L'économie mondiale est toujours en zone de turbulences. Aux Etats-Unis, les indicateurs montrent « un atterrissage en douceur » de l'activité. Le resserrement de la politique monétaire de la Réserve Fédérale (FED) n'a pas provoqué de hausse brutale du chômage et la croissance du PIB affiche une santé robuste (+5,2% au troisième trimestre). Mais l'économie européenne montre de sérieux signaux d'essoufflement. L'Allemagne est toujours plongée dans la récession. Et la croissance du PIB tricolore stagne en cette fin d'année 2024.
Dans ce contexte d'incertitudes, les entreprises hésitent à investir malgré les immenses besoins de réindustrialisation et de décarbonation des sites existants. Selon un bilan 2023 dévoilé par le cabinet Trendeo ce dimanche 10 décembre, les investissements industriels dans le monde n'ont toujours pas retrouvé leur niveau d'avant crise sanitaire. « En 2020, il y a eu le trou du Covid puis une bonne reprise sur les trimestres suivants », a déclaré David Cousquer, le fondateur du cabinet, lors d'un point presse. Après le plongeon historique de 2020, les investissements industriels ont fortement rebondi en 2021. Mais depuis, les volumes recensés sont tout de même inférieurs à la pandémie. La moyenne des investissements sur les semestres entre début 2021 et mi-2023 (525 milliards d'euros) est largement en deca du montant calculé sur les semestres antérieurs à la pandémie (665 milliards d'euros).
Investissements industriels : l'inquiétant retard européen
Le tableau dressé par le cabinet montre que l'Europe est clairement à la peine.« Il y a un retard européen sur l'investissement et un retard français en Europe. L'Union européenne a modestement augmenté sa part de l'investissement dans l'économie mondiale », a affirmé David Cousquer. Au niveau mondial, « l'Amérique est en surrégime avec 28% des montants investis contre 9,9% en Europe », poursuit l'expert. L'Asie reste néanmoins la place forte des investissements industriels avec 54% des sommes recensées. A l'opposé, l'Afrique (5,7%) et l'Océanie (1,4%) arrivent en bas de tableau.
Ce retard européen se traduit également dans le montant des sommes investies. « Les investissements européens dans l'industrie sont 40% plus petits que la moyenne mondiale », indique David Cousquer. Au niveau mondial, le montant moyen investi par projet s'élève à 470 millions d'euros contre 276 millions d'euros sur le Vieux continent.
Parmi les résultats frappants de cette enquête, figurent les stratégies d'investissement des entreprises européennes. Ces dernières investissent en majorité hors de l'Union européenne. « Il y a une extraversion des entreprises de l'Union européenne », affirme David Cousquer. En 2023 par exemple, le montant moyen d'investissement d'une entreprise européenne en dehors du Continent s'établit à 251 millions d'euros contre 91 millions sur son sol.
L'inflation a mis un coup d'arrêt aux investissements
La pagaille dans les ports de commerce pendant la pandémie, les difficultés d'approvisionnement et la crise énergétique ont propulsé l'indice des prix à la consommation vers des sommets en 2022. Face à cette envolée des prix, les banques centrales ont serré la vis monétaire. Après des années de politique monétaire accommodante, les banquiers centraux ont décidé de relever les taux et réduit les politiques de rachats de titres publics.
Le durcissement des conditions financières et d'accès aux crédits ont porté un coup dur aux décisions d'investissement des entreprises en Europe.« Le retard des investissements peut s'expliquer par plusieurs facteurs : un monde inflationniste, les difficultés à répercuter ces hausses sur les coûts de production, l'accès aux crédits », a résumé, Frédéric Sanchez, le patron de l'entreprise d'ingénierie industrielle Fives.
L'industrie verte sera-t-elle un levier suffisant pour rattraper le retard européen ?
L'accélération du réchauffement climatique a provoqué de nombreux dégâts des dernières années. Face à la crise climatique, l'Union européenne s'est engagée à réduire drastiquement ses émissions carbone de 55% d'ici 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour parvenir à ces objectifs, le Vieux continent compte bien sur l'industrie verte pour relancer un nouveau cycle d'investissements verts dans le cadre du Green Deal européen. « L'Europe est vertueuse dans ses environnements mais les volumes manquent », constate David Cousquer. Le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) a considérablement assombri les perspectives d'investissements des entreprises. Confrontés à une crise énergétique historique, les Etats européens ont d'abord encaissé le choc par des boucliers tarifaires. Mais le retour à des règles de discipline budgétaire pourraient rendre l'équation européenne très difficile à résoudre.