller du président émirati, a souligné sur X (ex-Twitter) que « le drame humain de Gaza souligne la nécessité de donner la priorité à la protection des civils ». Le ministère bahreïni des Affaires étrangères a, lui, « exprimé la condamnation et la dénonciation ferme du Royaume de Bahreïn du bombardement israélien », a rapporté l'agence de presse officielle Bna. Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a condamné avec la plus grande fermeté « le bombardement israélien » de l'hôpital Ahli Arab et affirme avoir vu, dans ce « bombardement délibéré », une « violation flagrante du droit international ».Et la Jordanie, qui a aussi normalisé ses relations avec l'Etat israélien, a déclaré qu'Israël « porte la responsabilité de ce grave incident ».
Mais ce n'est pas tout, l'Organisation de la coopération islamique (OCI), basée en Arabie saoudite, a qualifié cette explosion de « crime de guerre, de crime contre l'humanité et de terrorisme d'Etat » et Ahmed Aboul Gheit, le chef de la Ligue arabe a appelé mardi « l'Occident à faire cesser immédiatement la tragédie » à Gaza. « Nos mécanismes arabes recensent les crimes de guerre, et leurs auteurs ne pourront pas échapper à la justice », a-t-il prévenu.
En Europe aussi, l'émotion est forte. « La France condamne l'attaque contre l'hôpital Al-Ahli Arabi de Gaza qui a fait tant de victimes palestiniennes. Nous pensons à elles. Rien ne peut justifier de prendre des civils pour cibles », a réagi Emmanuel Macron, qui a également appelé à l'ouverture « sans délai » de l'accès à la bande de Gaza pour l'aide humanitaire. « Je suis horrifié par les images de cette explosion dans un hôpital à Gaza. Des civils innocents ont été blessés et tués. Nos pensées vont aux familles des victimes. Une enquête approfondie de cet incident est impérative », a indiqué Olaf Scholz, le chancelier allemand sur le réseau social X (anciennement Twitter). La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a, de son côté, jugé mercredi que « rien » ne pouvait excuser « une frappe sur un hôpital rempli de civils », dénonçant des scènes « horribles » après une frappe meurtrière à Gaza dans l'enceinte d'un hôpital.
Joe Biden renonce à une étape prévu en Jordanie
Du côté américain, avant d'accuser le Hamas d'être à l'origine du tir, Joe Biden avait lui fait part « de ses plus profondes condoléances pour les vies innocentes perdues dans l'explosion d'un hôpital à Gaza » et souhaite « un prompt rétablissement aux blessés ».
Ce dernier a pris mardi le chemin d'Israël, a décidé de « reporter » une étape prévue mercredi en Jordanie, selon la Maison Blanche. Il promet de rester en contact « dans les prochains jours » avec les trois dirigeants arabes qu'il devait y rencontrer : le roi de Jordanie Abdallah II, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le dirigeant de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Son autre grand objectif est de faire arriver de l'aide étrangère à Gaza, cible de bombardements israéliens incessants et déjà en proie à une crise humanitaire. Il faut que l'assistance arrive « le plus vite possible » pour répondre aux « besoins désespérés ».
L'ONU appelle « cessez-le-feu humanitaire immédiat »
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a estimé quant à lui que l'attaque du Hamas en Israël « ne (pouvait) justifier la punition collective des Palestiniens » de Gaza. « Je suis pleinement conscient des profonds griefs du peuple palestinien après 56 ans d'occupation. Mais aussi graves que soient ces griefs, ils ne peuvent justifier les actes terroristes commis par le Hamas le 7 octobre. Mais ces attaques ne peuvent justifier la punition collective des Palestiniens », a-t-il déclaré lors d'un discours à Pékin, face aux représentants de quelque 130 pays au forum des Nouvelles routes de la soie. Il appelle à un « cessez-le-feu humanitaire immédiat » pour « apaiser les terribles souffrances humaines auxquelles nous assistons dans le conflit entre Israël et le Hamas ».
Le patron de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a aussi alerté sur le fait que la situation à Gaza « devient incontrôlable », faute d'une aide humanitaire pourtant prête à être acheminée, a affirmé mercredi sur le réseau X (ex-Twitter). « Chaque seconde où nous attendons l'aide médicale, nous perdons des vies », a déploré Tedros Adhanom Ghebreyesus, soulignant que les fournitures médicales étaient bloquées depuis quatre jours à la frontière entre l'Egypte et Gaza.
(Avec AFP)