Israël : cent jours après les attaques du Hamas, la solitude désespérée des familles d’otages

Malgré leur mobilisation, les proches des personnes détenues à Gaza souffrent de l’abandon du gouvernement. Ils exigent l’intensification des négociations avec le Hamas.
Vendredi, marche organisée par les familles d’otages à Urim, un kibboutz du sud du pays, près de la frontière entre Israël et Gaza.
Vendredi, marche organisée par les familles d’otages à Urim, un kibboutz du sud du pays, près de la frontière entre Israël et Gaza. (Crédits : ©ATEF SAFADI/EPA/MAXPPP)

Elles aussi ont pris le chemin de Doha pour tenter de faire libérer leurs proches.
Le 5 janvier, six familles d'otages ont été reçues par le Premier ministre qatarien,
Mohammed Ben Abderrahman Al-Thani, maître d'œuvre des négociations entre
Israël et le Hamas. « Nos hôtes nous ont écoutés et nous savons qu'ils connaissent
les détails de chaque personne détenue », a déclaré Noam Peri, avant d'ajouter à
l'adresse des autorités israéliennes : « Il est temps que le retour des otages devienne
votre priorité. Vous nous avez abandonnés le 7 octobre, ne nous abandonnez pas
encore aujourd'hui. »


Cela fait cent jours que Haim, le père de Noam Peri, est détenu dans la bande de
Gaza. Ce militant pour la paix, artiste de 79 ans et membre fondateur du kibboutz
Nir Oz, en bordure de Gaza, a été enlevé à son domicile lors des attaques terroristes.
Traits tirés, cheveux relevés et vêtue de noir, sa fille, cadre supérieure de Google, s'est
rendue une fois de plus hier après-midi sur la « place des otages », située au cœur de
Tel-Aviv, en contrebas du siège de l'armée israélienne. Un tunnel de 30 mètres y a été
creusé et la table installée sur la place depuis trois mois, dressée pour le dîner familial du shabbat des absents, accueillait pour la première fois des bouteilles d'eau
croupie et de simples morceaux de pain pita.

25 otages officiellement déclarés décédés

Alors que la bande de Gaza est pilonnée sans relâche, les conditions de vies des otages sont de plus en plus difficiles. Sur les 132 personnes encore retenues, 25 ont officiellement été déclarées décédées. Depuis la libération de 105 premiers otages israéliens, pendant une courte trêve militaire fin novembre, leurs témoignages devant la commission parlementaire pour les captifs à la Knesset sont retransmis à la télévision. Les révélations de tortures physiques, psychologiques et d'agressions sexuelles subies glacent le pays. Depuis le 7 octobre, les familles ne lâchent rien pour forcer le gouvernement israélien à tenir sa promesse de ramener les derniers otages. La voix tremblante, Yarden Gonen évoque le sort de sa sœur Romi, 23 ans.

Un contrat implicite lie Israël à ses citoyens, celui d'assurer leur sécurité et de ramener tout le monde à la maison coûte que coûte, vivant ou mort

Présente au festival de musique Nova organisé en pleine nature près de Re'im,
le kibboutz frontalier de la bande de Gaza, la jeune femme a été kidnappée avec 39 autres personnes. « À chaque fois que je mange, j'ai honte car je ne sais pas si ma sœur a mangé, avoue Yarden Gonen, 30 ans. Quand je vais aux toilettes, je me demande si elle a droit à son intimité. Toute femme peut ressentir la crainte d'un assaut sexuel lors d'une promenade nocturne en ville ; cette peur prévaut chaque seconde pour les captives retenues à Gaza. »

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Dans un voyage de presse organisé par le Forum des familles d'otages et de
disparus, cette infirmière de Tel-Aviv s'est rendue il y a quelques jours pour la première fois sur le site de la rave party. Assise sur une chaise en plastique, non loin d'un parterre de portraits géants des victimes de Nova, elle raconte sa sœur Romi « venue passer un moment inoubliable, célébrer l'amour, la danse, la paix et la liberté. Au lieu de cela, elle a vu sa meilleure amie se faire assassiner et elle-même a reçu une balle dans le bras avant d'être kidnappée ».

Contrat implicite

La famille de Romi a obtenu une preuve de vie grâce aux premiers otages
libérés, mais le supplice continue. « Toute ma vie, j'ai voulu croire à la paix, poursuit
Yarden Gonen. Ce qui s'est passé le 7 octobre ne doit jamais se reproduire.
Comment notre pays pourrait-il se relever de cette tragédie sans le retour des
otages ? » En Israël, un contrat implicite lie l'État à ses citoyens, celui d'assurer leur
sécurité et de ramener tout le monde à la maison coûte que coûte, vivant ou mort.
Un contrat qui apparaît rompu pour les familles dont les proches enlevés deviennent de plus en plus des disparus à mesure que les jours passent. « Le retour des otages est la plus importante tâche pour maintenir un climat moral dans le pays, confirme Esther Buchshtab, la mère de Yagev, kidnappé au kibboutz Nirim. Nous savons qu'un accord est sur la table et nous exigeons qu'il soit promu. »

Redonner une priorité aux kidnappés Vendredi soir, Tel-Aviv a déclaré avoir finalisé un arrangement avec le Qatar pour livrer « dans les prochains jours » des médicaments aux captifs israéliens auxquels la Croix-Rouge n'a pas eu accès.

« Seul un méga-deal prévoyant le retour de tous les otages israéliens, l'exil des chefs du Hamas et la démilitarisation de Gaza pourra arrêter la guerre », a estimé l'ancien chef du renseignement militaire israélien Amos Yadlin dans un briefing dimanche dernier.

Selon lui, le cabinet de guerre, qui semblait privilégier l'opération militaire à
Gaza et le démantèlement du Hamas à la libération des otages, serait devenu « plus
équilibré » en redonnant une priorité aux kidnappés. Reste à savoir quelles solutions pourront être trouvées pour gérer ce traumatisme national sans précédent.

Dans un post Facebook publié mercredi sur le compte de sa mère, la fille du célèbre aviateur Ron Arad, disparu en 1986 lors d'une mission au Liban-Sud, a exceptionnellement pris la parole sur les réseaux sociaux. D'ordinaire discrète, la jeune femme a eu envie « de crier » : « Les campagnes de sensibilisation ne suffiront pas à ramener les otages chez eux. Après la capture de mon père, on nous a dit aussi "nous faisons tout", "patience". Nous avons également compté les jours, les nuits, les semaines, les mois et les années. Nous avons aussi parcouru le monde pour faire pression. » Pour la fille de celui qui aujourd'hui est devenu simplement « une affiche », une seule chose ramènera les otages : négocier avec le Hamas. « Il faut assumer la responsabilité d'un accord. »

Commentaire 1
à écrit le 14/01/2024 à 8:37
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Les familles d'otages prises en otages par les extrémistes des deux camps. Bon courage à eux dont les intérêts essentiels ne sont pas écoutés par ceux qui ne pensent qu'à leurs propres intérêts. Plutôt que chercher à sauver des vies ils préfèrent che...

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