Décarbonation de l'industrie : le difficile pari d'Emmanuel Macron

Les 50 sites industriels les plus polluants en France ont signé un contrat de transition écologique avec l'Etat ce mercredi. Il doit permettre de réduire drastiquement leurs émissions d'ici 2030 (-45%). Le manque de maturité de certaines technologies et le flou sur les aides plongent toutefois les industries dans le brouillard. Le pari d'Emmanuel Macron de parvenir à la neutralité carbone à l'horizon 2050 semble de facto difficile à tenir.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

L'industrie va-t-elle parvenir à remplir ses objectifs de décarbonation ? Le 8 novembre 2022, Emmanuel Macron avait convié les patrons des 50 sites les plus polluants en France, dans la vaste salle des fêtes du palais de l'Elysée. Objectif affiché, accélérer la transition énergétique des plus grandes industries tricolores. « Cette réunion vise à faire le choix de l'avenir (...). Cette stratégie doit passer par le climat, l'industrialisation et la souveraineté, », avait-il alors souligné, en amont de ce grand raout sous les ors de la République. À l'époque, le chef de l'Etat voulait mettre en avant son engagement pour le climat alors que la France avait subi les ravages des feux de forêt en Gironde et les sécheresses à répétition tout au long de l'été.

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Un an après, l'Etat a signé ce mercredi des contrats de transition écologique avec ces 50 plus grands sites industriels tricolores. Au salon des maires à Paris, les ministres Roland Lescure (Industrie), Agnès Pannier-Runacher (Energie) et Dominique Faure (Collectivités) ont officialisé ces engagements devant un parterre d'élus locaux et de caméras.

« Ces contrats vont dans le bon sens, mais cela va prendre du temps et ils représentent un coût, a confié à La Tribune la géographe et économiste Anaïs Voy-Gillis, spécialiste de la réindustrialisation. La marche pour décarboner l'industrie est conséquente ».

Dans ces contrats, les industriels s'engagent à réduire leurs émissions de 45% d'ici 2030, soit 22 MtCO2eq d'émissions en moins chaque année. Cette baisse s'inscrit dans le cadre des objectifs climatiques de l'UE : -55% en 2030 par rapport à 1990 et atteindre la neutralité carbone en 2050.

La maturité des technologies de rupture

Pour parvenir à cet objectif, l'Etat mise sur quatre principaux leviers : l'électrification des procédés - comme le remplacement des fours au gaz par des fours électriques -, la biomasse, l'hydrogène décarboné, et la capture de carbone.

« Les technologies sont désormais bien identifiées, mais elles posent la question de leur maturité », avertit Anaïs Voy-Gillis.

Certes, la recherche et développement ont permis d'avancer sur les outils, mais certaines technologies ne sont pas encore abouties. Les industriels savent désormais capturer les émissions de carbone sur les chaînes de production. En revanche, « la question est de savoir ce que l'on fait du stockage de carbone ». Par ailleurs, « on ne sait toujours pas capter le carbone dans l'atmosphère ». En outre, de nombreux experts du climat misent sur le levier de la sobriété pour remplir les objectifs climatiques de l'Hexagone.

Le flou sur les aides

Pour convaincre les industriels, Emmanuel Macron avait mis sur la table, en novembre 2022, un doublement de l'aide de 5 milliards d'euros s'ils accéléraient leurs efforts. « Notre objectif est d'aller le plus vite possible. Si nous arrivons à doubler nos efforts de 10 millions de tonnes à 20 millions de tonnes évitées, nous passerons l'enveloppe de 5 milliards d'euros à 10 milliards d'euros. Il y a un effet de levier important », avait-il expliqué.

Dans les faits, la concrétisation de ce doublement des aides provenant du plan France 2030 n'est pas à l'ordre du jour. « Il n'appartient pas aux ministres de parler au nom du président de la République, donc ce n'est pas une annonce qui sera faite mercredi », a expliqué le cabinet de Roland Lescure, lors d'une réunion téléphonique avec des journalistes. Ce flou sur les aides risque de semer la confusion chez les industriels prêts à engager des investissements dans la transition pour décarboner leur site.

« Une neutralité carbone loin d'être atteinte en 2050 »

En dépit des efforts affichés par le gouvernement et les industriels, les objectifs de la France en matière de baisse des émissions pourraient s'avérer difficilement tenables. Dans un document de l'administration française, révélé par le journal Contexte, il y a quelques jours, les auteurs soulignent que « la neutralité carbone [serait] loin d'être atteinte en 2050 ».

Les modélisations « partagées en interministériel » prennent en compte « une forte réindustrialisation », avec « une hausse de la production ». Dans leurs travaux, les statisticiens ont d'ailleurs intégré la transition énergétique des 50 grands sites de production. Cette décarbonation ne devrait pas suffire pour remplir les objectifs de l'accord de Paris signé en 2015. Pour Anaïs Voy-Gillis, « il va falloir accélérer les efforts si la France veut parvenir à ses objectifs ».

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L'industrie, responsable de 20% des émissions de CO2 en France

L'industrie joue un rôle majeur dans les émissions de CO2 dans l'Hexagone. Selon un récent calcul du CITEPA, l'industrie de manufacturière et de la construction a représenté environ 20% des émissions de CO2. Si on ajoute les émissions de l'industrie de l'énergie, ce ratio passe à 30%. Même si les courbes dessinent une baisse globale depuis 30 ans en raison notamment de la désindustrialisation, le tissu productif hexagonal occupe une place prépondérante dans les émissions de CO2.

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 22/11/2023 à 17:39
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Tout le monde sait que les objectifs carbone de 2030 et 2050 sont impossibles a tenir, mais tout le monde fait semblant

le 23/11/2023 à 13:07
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une stupidite face a la concurence mondial c'est un suicide economique

le 23/11/2023 à 15:02
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Que voulez vous nos politiciens sortent rarement de leur monde de bisounours, ils pense être intelligent et imposé souvent des choses intenable, comme les 35 heures impossible à faire dans des branches de l'état qui l'impose...

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